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« À la rentrée sociale, le Hirak pourrait passer à la vitesse supérieure »

« À la rentrée sociale, le Hirak pourrait passer à la vitesse supérieure »

Nacer Djabi, sociologue.

L’université d’été du RAJ et la réunion des partis de l’Alternative démocratique ont été annulées faute d’autorisation de la part de l’administration. Quel est votre commentaire ?

Nacer Djabi, sociologue : la scène politique nationale vit, ces jours-ci, une situation de fermeture médiatique et politique qu’elle n’a pas connu depuis plusieurs années, et ce au moment où le dialogue politique revient très souvent dans le discours politique officiel. Étrange contraste que nous, Algériens, allons payer si les autorités ne se ressaisissent pas et ne changent pas leurs positions étranges.

L’interdiction de l’université d’été du RAJ et de la réunion des partis de l’Alternative démocratique est un acte de provocation contre le mouvement populaire, la société civile et la classe politique qui doivent s’élever contre ces agissements contre lesquels le peuple algérien s’est soulevé le 22 février 2019. On ne doit pas accepter le retour de ces pratiques quels qu’en soient les sacrifices, car les Algériens sont sortis pour réclamer plus de libertés. Si on se tait devant le retour de ces pratiques, elles ne vont épargner personne. Par conséquent, il faut s’élever contre de telles pratiques et les dénoncer pour le bien de l’Algérie que nous voulons bâtir.

Devant de tels agissements de l’administration, pensez-vous qu’une solution à la crise est possible ?

Des décisions abusives comme celles-ci venant de la part d’une administration corrompue et illégale n’aideront certainement pas à trouver des solutions aux problèmes que connait le pays. Les Algériens ont besoin de dialoguer entre eux et avec leurs institutions afin de trouver une sortie à la situation que vit le pays et qui pourrait tourner au pire en l’absence de dialogue. Les restrictions contre les associations et les partis ne sont évidemment pas dans l’intérêt de l’Algérie, mais les Algériens ne resteront pas silencieux.

De telles positions freineront le processus de sortie de crise et font perdre des occasions à notre pays. Néanmoins, le peuple triomphera au final, lui qui a refusé et lutté contre le système du parti unique et contre les restrictions sur les libertés durant le règne du président déchu. Celui qui prend les décisions d’interdiction n’a pas compris que l’Algérie a changé et que les Algériens n’accepteront plus un retour en arrière dans les domaines des libertés et les droits politiques qu’ils réclament jusque-là de façon pacifique et civilisée.

Vous avez pris part samedi dernier à la rencontre de la société civile avec des partis et des personnalités de l’opposition. Qu’avez-vous retenu des débats qui ont eu lieu ? Pensez-vous que c’est une réussite ?

Depuis l’avènement du Hirak, les Algériens ont fait preuve d’une grande capacité d’écoute entre eux, tout comme ils l’ont démontré durant les réunions entre les acteurs issus de différents courants politiques et idéologiques qui ne se rencontraient que durant les occasions comme les enterrements et les cérémonies. Les Algériens ont prouvé depuis le début du Hirak, et même avant comme cela été le cas durant l’initiative de Mazafran, qu’ils refusent d’avancer suivant leurs points faibles comme ce fut le cas dans le passé.

Le peuple refuse l’exploitation de ses différences idéologiques et politiques existantes afin de l’affaiblir et pour ne pas permettre des solutions pour le bien du pays. Par conséquent, je dis que cette rencontre est une première expérience réussie qu’il va falloir perpétuer et améliorer durant les prochaines rencontres. Cela ne signifie pas qu’il faille annuler les divergences politiques et idéologiques qui expriment les convictions de chacune des parties. Au final, ce sont les citoyens qui vont trancher sur ces questions lorsqu’advient l’échéance électorale.

Le plus important est de sortir du postulat idéologique et culturaliste afin d’arriver à des dénominateurs politiques communs qui permettent de bâtir cette Algérie nouvelle que tout le monde réclame et où tout un chacun vivra en toute liberté ses convictions protégées par des lois et des institutions légitimes.

Comment voyez-vous le rôle de la société civile qui a réussi à réunir les partis politiques et les personnalités malgré les différences idéologiques ?

Certainement un rôle important, qui le sera encore plus à l’avenir si les composants de la société civile saisissent cette opportunité historique en s’ouvrant aux jeunes du Hirak, en adoptant ses revendications et sa culture politique pacifique à travers laquelle il s’exprime. Le Hirak nous a donné tous une leçon dans l’acceptation de la différence et dans l’écoute d’autrui. Une leçon qu’il ne faut pas négliger ou contourner comme le font certaines parties officielles.

Les Algériens savent que si les partis et les associations sont faibles c’est parce qu’on ne leur a pas donné l’occasion d’agir librement comme ils ont longtemps vécu sous le poids des restrictions. La société civile a l’occasion de s’ouvrir aux Algériens pour se renforcer davantage et pour aider à trouver des solutions.

Entre partisans de la constituante et ceux de la présidentielle, une autre proposition a fait son apparition : un jumelage entre les deux options. Qu’en pensez-vous ?

Personnellement je pense que si le dialogue se poursuit entre les Algériens, ils sauront comment faire des concessions les uns aux autres pour le bien du pays. Les solutions existent et sont possibles à condition que les Algériens s’écoutent entre eux. Il faut dépasser les conflits personnels si l’on ne veut pas rester prisonnier de l’avant 22 février.

Comment prévoyez-vous la rentrée sociale ?

La rentrée sociale qui coïncidera avec le Hirak sera une étape importante, surtout que les Algériens ont pris conscience qu’ils n’ont pas réalisé beaucoup de choses en termes de succès politiques sur le terrain, hormis le départ de Bouteflika et les poursuites judiciaires dans le cadre de la lutte contre la corruption, malgré leur importance.

À cela s’ajoute le fait que le pouvoir et les institutions qui le représentent essayent de contourner les revendications du Hirak en faisant passer des agendas officiels axés uniquement sur la tenue des élections présidentielles sans la moindre garantie. À l’occasion de la rentrée sociale, le Hirak pourrait passer à la vitesse supérieure dans sa revendication pour une rupture avec un système politique devenu un danger réel pour la nation et l’État-nation lui-même.

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