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Un nouveau rapport de la Banque mondiale pointe l’inefficacité du modèle marocain

Dans le cadre de partenariat avec le Maroc à l’horizon 2024, le groupe Banque mondiale a élaboré un rapport appelant, comme le roi Mohammed VI dans son dernier discours, à « une nouvelle vague de réformes ». L’essentiel du document met particulièrement en exergue ce qui entrave la dynamique du secteur privé, la création d’emplois et le renforcement des compétences

Voici donc un document élaboré sous les auspices de la Société financière internationale (SFI) et la Banque mondiale qui fait écho aux exigences royales en terme de gouvernance et de politique économique tant il pointe, à l’instar des constats des autres institutions marocaines, dont le Palais, l’incapacité du Maroc, malgré sa forte performance en terme de taux d’investissement (34 % du PIB/ an depuis 2005) de traduire cet effort exceptionnel, « l’un des plus élevés au monde », en croissance économique, productivité, création d’emplois et donc en redistribution.

La comparaison avec d’autres économies émergentes montrent ce déficit chronique du Maroc à décoller économiquement, à l’instar de la Turquie, des Philippines ou de la Colombie qui surperforment le Maroc en terme de croissance du PIB/ha (+ de 4 %) alors que les taux annuels moyens du royaume végètent de 2,9 % entre 2000 et 2017.

C’est sur le front de l’emploi induit que les résultats du Maroc sont particulièrement alarmants : 270 000 personnes en âge de travailler sont venus s’ajouter par an entre 2012 et 2016, alors que le pays n’a pu offrir que 26 400 nouveaux emplois nets en moyenne par an.

Sur une perspective historique, le bilan en terme de gains de productivité totale des facteurs de production est nul. Depuis les années 70 jusqu’au tournant des révolutions arabes en 2011, ce facteur a stagné.

Et pour cause, le secteur public (entreprises d’Etat comprises) représente 50 % de tous les investissements réalisés dans le pays. Principalement axés sur l’effort de rattrapage en termes d’infrastructures, cet investissement, très coûteux à la base, n’a pas eu d’effets immédiats sur la lutte contre le chômage et les inégalités sociales.

UN MODÈLE AXÉ SUR LE PUBLIC DEVENU INSOUTENABLE

Aussi, ce modèle existant basé sur une croissance dépendante du taux très élevé d’accumulation de capital public fixe, n’est pas soutenable : le Maroc devant maintenir cet effort au péril de ses équilibres macro-économiques –   sans conséquences directes sur sa redistribution –  pour se maintenir à ce niveau qui par ailleurs ne lui permet pas de concrétiser ses ambitions d’émergence et donc de rattrapage des pays à revenus par tête d’habitant plus élevés.


Par conséquent, c’est tout le partenariat public-privé (PPP) qui est à revoir de fond en comble : « Un environnement propice est nécessaire pour accroître le financement privé des infrastructures. Les besoins spécifiques incluent l’existence d’une courbe de rendement à long terme qui fournit au marché une référence de prix fiable (…) L’amélioration de l’environnement institutionnel est l’ingrédient essentiel pour développer davantage de partenariats public-privé dans le domaine des infrastructures », est-il dit dans le rapport.

Il faudrait d’abord « clarifier le rôle subsidiaire de l’État dans certains secteurs des infrastructures (par exemple, les transports aériens et les télécommunications)  garantir des procédures transparentes et compétitives pour créer des joint-ventures publiques-privées et une procédure unique pour attribuer ou étendre les concessions. Il faut également renforcer la capacité institutionnelle du secteur public de créer, d’évaluer et de superviser les PPP, y compris leurs incidences budgétaires sur le budget du secteur public ».

ETABLIR DES RÈGLES ÉQUITABLES, UNE URGENCE ABSOLUE

Le rapport pointe en outre la faiblesse du tissu des PME marocaines bien incapables à créer de l’emploi durable, de gagner de nouveaux marchés notamment à l’international. L’entrepreunariat marocain pâtit ainsi du manque de soutien institutionnel, de financement adéquat, de conditions propices à une concurrence équitable, du capital humain nécessaire et des compétences de meilleure qualité pour répondre aux besoins d’une main-d’œuvre moderne.

Aussi, la croissance économique est tirée par des entreprises publiques établies, protégées et favorisées alors que les PME subissent un effet d’éviction. Idem pour celles, privées qui évoluent dans des secteurs particulièrement choyés, parfois jusqu’à la rente (BTP, immobilier), alors que les secteurs les plus dynamiques et à plus forte valeur ajoutée, hormis la frange marginale qui profite des incitations octroyées par les zones franches, ne représente qu’une faible part de la croissance de l’emploi.

Ce sont aussi les conditions de marché et de concurrence loyale qui sont pointées du doigt, sachant qu’un changement de paradigme à ce niveau est seul à permettre de créer les conditions de l’émergence d’un secteur privé dynamique et diversifié, capable de créer les emplois dont le Maroc a  besoin dans l’urgence. Le document voit cependant avec optimisme la récente relance du Conseil de la concurrence « après un hiatus de quatre ans ».

Point focal du rapport, la conception même du Plan d’émergence industriel qui favorise l’investissement extérieur au détriment des PME exportatrices, exclues des incitations octroyées (dans les zones franches notamment) aux multinationales.

Ce désavantage, couplé aux mesures protectionnistes imposées par l’Etat (tarification douanière entre autres) et aux avantages fiscaux données aux secteurs rentiers (immobilier), in fine, offre des rendements élevés aux privés connectés aux sphères politiques.

