Économie

Une énigme de plus autour de la Grande mosquée d’Alger

Rarement une importante réalisation en Algérie n’a autant fait parler que la Grande mosquée d’Alger.

Le joyau architectural qui fait face à la baie d’Alger a suscité plus de commentaires et d’interrogations que le mémorial du Martyr, construit dans les années 1980, ou encore l’autoroute Est-Ouest, le « chantier du siècle » qui a traîné en longueur.

La Grande mosquée d’Alger a été construite entre 2012 et 2019, par une entreprise chinoise (CSCEC) et son architecture a été réalisée par le cabinet allemand KSP Jürgen Engel Architekten.

En dépit de tout ce qui a pu être dit, la Grande mosquée d’Alger est loin d’être une dépense inutile. C’est d’abord un acquis culturel supplémentaire pour la ville d’Alger et tout le pays, contribuant déjà au rayonnement de l’Algérie dans le monde et devant booster à l’avenir la destination Algérie, notamment à travers le tourisme religieux.

Ce n’est pas un simple lieu de culte que l’Algérie s’est offert, mais la plus grande mosquée d’Afrique et la troisième au monde. Il se dit qu’elle devait être initialement la plus grande jamais construite depuis l’avènement de l’Islam il y a 15 siècles, mais les autorités algériennes de l’époque se sont ravisées pour ne pas ravir ce statut à la mosquée sainte de la Mecque et à celle du Prophète, à Médine.

Alors que les ouvriers et ingénieurs chinois élevaient le minaret de 267 mètres de hauteur (le plus haut au monde) et les autres structures, les Algériens se demandaient combien devait coûter cela.

C’était dans la première moitié des années 2010, une époque où l’Algérie ne comptait pas ses sous, mais les chiffres avancés ici et là donnaient le tournis : jusqu’à trois milliards de dollars.

Ce n’est qu’en septembre 2020 qu’un chiffre officiel est donné. Officiellement, les transferts en devises pour la réalisation de la Grande Mosquée d’Alger ont été de 898 millions d’euros, mais le montant total de sa réalisation n’a pas été divulgué.

En 2012, lors de l’attribution du contrat au groupe CSCEC, le montant annoncé était d’un milliard d’euros et le délai de réalisation était de 42 mois.

La grande mosquée d’Alger n’a pas fait jaser que par ce qu’elle a coûté pour la bourse publique. C’est après la fin des travaux qu’elle a suscité le plus d’interrogations.

La Grande mosquée d’Alger a été livrée 2019, c’est-à-dire que les travaux ont été achevés cette année-là. Calculée ou pas, la fin des travaux devait coïncider avec les préparatifs pour un cinquième mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika, qui devait, dit-on, inaugurer l’édifice en grande pompe. Mais le Hirak et la suite des événements qu’on connaît ont tout remis en cause.

Grande Mosquée d’Alger : plus d’interrogations que de réponses

Survenue en février-mars 2020, la pandémie de Covid-19 a à son tour repoussé l’inauguration de la mosquée. En octobre de la même année, c’est le Premier ministre Abdelaziz Djerad qui a procédé à l’inauguration, de la salle de prière seulement, en l’absence du président de la République Abdelmadjid Tebboune, atteint du virus et hospitalisé en Allemagne. On ne sait pas si cette cérémonie vaut une inauguration définitive.

Depuis, le lieu de culte fonctionne à minima. Seule la salle de prière, d’une superficie de 20 000 mètres carrés et pouvant accueillir 120 000 fidèles par jour, est ouverte, mais seulement pour cinq prières quotidiennes, sans celle du vendredi et sans les tarawih du Ramadan.

Bien qu’un recteur, Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassini, ait été nommé en mars 2022, les structures annexes (musée, centre de recherche, bibliothèque, centre coranique..) ne fonctionnent toujours pas.

Mais dans leurs discussions, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, les Algériens s’interrogent d’abord sur les raisons qui font que certaines prières, notamment celle du vendredi, ne se font pas dans cette mosquée qui a tant coûté et dont la vocation première est d’accueillir les fidèles pour la prière.

La polémique a rebondi à l’occasion de ce mois de ramadan 2023. Beaucoup s’attendaient à voir la Grande mosquée d’Alger ouverte entièrement et pour toutes les prières, d’autant plus que la crise sanitaire est passée et tous les travaux ont été finalisés, selon des déclarations officielles.

La direction de la Grande mosquée d’Alger a enfin jugé nécessaire de sortir de son silence pour apporter une explication. Dans un communiqué diffusé samedi 8 avril, elle a indiqué que si la mosquée ne fonctionne qu’à minima, c’est à cause de « réserves techniques » qui n’ont pas encore été levées.

Une explication laconique qui suscite plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Car la direction de la Grande Mosquée d’Alger n’a pas précisé quelles sont ces « réserves techniques » et quelle est la partie qui les a soulevées.

Sur les réseaux sociaux, les Algériens s’interrogent sur la nature de ces réserves et le retard pris pour leur levée. La polémique risque d’être relancée de plus belle.

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