Économie

Un spécialiste français au chevet des oliviers en Algérie

C’est en 2018 que le spécialiste français de l’oléiculture Olivier Rives est arrivé en Algérie dans le cadre d’un programme européen. Depuis, cet amoureux des oliviers parcourt la Soummam. Sa mission ? Faire découvrir aux oléiculteurs et mouliniers locaux les techniques modernes. Aujourd’hui, le pari semble gagné.

En témoigne la brillante prestation de l’Algérie au dernier Salon des Industries agro-Alimentaires (SIAL) de Paris. Au mois d’octobre, ce salon a vu la première participation de 15 producteurs algériens. Olivier Rives y a largement contribué et se dit fier de cette réussite algérienne.

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Sélection rigoureuse pour participer au SIAL de Paris

Pour représenter l’Algérie, il ne s’agissait pas de produire seulement de l’huile d’olive. L’exigeant cahier des charges de l’INRA d’Algérie demandait à ce que ces huiles soient extra vierges, embouteillées dans des bouteilles opaques et avec un étiquetage conforme à la réglementation en vigueur à l’étranger. Enfin, les producteurs algériens devaient disposer de volumes suffisants pour répondre aux éventuels acheteurs étrangers.

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Olivier Rives a confié à Berbère TV : « Nous sommes très fier de ce que les 15 moulins ont pu proposer aux professionnels. Car au SIAL, il n’y a que des professionnels, des acheteurs, des importateurs, des distributaires, des metteurs en marché. Tous ces gens-là sont ici pour trouver les meilleurs produits. Je dois dire que notre stand a rempli sa mission ».

PASA, un programme européen de 15 millions d’euros

Le PASA, pour Programme d’appui au secteur de l’agriculture, bénéficie d’un budget 15 millions d’euros destiné à la filière oléicole. Un programme avec deux volets déclinés avec le Pôle soummam qui concerne les olives et un Pôle Sud tourné vers les dattes et les pommes de terre. Un programme prévu pour 48 mois.

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Le Pôle Soummam initialement destiné aux agriculteurs de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira a finalement été élargi aux wilayas limitrophes : Jijel, Bordj Bou Arréridj, Sétif, Médéa et Boumerdès. Aujourd’hui, il concerne pas moins de 50 000 producteurs de l’huile d’olive et un millier de moulins en Algérie.

Olivier Rives, pour plus de relations Nord-Sud

C’est à Ali Ferrah de l’INRA d’Algérie que revient le rôle de coordinateur national du PASA. Côté Pôle Soummam, c’est Olivier Rives qui en est le coordinateur. Quand, il est questionné sur son parcours, il répond que « le fil conducteur de ma carrière c’est le service des agriculteurs, des coopératives, des futurs cadres de coopératives, et aujourd’hui des organisations de producteurs dans le monde. »

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Cet expert français est un véritable globe-trotter : « Je suis intervenu notamment en Chine, Afghanistan, Maroc, Tunisie, Egypte, Liban, Niger, Burkina Faso, Cameroun, Jordanie, Egypte. »

Une chose caractérise Olivier Rives, c’est l’obsession du résultat mais aussi son identification au pays. A chaque fois, lors de ses interventions, il s’identifie entièrement à l’équipe Algérie.

Moins de 5% d’huile vierge extra en Algérie

En mars dernier, le Pôle a rendu public le résultat d’une étude sur la consommation d’huile d’olive en Algérie. L’enquête confiée au PriceWaterHouseCoopers Algérie (PwC) a concerné un échantillon de 1737 personnes et a fait ressortir  que « 80% des huiles consommées en Algérie se situent dans les huiles courantes et certaines sont lampantes. »

Chose surprenante, l’étude a révélé un indice de satisfaction de 4,3/5. Ce qui indiquerait les consommateurs se soient progressivement habitués à des goûts indésirables. Le coordinateur du Pôle suggère que « les bonnes pratiques ont disparu avec l’exode rural. D’où le problème d’oxydation, qui est l’ennemi numéro un de l’huile d’olive. »

Cependant, il ne désespère pas. Les consommateurs espagnols auraient mis 10 ans pour passer « d’une huile courante à une huile vierge et ensuite extra vierge. » Ainsi, il y aurait seulement 5% d’huile vierge extra en Algérie.

A Sidi Aïch, un laboratoire aux normes internationales

C’est le cas quand il aborde les capacités locales d’analyses : «  Nous n’avions pas assez de laboratoires, c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de développer quatre laboratoires d’analyses au niveau de la station de l’TAVI [Institut Technique de l’Arboriculture et de la Vigne] à Sidi Aïch » dans la wilaya de Bejaia.