Illustration de cet état de fait, l’automobile, secteur très performant à l’export grâce aux avantages données aux grands constructeurs mondiaux, tisse un écosystème qui disqualifie les entreprises locales, peu d’entre elles ayant réussi à rejoindre les clusters automobiles, soit par la modernisation de leurs activités, soit par le biais de joint-ventures. Une situation à terme qui risque d’engendrer une dépendance totale de cette industrie au capital étranger sans effet de transfert de technologie et de savoir-faire et avec un taux marginal d’emploi.

Si dans le monde, les nouvelles entreprises innovantes sont celles qui produisent le plus d’emplois à forte valeur ajoutée (les entreprises de cinq ans ou moins représentent environ un cinquième de l’emploi total et créent près de la moitié des nouveaux emplois, selon l’OCDE), au Maroc, 37 % des entreprises enregistrées ont moins de cinq ans avec un taux de survie et un impact sur l’emploi totalement méconnus.

Mais en l’absence d’information fiable sur les PME marocaines, il est évident qu’elles sont démunies des moyens essentiels susceptibles de leur permettre de prospérer, d’exporter et de s’intégrer dans l’économie-monde. Les contraintes à cela sont exposées par le rapport : absence de concurrence équitable, de disponibilité de capital humain et de compétences, barrières à l’accès aux chaînes de valeur mondiales, défaut de financements et du capital risque aux stades critiques de leur développement, accès très difficile au foncier, aux infrastructures et aux services TIC pourtant indispensables pour une économie moderne et, corollaire à cela, inexistence d’une culture réellement favorable aux affaires.

SALAIRES, ÉDUCATION, NUMÉRIQUE…  AUX EFFETS D’ÉVICTION

Autre effet inhibant pour l’entreuprenariat privé, le niveau de salaire comparativement élevé dans le public pour les personnes à fort potentiel (deux à trois plus que le salaire moyen dans le privé) qui les empêche de s’aventurer dans un secteur privé où l’initiative et la prise de risques sont contrecarrées par des conditions de concurrence inégales.

L’écart salarial public-privé au Maroc est plus élevé que dans les autres pays de la région MENA, à l’exception des pays du Golfe riches en pétrole, relève le rapport qui souligne qu’« alors que les jeunes ingénieurs brésiliens, malaisiens ou turcs qui étudient à l’étranger retournent dans leur pays d’origine pour travailler dans les domaines de l’ingénierie, de l’enseignement et de la recherche, les ingénieurs marocains ne le font que rarement ou préfèrent travailler en entreprise ou dans les services publics ».

L’éducation est aussi un facteur inégalitaire pour l’initiative dans le privé. Aussi, remarque le rapport, le Marocain, moins instruit en moyenne que ses pairs dans le monde, se déporte par nécessité sur la création d’entreprise (42 % des jeunes Marocains âgés de 18 à 29 ans ont l’intention de devenir entrepreneurs).

Et le rapport mentionne l’urgence d’investir dans la petite enfance, l’enseignement supérieur et la formation pour adultes en dehors du travail. « L’écosystème émergent de l’entrepreneuriat permettra à davantage de personnes de devenir entrepreneurs par choix plutôt que par nécessité », prévient le document.

Concernant le système financier, bien qu’il soit l’un des plus mâture de la région, celui-ci continue d’entraver sérieusement la croissance et l’entrepreneuriat des très petites entreprises (TPE), freinant la croissance de leur productivité et l’expansion de leurs activités. « Le secteur financier est particulièrement absent dans les phases initiales de développement des entreprises, lorsque l’accès aux capitaux propres est le plus important. Les jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance ont également du mal à obtenir des prêts à des conditions accessibles », note le rapport.

« Le capital-risque et les investisseurs providentiels (business angels) sont pratiquement inexistants. Les retards de paiement généralisés s’ajoutent aux problèmes chroniques de trésorerie de nombreuses entreprises », note à ce sujet la Banque mondiale, qui souligne la principale problématique du marché financier marocain, alors que le système bancaire est évolué, le marché des actions est sous-développé : le manque patent d’instruments de financement à long terme, de financement en fonds propres et de marchés des capitaux affecte non seulement les PME, mais aussi les jeunes entreprises innovantes et les grandes entreprises qui ne sont pas à l’abri des contraintes financières. « On observe un manque de liquidité et un nombre de nouveaux émetteurs limité à la Bourse de Casablanca (CSE), en particulier pour ce qui est des grands émetteurs institutionnels », est-il mentionné dans le document.

La productivité est aussi dépendante dans le cas du Maroc d’un déficit d’accès aux services numériques performants (haut débit fixe) : « Le taux de croissance du secteur des TIC ralentit et le Maroc accuse un retard par rapport aux pays qu’il considère comme concurrents dans ce domaine, notamment en termes de pénétration et de vitesse du haut débit ».

« Dans le domaine des infrastructures fixes à haut débit, l’absence de concurrence, une réglementation incomplète et inefficace, ainsi que le sous-investissement dans l’accès au haut débit par fibre optique et les infrastructures de liaison terrestre ont résulté en des services Internet haut débit onéreux. Le marché du haut débit est également limité aux principaux centres urbains et routes du pays, ce qui aggrave la fracture numérique. La pénétration du haut débit au Maroc est parmi les plus faibles de la région MENA », est-il constaté, d’autant que par ailleurs, le paiement mobile accuse un retard en raison d’un cadre réglementaire imparfait et du manque d’innovation et de concurrence entre les établissements bancaires et non bancaires…


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