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Turquie – Israël : l’ambiguïté d’Erdogan sur la guerre à Gaza

Turquie – Israël : l’ambiguïté d’Erdogan sur la guerre à Gaza

La Turquie est l’un des grands pays qui soutiennent ouvertement la résistance palestinienne et qui critiquent avec véhémence le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu. Un discours destiné à satisfaire l’opinion publique turque majoritairement acquise à la cause palestinienne.

Dans le même temps, ses échanges commerciaux avec Israël sont intenses et se renforcent d’année en année. Un paradoxe qui n’échappe pas aux observateurs qui tentent de décortiquer le jeu de Recep Tayyip Erdogan.

La Turquie entretient des relations avec Israël depuis 1949. Et alors que les pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu tiennent une position très prudente, voire ambiguë depuis le déclenchement de la guerre de Gaza le 7 octobre 2023, Ankara soutient sans réserve le Hamas palestinien et utilise une rhétorique crue pour dénoncer les crimes israéliens.

Les déclarations très fortes d’Erdogan ces trois derniers mois ne se comptent plus, les réactions des Israéliens aussi.

Le président turc est allé jusqu’à comparer le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à Adolf Hitler.

« Ils disaient du mal d’Hitler. Quelle différence avez-vous avec Hitler ? », a déclaré Erdogan mercredi 27 décembre lors d’une cérémonie à Ankara à propos du Premier ministre israélien.

Ce dernier a réagi dans un communiqué, signifiant au président turc qu’il est « la dernière personne à pouvoir prêcher la morale », l’accusant de « génocide contre les Kurdes » et de détenir « le record mondial d’emprisonnement de journalistes ».

Ce genre de passes d’armes entre les deux parties est récurrent depuis le 7 octobre dernier. Le 28 octobre, Israël a rappelé ses diplomates à Ankara suite à des déclarations d’Erdogan accusant Israël de crimes de guerre et de chercher à instaurer « une atmosphère de croisade ». Le 4 novembre, c’est Ankara qui a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv.

Le 8 décembre, Erdogan a accusé Israël de pratiquer un « terrorisme d’Etat » et fait part de la détermination de son pays à assumer ses responsabilités pour faire cesser la tragédie.

Turquie – Israël : génocide ou pas, business is business

En plus d’être un pays musulman, la Turquie est aussi dirigée depuis plus de 20 ans par un parti issu, comme le Hamas palestinien, de la mouvance des Frères musulmans.

Si la rhétorique d’Erdogan vis-à-vis d’Israël n’étonne pas, son inaction est moins compréhensible, sachant que la Turquie détient plus d’un levier de pression efficace sur le gouvernement de Netanyahu.

Pour le moment, elle n’en a actionné aucun. Ces leviers sont économiques et stratégiques et c’est précisément à ce niveau que se situent les mesures qui peuvent faire mal à l’Etat hébreu, comme le montre la perturbation du trafic maritime dans la Mer Rouge où les Houthis du Yémen attaquent les navires ayant un lien avec Israël depuis le 19 novembre.

Les échanges entre la Turquie et Israël se sont élevés en 2022 à 9 milliards de dollars. Ce sont donc des partenaires économiques importants l’un pour l’autre. La Turquie fournit à Israël 10% de ses besoins en produits sidérurgiques.

La guerre à Gaza et l’indignation manifeste des dirigeants turcs ont tendu les relations entre les deux pays, mais pas le business. Rien que depuis le 7 octobre, plus de 450 navires sont partis des ports turcs à destination d’Israël, selon le journaliste turc Metin Cihan. Ce pays est un marché important pour de nombreux produits turcs, comme le fer et l’acier, le textile, le ciment ou les produits chimiques.

La Turquie, elle, ne peut pas se passer des produits israéliens de haute technologie, notamment les composants de ses drones. Ankara peut bien faire pression sur Tel-Aviv, d’autant plus que 40% du pétrole azerbaïdjanais destiné à Israël passe par les ports turcs.

Aussi, 7% de l’électricité consommée en Israël est fournie par la Turquie. Cette dernière laisse aussi se poursuivre la fourniture d’armes américaines à Israël via la base d’Incirlik, sur le territoire turc.

Mieux, selon le journaliste Metin Cihan, des navires turcs continuent à livrer à l’armée israélienne vêtements et produits alimentaires. Parmi les sociétés qu’il a citées, une qui appartient à Burak Erdogan, fils du président turc.

Comme quoi, génocide ou pas à Gaza, « business is business ». Et cela n’a rien de nouveau. Comme le souligne Cengiz Aktar, professeur à l’université d’Athènes, cité par France Info, les nombreuses crises passées entre Ankara et Tel-Aviv  n’ont « jamais, jamais, altéré ou changé quelque chose à la relation commerciale et économique » entre les deux pays.

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