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Déclassification des terres agricoles en Algérie : pourquoi Tebboune a dit non

Le président Tebboune a mis son véto pour la déclassification des terres agricoles pour la réalisation d’équipements publics. Une décision salutaire.

Déclassification des terres agricoles en Algérie : pourquoi Tebboune a dit non
Terres agricoles en Algérie : Tebboune met fin à l'hémorragie. / Par oticki / Adobe Stock
Djamel Belaid
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Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a mis son véto pour la déclassification des terres agricoles pour la construction d’équipements publics.

Lors du Conseil des ministres du dimanche 5 octobre, le chef de l’Etat a en effet  « rejeté » la déclassification de terres agricoles pour la réalisation de projets publics et a ordonné au gouvernement de les protéger. Une protection devenue indispensable face à l’ampleur de l’artificialisation des sols en Algérie.

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Dans une synthèse sur l’agriculture, l’agro-économiste Omar Bessaoud faisait remarquer qu’en 2016, « les 12 wilayas du Sud algérien, avec une densité de moins de 20 hab./km², représentaient 89 % de la superficie du pays pour à peine 13 % de la population. » 

Quant aux 36 wilayas du Nord, il notait qu’elles « représentaient 11 % de la superficie du pays et regroupaient 87 % de la population. »

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Le problème n’est pas propre à l’Algérie et concerne tous les pays du Maghreb. Au nord, la population est majoritairement installée à moins de 10 kilomètres du littoral. En 2005, le démographe Kamel Kateb parlait de « populations à l’étroit dans un vaste territoire ».

Nombreuses sont les villes algériennes dont les quartiers portent encore un nom témoignant de leur glorieux passé agricole ; c’est le cas à Bordj el Kiffan dans la wilaya d’Alger avec la cité El Mandarine.

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Pression sur les terres agricoles

Ces dernières années, l’augmentation de la population exerce une forte pression sur les terres agricoles. Pour de nombreux géographes, que ce soit à la Mitidja, à Skikda, Annaba ou Oran, la situation est tendue.

Il est arrivé que des particuliers profitent de la nuit pour édifier des murs pour mettre les autorités locales devant le fait accompli. Aussi, ces dernières années la démolition des habitations « illicites » s’est accrue.

En janvier 2024, lors d’une séance de questions orales au niveau du Conseil de la nation, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, a indiqué que ce type de démolition se faisait après concertation et selon un plan étudié qui est « minutieusement » préparé par les walis et soumis au ministère après épuisement de toutes les voies de régularisation.

En 2013, le ministère de l’agriculture estimait à 150.000 hectares les terres agricoles englouties par le béton depuis 1962. Cependant, l’artificialisation des sols est parfois l’œuvre des autorités locales.

L’illusion de territoires infinis pour l’agriculture

Interpellé sur le rythme de l’artificialisation des terres agricoles, l’ancien premier ministre Abdelmalek Sellal avait répondu que le pays est vaste et qu’il était toujours possible de mettre en valeur de nouvelles terres pour l’agriculture. C’est oublier le climat et la qualité des sols.

Si au nord de l’Algérie, les terres des plaines alluviales sont fertiles, elles le doivent également à l’abondance des pluies et aux températures clémentes.

Ce sont les seules zones où il est possible de cultiver du tournesol sans avoir à irriguer. A l’Est, le total des pluies à El Tarf est supérieur à 600 mm alors que la moyenne en Algérie n’est que de 241mm.

Au niveau des 30 millions d’hectares de terres steppiques, sous les 20 premiers cm de terre se trouve, le plus souvent, une dalle calcaire peu propice à l’agriculture.

Quant au désert, les spécialistes indiquent généralement que les sols sahariens sont « des sols squelettiques riches en calcaire et à fertilités physiques et chimiques très limitées ». Leur mise en valeur nécessite de lourds investissements notamment pour l’irrigation. 

Quant à imaginer des « fermes verticales » comme celle de Bustanica aux Emirats arabes unis, le coût est sans commune mesure avec celui des productions des agriculteurs de Mascara ou de la Mitidja. 

Béton et bitume également à l’intérieur du pays

Le problème de la disparition des sols agricoles ne se pose pas seulement sur le littoral, il concerne également les villes de l’intérieur du pays. La ville de Batna est construite au niveau d’une cuvette où le sol est profond et propice aux activités agricoles.

L’agrandissement de la ville s’est fait sur ces terres fertiles.

A Ghardaïa, les anciens ont bâti des maisons sur des collines pierreuses épargnant ainsi les terres de la palmeraie en bordure d’oued. Au milieu des palmiers n’existaient que quelques modestes abris agricoles.

Les nouvelles générations y ont construit leur habitation et pour éviter les désagréments des eaux de crue indispensables à la palmeraie, ils vont jusqu’à remettre en cause l’ingénieux système d’irrigation mis en place par leurs aînés.

Sécurité alimentaire

Le développement de la population amène à plus de réalisations d’infrastructures telles écoles, hôpitaux, logements et zones industrielles aussi pour les autorités de wilaya, il est parfois question de « casse-tête du foncier local ».

Elles peuvent se trouver prises en étau entre déclassement de terrains agricoles et retard dans la réalisation de projets qui peuvent rester bloqués plusieurs années.

L’intervention du président Abdelmadjid Tebboune a le mérite d’attirer l’attention sur la nécessité d’un changement de méthode. Elle montre l’urgence d’une réflexion sur l’occupation et l’aménagement du territoire .

Faudra-t-il à l’avenir encourager l’installation d’entreprises et administrations plus au sud du pays ?

Le développement des communications internet et des transports par trains et autoroutes, voire par avion, pourraient permettre une plus grande occupation de l’intérieur du pays.

Aussi, les collectivités ont à se ré-inventer en recherchant des alternatives pour préserver les terres agricoles du nord du pays. Des terres qui doivent assurer la nourriture d’une population qui évolue inexorablement vers 50 millions d’habitants alors que l’Algérie multiplie les initiatives et les projets de grande envergure pour assurer sa sécurité alimentaire. Or, sans terres agricoles fertiles, cet objectif est illusoire.  

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