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Un pays, deux présidents : comprendre la crise politique au Venezuela

Un pays, deux présidents : comprendre la crise politique au Venezuela

Depuis le 23 janvier, le Venezuela traverse une crise politique majeure. Juan Guaido, le président de l’Assemblée nationale vénézuélienne et figure de proue de l’opposition, s’est autoproclamé « président en exercice ». Il a immédiatement obtenu la reconnaissance de puissances étrangères, les États-Unis en tête. Les Européens, dont la France et l’Espagne, se disent prêts à reconnaître le « nouveau président ».

La crise politique actuelle ne représente en fait que le prolongement d’une crise profonde affectant le Venezuela depuis le décès du président Hugo Chavez et surtout depuis l’effondrement des cours du pétrole en 2014, unique source de revenus pour ce pays de 35 millions d’habitants. La crise économique a engendré des pénuries de nombreux produits, même ceux de première nécessité tels que la nourriture et les médicaments.

Une inflation de 10.000.000% prévue en 2019

Une politique monétaire incontrôlée et incontrôlable, avec notamment le recours à la planche à billets, a également mené à un taux d’inflation de 1,6 millions pour cent en 2018, ayant conduit plus de trois millions de Vénézuéliens à l’exil.

Le taux d’inflation attendu pour 2019 devrait même atteindre 10.000.000%, prévoit le FMI. En parallèle, la corruption endémique ancrée dans le système politique du Venezuela a mené l’explosion des inégalités, l’écrasante majorité de la rente du pays allant dans les mains d’une oligarchie réputée proche du cercle présidentiel et de l’armée.

Âgé de 35 ans, Juan Guaido, du parti d’extrême droite « Volonté Populaire », a été élu le 5 janvier à la tête de l’Assemblée nationale de son pays. Dès son élection, il refuse de reconnaître la légitimité de Nicolas Maduro, réélu en mai 2018, lors d’élections présidentielles très contestées et investi pour un deuxième mandat le 10 janvier dernier.

Devenu en quelques semaines seulement chef de fil de l’opposition, Guaido est arrêté par les services de renseignement vénézuéliens dans une opération spectaculaire qui lui vaudra nombre de soutiens à l’international, la présidence des Etats-Unis en tête.

Un pays divisé, quelle position pour l’armée ?

La décision de s’autoproclamer « président en exercice » a profondément divisé le Venezuela. Le président effectivement en exercice Nicolas Maduro a immédiatement dénoncé l’ingérence des États-Unis, affirmant qu’« Ils ont organisé une tentative de coup d’État en même temps qu’un coup d’État médiatique international contre le Venezuela ».

Pour sa part, le haut commandement de l’armée vénézuélienne, à sa tête le ministre de la Défense Vladimir Padrino, a, dès le lendemain de l’auto-proclamation dénoncé « un coup d’État », affirmant : « Nous serions indignes de porter l’uniforme si nous ne défendions pas la Constitution, notre indépendance et notre souveraineté. Nous avons promis de mourir pour la patrie et nous allons le faire ».

L’armée a ainsi réaffirmé pour l’heure la légitimité du président Maduro, donnant ainsi un indéniable avantage à ce dernier. Avec 315 000 soldats, l’armée vénézuélienne a non seulement le pouvoir de la force, mais aussi celui de l’argent, souligne un expert auprès du journal français Libération. Ce sont en effet les militaires qui dirigent les principales entreprises publiques du pays et qui contrôlent les principales sources de revenus, notamment celles du pétrole, des minerais ou encore de l’importation de nourriture.

Le soutien de l’armée n’est cependant pas acquis, et Maduro pourrait pâtir de la fracture qui devient de plus en marquée au sein de cette institution. Beaucoup de soldats auraient notamment refusé de réprimer les manifestations d’opposition ce mercredi 23 janvier, signifiant une « fracture interne qui grandit entre le haut commandement d’un côté et les troupes de l’autre », explique Sebastiana Barráez, journaliste vénézuélienne citée par la même source.

Quatre scénarios possibles

Dans l’état actuel des choses, quatre scénarios potentiels pourraient avoir lieu. Un « gouvernement de transition » pourrait être mis en place accompagnée de l’organisation de nouvelles élections. Tel est le souhait de Juan Guaido dans son coup de poker. Un deuxième scénario consisterait à voir Maduro s’accrocher au pouvoir au moins jusqu’à la fin de son mandat, prévue pour 2025. Isolé internationalement, Nicolas Maduro pourrait faire appel au soutien financier de pays tels que la Chine, la Russie ou encore l’Iran qui s’uniraient « plus pour contrer les intérêts des Etats-Unis qu’en raison d’une quelconque sympathie envers Maduro », estime Paul Hare, universitaire américain.

Un troisième scénario consisterait à voir l’armée prendre le contrôle du pouvoir, ne serait-ce que de manière temporaire. Une hausse de la « répression » ou une guerre civile ne sont dans ce cadre pas écartées. Enfin, un dernier scénario verrait Nicolas Maduro et Juan Guaido se retrouver autour d’une table pour négocier. Guaido se refuse pour l’heure à tout « faux dialogue ».

Ce scénario est pourtant encouragé par la communauté internationale à l’image de l’Union européenne, qui ne reconnaît la légitimité d’aucun des deux principaux acteurs. Des négociations prolongées entre une « opposition unie et un gouvernement sur la défensive » pourrait éventuellement à terme mener à l’organisation de nouvelles élections, estime-t-on. Il s’agirait-là du « meilleur scénario, et le plus réaliste », selon les experts.

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