Société

Vaccination, prime Covid : entretien avec le Dr Lyes Merabet

Le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), dresse son constat sur la campagne de vaccination contre la Covid, et réitère les revendications socioprofessionnelles des praticiens de santé publiques qui, pour certaines, sont toujours en attente de concrétisation.

La campagne de vaccination contre la Covid a commencé le 30 janvier en Algérie, mais les doses des vaccins reçues sont jugées insuffisantes. Quel est votre commentaire ?  

Il faut dire que c’est bien que la campagne a été entamée officiellement chez nous, mais il est évident que les quantités reçues sont insuffisantes par rapport à l’objectif assigné à cette campagne.

Le ministère de la Santé s’est fixé comme objectif de vacciner quelque 20 millions d’Algériens, la vaccination va s’étaler sur plusieurs mois et peut-être jusqu’en 2022.

Mais je répète que les quantités reçues jusque-là sont insuffisantes. On aurait aimé être plus à l’aise, car tout simplement, il s’agit de lancer la campagne ce qui sous-entend d’assurer des quantités (de vaccins) qui mettent à l’aise les professionnels de la santé pour répondre aux besoins.

D’autant qu’on remarque en ce moment un engouement (pour la vaccination), une confiance qui s’installe et une demande qui s’exprime à travers des citoyens qui viennent s’informer au niveau des structures de santé comment s’inscrire et pour demander à se faire vacciner.

Les professionnels de la santé ne sont pas en reste. Nous espérons que les prochains arrivages des vaccins vont se faire rapidement et surtout que les quantités soient nettement meilleures que ce que nous avons reçu jusque-là. Pour consolider d’abord le début de cette campagne, mais surtout pour accompagner les besoins et répondre aux sollicitations des citoyens.

| Lire aussi : Vaccination anti-Covid en Algérie : Benbouzid répond aux critiques

« 156 soignants décédés du Covid-19 »

Les personnels de santé sont aussi prioritaires à la vaccination, eux qui ont payé un lourd tribut dans la guerre contre la pandémie de Covid-19…

Effectivement, le nombre de décès comptabilisés, à notre niveau du moins, s’élève à 186 morts tous corps de santé confondus, dont 156 dans le corps médical répartis entre les deux secteurs public et privé.

Pour les contaminations, le secteur de la santé a dépassé les 12 000 cas dont certains professionnels ont dû être hospitalisés et d’autres admis en soins intensifs.

Cette situation explique pourquoi les professionnels de santé sont parmi les prioritaires à la vaccination. Néanmoins, même dans le corps de la santé on se doit de prioriser en fonction du déroulement de cette campagne, en ciblant les personnels les plus exposés (services Covid, urgences, transport des malades, labos et explorations radiologiques…). Plus on est exposé, plus tôt on doit être vacciné en premier.

« Sur le terrain, on assiste à un cafouillage »

Dernièrement, les médecins libéraux ont dénoncé leur exclusion de la campagne de vaccination…Qu’en pensez-vous ?

Je pense que nos collègues du secteur privé ne sont pas exclus. Mais peut-être qu’ils ne sont pas associés à la gestion de la Covid-19, si c’est dans ce sens, je dirais qu’ils ont raison.

On a besoin de tout le monde. Il y a eu des manquements. On n’a pas fait dans la concertation et la solidarité entre secteurs public et privé, y compris le Syndicat national des praticiens de santé publique en tant que partenaire social.

Nous avons dès le début dénoncé une manière de gérer la situation pandémique en dehors de toute concertation des partenaires sociaux alors que nous sommes des acteurs du terrain.

 Nous avons soulevé cette question aux responsables du ministère de la Santé et on nous a promis d’y remédier. Il demeure qu’au niveau local, une confusion persiste.

Or, l’efficience de la campagne de vaccination au niveau local passe par une meilleure coordination. Dans les établissements de santé de proximité, on ne sait pas qui a la charge de gérer la vaccination. Les services de médecine préventive ? Les conseils scientifiques ou médicaux des établissements ou les cellules de veille Covid ?

Nous demandons au ministère de la Santé de clarifier cette situation et ce afin de permettre une meilleure coordination. Sur le terrain, on assiste à un cafouillage et les personnels de santé ont du mal à fournir des réponses aux questionnements des citoyens mais aussi des professionnels de la santé y compris nos collègues du secteur privé.

« Les familles des médecins décédés de la Covid n’ont toujours pas perçu la prime décidée par le président de la République »

La prime Covid décidée par le président de la République n’a, semble-t-il, pas touché tous les professionnels de la santé. Qu’en est-il au juste ?

Effectivement, et c’est malheureux de le répéter : on ne comprend tout simplement pas comment des décisions puissent être prises au sommet de la décision politique, et que sur le terrain il y ait de la résistance et des difficultés à les mettre en place.

En tant que SNPSP, nous avons bataillé pour que la « prime Covid » soit généralisée à tous les professionnels de la santé. Tout simplement parce que personne parmi eux n’a été épargné.

Malgré cela, nous avons constaté sur le terrain beaucoup de difficultés quant à la concrétisation de cette décision, pour des considérations d’abus d’autorité administrative dans certains établissements mais aussi en raison d’une incompréhension des textes ; chacun y allant d’une lecture déformée et personnalisée des instructions donnée par l’autorité.

Le SNPSP appelle à ce que cette prime soit pérennisée, appelons-la prime du risque épidémique ou pandémique, en faveur des professionnels de la santé. Et par ailleurs, nous demandons que la troisième et la quatrième tranche de la prime Covid que nous attendons depuis des mois, soient versées très rapidement.

Notre demande concerne aussi les autres incitations décidées par le chef de l’État. Je le dis amèrement : les familles des médecins décédés de la Covid n’ont toujours pas perçu la prime décidée par le président de la République.

Le ministre de la Santé a déclaré jeudi que son département a obtenu une dérogation spéciale du Premier ministre pour la promotion de plus de 54 000 professionnels de la santé. Quelle est votre réaction ?  

C’est un dossier que nous portons en tant que syndicat depuis des années. Les derniers concours d’accès aux grades pour les professionnels de la santé remontent à 2015. Nous sommes très contents de cette annonce.

 

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