CONTRIBUTION. Enfin ! La peur a été exorcisée, le 22 février 2019, jour historique pour le peuple algérien, en révolte pacifique, un peuple mature, convaincu de la légitimité de sa cause se soulève.

Il faut rappeler que cette peur a été entretenue sciemment, par un pouvoir sacralisé et oppressif, qui a perdu sa légitimité populaire et constitutionnelle et qui n’a plus d’autres ressources , pour se maintenir Ad vitam Aeternam, que l’invocation à satiété, comme menace, la tragédie nationale des années 90 et les dramatiques et catastrophiques dérives de ce qu’on avait appelé « le printemps arabe».

Un pouvoir momifié, exclusif, incapable de se réformer de l’intérieur et encore moins de s’ouvrir. Il s’est décrédibilisé par le non respect des promesses de réformes politiques et institutionnelles réitérées et une gestion catastrophique du pays, en dépit des conditions très favorables, dont il a bénéficié pendant presque vingt ans.

Un pouvoir sûr de lui et arrogant qui a méprisé toutes les valeurs morales et légales qui font la grandeur des nations. Un pouvoir aphone aux multiples appels de la classe politique et des élites pour une bonne gouvernance au service de l’intérêt général et non au service d’une oligarchie d’affairistes véreux qui ont accaparé les richesses du pays à leur profit.
Un pouvoir indifférent au malaise profond et au mécontentement, sagement contenu, d’une population mûre et responsable, qu’on veut maintenir sous tutelle et en permanence en état d’assisté, population dont la majorité est constituée d’une jeunesse éduquée, bien informée et en phase avec son temps.

Une jeunesse réduite à la mal vie ou à l’immigration et à l’exil, au bonheur des pays qui ont adopté la politique de « l’immigration choisie », pour combler leur déficit en ressources humaines de qualité et dont notre pays a grandement besoin.

Une Oligarchie mafieuse, qui sans scrupule ni compassion aucune utilise un homme malade et fatigué, qu’elle a sacralisé, toute honte bue, pour lui faire endosser la responsabilité d’un 5e mandat de l’immense charge constitutionnelle de président d’une république de la dimension de l’Algérie, pays continent exposé à tous les défis, à l’intérieur d’ordre économiques et sociales, comme à l’extérieur tenant de la géostratégie politique et sécuritaire.

Les manifestations pacifiques, que le pays connait, constituent un événement historique, pour tout un peuple dont la patience est arrivée à bout. Le message transmis est clair. Le peuple entend prendre son destin en main, après avoir attendu, en vain, longtemps, patiemment et sagement, que les réformes souhaitées et tant de fois promises s’accomplissent.

L’image réconfortante et rassurante qu’il faut retenir de ces manifestations pacifiques et inédites, à la Capitale et dans les principales villes du pays, est celle d’un peuple mûr, uni et solidaire dans sa revendication et dans la manière responsable de l’exprimer.

La discipline et le civisme observées par les manifestants prouve le haut degré de maturité politique de notre jeunesse et dément clairement le discours, fait de menaces, galvaudées par les serviteurs zélés et peu scrupuleux du système.
La retenue, à quelques exceptions près, dont ont fait montre les services d’ordre chargés d’encadrer des manifestations non autorisées est également remarquable à plus d’un titre.

Nous avons bien affaire à une lame de fond populaire profonde qui n’entend pas s’arrêter à quelques jours de mobilisation si on n’y prend pas garde. Le mur de la peur étant franchi et le temps de la patience et de la modération ayant expiré, il faut croire que la mobilisation ira en s’amplifiant et se poursuivra jusqu’à la satisfaction des revendications légitimes exprimées.

Il s’agit d’un véritable sursaut national, après une longue léthargie, imposée par la mansuétude observée à l’égard du pouvoir, que d’aucuns espéraient voir tenir ses promesses et répondre aux aspirations légitimes de l’immense majorité du peuple.

Les cris lancés par des manifestants déterminés ; car convaincus de la légitimité et de la justesse de leur cause ; doivent être entendus et compris par les tenants du pouvoir et ses serviteurs zélés, à bout de souffle et à court d’argument.

Les manifestants, au-delà du 5e mandat, revendiquent le changement pacifique d’une gouvernance qui a fait son temps, entre les mains d’une oligarchie qui a détourné, à son seul profit, la légitimité historique, populaire, constitutionnelle et même le sentiment patriotique, qu’elle s’est approprié de manière exclusive.

La voie de la sagesse, de la raison et de l’intérêt qui semble être leur boussole, impose aux tenant du pouvoir de se ressaisir et de prendre leçon de l’Histoire en adoptant, dans le seul intérêt du pays, les décisions qui s’imposent , afin d’éviter à notre peuple qui a tant souffert, de nouveaux drames et de nouvelles tragédies, dont seul le peuple et le pays en paieraient le prix.

La situation impose de ne pas persévérer dans la voie de l’obstination et de la provocation irresponsable destinée à ternir la noblesse du message que véhicule cette large mobilisation populaire pacifique.

Cette mobilisation populaire pacifique doit être également comprise et soutenue par les partis politiques, toute tendance confondue, la société civile et l’Elite du pays, longtemps divisées par les querelles d’intérêts personnels, idéologiques ou partisans ; tétanisées et paralysées par les manœuvres du pouvoir.

La leçon de bonne conduite politique et citoyenne que nous observons durant les manifestations, est de nature à redorer l’image du peuple algérien qui semblait se désintéresser de la chose publique et que d’aucuns ont voulu ternir en lui collant le qualificatif de « peuple violent ». Cette leçon mérite d’être retenue, méditée et suivie d’actions positives de la part du pouvoir, à même d’éviter l’exacerbation des sentiments et des comportements.

L’intérêt supérieur du pays exige de tous et de chacun de s’élever au-dessus de toutes les considérations personnelles, claniques, partisanes, ou régionalistes pour qu’une nouvelle page de l’Histoire de notre grand pays soit écrite.

Une nouvelle ère qui permettra aux nouvelles générations de parachever l’œuvre pour la réalisation de laquelle des centaines de milliers, des meilleurs enfants de notre pays, ont payé un lourd tribut, dont le sacrifice suprême.
Faut-il le souligner, les aspirations légitimes des manifestants se fondent sur les idéaux et les objectifs assignés à notre Grande Révolution de Novembre, dont nous sommes les dépositaires.

Ils aspirent à l’édification d’une société juste gouvernée par des institutions qui survivent aux hommes, institutions fortes par leur légitimité populaire et leur conformité à un ordre constitutionnel immuable, garantissant l’équilibre et la séparation des pouvoirs au sein d’un état de droit.

Une société réconciliée avec elle-même où régneront la paix, la liberté, la prospérité et le progrès.
Gloire à nos valeureux Martyrs.

*Membre de la Cour Internationale d’Arbitrage