Un premier laboratoire est destiné aux analyses de base, un autre concerne celles des polyphénols. Le troisième devrait vérifier l’éventuelle présence de contaminants. Un laboratoire dont Olivier Rives indique qu’il sera « le premier du genre en Algérie, et devrait permettre la fourniture de certificats à l’export avec zéro résidu ». Enfin le dernier est consacré à l’analyse sensorielle avec l’intervention de jurys de dégustation.

Les installations de Sidi Aïch devraient être accréditées Algerac, l’organisme national algérien d’accréditation et par le conseil oléicole international et « fera entrer l’Algérie dans la professionnalisation dans le segment analyse », précise cet expert.

Vers la délivrance d’un bulletin « zéro résidu »

A son arrivée en Algérie, Olivier Rives constate l’inexistence d’un organisme certificateur pour le bio. L’homme est pragmatique. La durée du programme ne permet pas d’aller vers la création et l’accréditation d’un tel organisme. Le Pôle Soummam opte pour un raccourci, celui du « zéro résidu. »

L’expert compte sur la très faible exposition aux pesticides du verger local. Aussi le considère-t-il comme un verger pratiquement bio. Les acheteurs étrangers sont cependant exigeants et demandent des garanties, il faut donc prouver la nature bio des oliveraies algériennes. Avec son matériel de chromatographie liquide ou gazeuse et de spectrométrie d’absorption atomique, le laboratoire de Sidi Aïch pourrait à l’avenir délivrer un précieux sésame.

Exporter des huiles de terroir à 15 – 20€ le litre

Aussi, avec ses partenaires, le Pôle Soummam développe de multiples guides de formation technique vers les oléiculteurs et les mouliniers algériens. Et aujourd’hui, le résultat est positif.

« On constate une montée en gamme sur la qualité. Avec de moins en moins d’huile lampante, moins d’huile courante. Nous allons vers des huiles vierges et des huiles vierges extra », indique Olivier Rives.

Pour investir le marché export, « nous avons identifié une fenêtre de tir haut de gamme qui se vend cher comme les huiles de terroirs d’Italie de France ou d’Espagne : 15 à 20 € le litre. C’est un créneau très valorisant mais il faut que ces huiles soient des huiles de variété. Il y a de très bonnes variétés endogènes ou des huiles de terroir », poursuit-il. Mais cela exige de bonnes pratiques et un bon savoir-faire.

Valoriser l’huile produite en Kabylie

Pour ce spécialiste, le créneau des huiles vierges est saturé : « C’est un créneau envahi par les trois grands opérateurs mondiaux que sont l’Espagne, l’Italie et la Tunisie », indiquait-il en mars lors d’une rencontre avec la presse.

Il se base sur le fait que si l’Algérie est un grand pays producteur d’huile d’olive, c’est aussi un grand consommateur. Les disponibilités d’huile à l’export étant limitées, il conseille d’aller « vers des huiles disposant d’une grande palette aromatique, ce qui veut dire qu’il faudrait valoriser l’huile produite en Kabylie, et en Algérie d’une manière générale. »

Pour que les producteurs algériens se frottent aux techniques modernes dans l’oléiculture, en ce début décembre, il a organisé un voyage d’études dans les Alpilles, le berceau des oliviers en France.

Les oléastres sauvages, une richesse à exploiter

Pour l’infatigable Olivier Rives, le nord de l’Algérie possède un double patrimoine : ses oléastres et ses nombreuses variétés. Ces oléastres poussent naturellement et sont donc parfaitement adaptés aux conditions locales. « Nous avons encore la chance de trouver des porte-greffes naturels sur ces territoires, rencontrés rarement ailleurs », confiait-il en juin dernier au quotidien El Watan.

Il suffit de les greffer avec des variétés d’oliviers pour produire de l’huile. Et celles-ci ne manquent pas. L’ITAVI en a répertorié plus de 70. Une augmentation de 30% des volumes d’huile produits est donc possible.

Aussi le Pôle Soummam a développé une formation sur le greffage. Sur chaque wilaya du Pôle, une quinzaine de conseillers en ont bénéficié. C’était le cas en juin 2021, à Oued Ghir (Béjaia). Une quarantaine de conseillers ont été réuni. L’occasion de leur remettre un matériel adapté : peignes vibreurs, sécateurs et greffoirs.

A quand un PASA Céréales ?

Bonne nouvelle, le programme PASA est prolongé jusqu’à décembre 2023. En cause, le retard accumulé lors de la pandémie du Covid-19. Outre les olives, Olivier Rives possède une autre casquette : celle de spécialiste en coopératives agricoles. A quand un PASA Coopératives mais aussi un PASA céréales pour l’Algérie ?

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