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Un gouvernement de compromis entre l’armée et la présidence : qu’en pensera la rue ?

Un gouvernement de compromis entre l’armée et la présidence : qu’en pensera la rue ?

Au lendemain de la sortie « musclée » du commandement de l’armée, les Algériens attendaient logiquement du nouveau dans cette crise qu’ils vivent depuis six semaines.

Il a fallu attendre la fin de journée et le 20h de l’ENTV pour connaître la première retombée de l’entrée en scène frontale de la grande muette. Un nouveau gouvernement est nommé.

L’entame est une mauvaise nouvelle, le très décrié Noureddine Bedoui est maintenu au poste de Premier ministre. Puis une grosse, très grosse surprise : le numéro 2 du gouvernement ne s’appelle plus Ramtane Lamamra, mais Ahmed Gaïd-Salah.

Celui-là même qui, la veille, sommait le président de démissionner, portait de graves accusations à des parties qu’il n’a pas nommées mais que certains ont identifiées comme faisant partie du cercle présidentiel, menaçait de tout révéler au moment opportun et de prendre des dispositions légales, le tout sur un ton ferme et cru qui a fait croire que la rupture entre l’état-major et la présidence était irréversible.

Contre toute attente donc, le général de corps d’armée garde ses deux casquettes de vice-ministre de la Défense nationale et de chef d’état-major de l’ANP. Il devient même très symboliquement numéro 2 du gouvernement à la place de Lamamra, sans doute sacrifié à cause de son périple à travers certaines capitales européennes, interprété par la rue comme une velléité d’internationaliser la crise. Lamamra paye aussi son excès de zèle à vouloir défendre un plan de sortie de crise auquel personne ne croyait.

Pour revenir à Gaïd-Salah, son maintien peut paraître incompréhensible après le clash de samedi 30 mars. Mais, selon nos sources, ce maintien est le résultat d’un compromis entre le commandement de l’armée et la présidence.

L’accord porterait sur l’application de l’article 102 avec la démission du président Bouteflika qui pourrait être annoncée incessamment. Le chef de l’État a donc nommé une nouvelle équipe gouvernementale, la première étape obligatoire vers son départ. Le président par intérim n’aura, en effet, pas le droit de nommer ou de modifier le gouvernement.

Dans les « négociations », le cercle présidentiel a perdu Ramtane Lamamra, mais il a imposé le maintien de Noureddine Bedoui, un de ses fidèles. Même la répartition des autres portefeuilles a fait l’objet, nous dit-on, du même compromis entre les deux camps qui ont tâché par ailleurs de ne pas mécontenter une tierce partie, la rue.

Les ministres impopulaires de l’ancien gouvernement ont tous été dégommés. Tayeb Louh, décrié par les juges, n’est plus ministre de la Justice. Nouria Benghabrit et Tahar Hadjar ont été sacrifiés. Ramtane Lamamra a tout perdu, même son poste de conseiller diplomatique du président.

Au-delà des noms des ministres et des motivations de leur nomination, il faut retenir surtout la première, sinon la seule retombée notable de cet « accord ». L’article 102 devrait, sauf grosse surprise, être appliqué.

Le président devrait donc démissionner et remettre le pouvoir au président du Sénat Abdelkader Bensalah, tandis que le gouvernement qui vient d’être nommé gérera les affaires courantes jusqu’à la fin de la période de transition qui ne s’étalera que sur trois mois et non sur 135 jours puisque l’empêchement du chef de l’État ne sera pas déclaré. Aussi, Bedoui sera aux manettes lors de la prochaine élection, à moins qu’une commission électorale indépendante ne soit mise en place d’ici là.

Bouteflika n’aurait pas mis en place un nouvel Exécutif s’il escomptait démissionner et remettre le pouvoir à une instance présidentielle, tel que réclamé par les manifestants et l’opposition. Ahmed Gaïd-Salah a beaucoup insisté sur l’application de cette disposition constitutionnelle, en laquelle il voit l’unique issue à la crise, même si dans le dernier communiqué du MDN il a été fait état de la nécessité d’appliquer aussi les articles 7 et 8, consacrant la souveraineté du peuple.

Ce dimanche, Gaid Salah a obtenu l’accord de la présidence, mais il n’a fait que la moitié du chemin. Le plus dur sera de convaincre la rue qui, jusque-là, s’est montrée intransigeante sur une transition non contrôlée par le pouvoir. La première réponse est venue des réseaux sociaux où l’annonce du nouveau gouvernement semble avoir déçu. Des ministres sont déjà moqués. Mais la vraie réponse viendra comme à chaque fois de la rue : ce sera vendredi prochain.

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