
La lutte contre les flux migratoires réunit ou divise les deux rives de la Méditerranée, c’est selon. Entre l’Algérie et l’Espagne, c’est visiblement l’entente sur cet enjeu crucial pour le vieux continent et pour les pays du Maghreb, à la fois pays de départ, de transit et parfois de destination.
Le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande Marlaska, était lundi 20 octobre à Alger avec pour principale mission de discuter avec ses vis-à-vis algériens des questions inhérentes à ce phénomène.
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M. Marlaska a rencontré son homologue algérien Saïd Sayoud, ministre de l’Intérieur et des Transports, et a été reçu par le président de la République Abdelmadjid Tebboune. Les déclarations faites de part et d’autre traduisent une volonté commune de coopération pour réduire les flux, loin de tout calcul ou toute interférence politique ou autre.
Cette visite a été l’occasion pour la partie algérienne de lancer au moins trois messages à l’adresse de l’Europe, certains directs, d’autres sibyllins mais pas difficiles à capter.
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L’Algérie n’utilise pas le « chantage migratoire »
“L’Algérie n’utilise pas la carte de la migration irrégulière comme moyen de pression ou de chantage politique, contrairement à certaines autres parties”, a déclaré le ministre de l’Intérieur algérien, Saïd Sayoud, lors de sa rencontre avec son homologue espagnol.
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L’allusion est évidemment au Maroc qui, à plusieurs reprises ces dernières années, a lâché sa “bombe migratoire” sur la péninsule ibérique pour faire plier Madrid sur la question du Sahara occidental. Ce qu’il a fini par obtenir.
Le rappel n’est évidemment pas destiné à Rabat, mais à certains grands pays l’Europe dont l’approche de la question des flux migratoires a parfois manqué de bon sens.
Il y a une année, Bruno Retailleau, à peine nommé ministre de l’Intérieur en France, a proposé un dialogue au Maroc sur la question des reconduites aux frontières et menacé l’Algérie d’un “bras de fer” sur le même sujet.
Les deux pays du Maghreb étaient alors logés à la même enseigne en termes d’exécution des OQTF. Le Maroc venait également de faire céder Paris sur la même question sahraouie.
Blocage des flux migratoires en provenance de l’Afrique subsaharienne
Non seulement l’Algérie sait faire la part des choses entre la question très technique du contrôle des flux migratoires et les dossiers politiques et diplomatiques, mais elle fait aussi convenablement sa part du travail en empêchant par ses services de sécurité la submersion du sud de l’Europe par les migrants subsahariens.
Saïd Sayoud a avancé le chiffre de 100 000 migrants empêchés d’atteindre l’Afrique du Nord depuis 2024, dont 82 000 reconduits dans leurs pays. De plus, l’Algérie a opté pour une approche “humaine” et “responsable” dans la lutte contre le phénomène.
En septembre dernier, l’ambassadeur d’Algérie à Rome, Mohamed Khelifi, a révélé que les départs de migrants vers le sud de l’Italie à partir des côtes algériennes ont été réduits à “presque zéro”.
Avec Rome, les relations ont toujours été au beau fixe et elles sont désormais moins tendues avec Madrid après la grave crise déclenchée en mars 2022 et qui a duré deux ans.
Disposition à coopérer
Si ça marche moins bien avec la France, notamment sur l’exécution des reconduites aux frontières, c’est principalement parce que, dans ce pays, la question de l’immigration, particulièrement algérienne, est instrumentalisée à outrance.
Les responsables algériens qui ont accueilli le ministre espagnol n’avaient pas besoin de le dire. La visite de Fernando Grande Marlaska à Alger et sa réception par le président de la République est en soi un message d’une limpide clarté quant à la disposition de l’Algérie à discuter et à coopérer pour peu que la question soit tenue loin de la surenchère politique, sans ton comminatoire ni volonté d’humilier ou d’attenter à la souveraineté des États.