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Abdelaziz Ziari : « Honnêtement, je n’exclus pas un cinquième mandat »

Abdelaziz Ziari : « Honnêtement, je n’exclus pas un cinquième mandat »

ENTRETIEN. Ancien président de l’Assemblée populaire nationale (APN), cadre du FLN et plusieurs fois ministre, Abdelaziz Ziari revient dans cet entretien sur les mesures prises par le gouvernement pour faire face à la crise financière qui frappe de plein fouet le pays et sur les initiatives lancées par les partis et personnalités de l’opposition.

Ahmed Ouyahia a présenté dimanche dernier le plan d’action de son gouvernement devant l’APN. Il a défendu le recours au financement interne non-conventionnel pour faire face à la crise. Est-ce que c’est le bon choix ?

Il faut attendre les résultats pour savoir si on a fait le bon choix. Ceci dit, je vous rappelle que le Premier ministre devait rester dans les rails dans ce plan d’action. C’est-à-dire qu’il devait rester dans le cadre de la mise en œuvre du programme du président de la République. Dimanche, nous avons bien constaté qu’Ahmed Ouyahia s’inscrit totalement dans ce programme. Durant cette phase difficile pour l’économie nationale, son travail consistera à trouver les voies et moyens de l’appliquer tout en respectant les grandes orientations. Le problème est celui du financement. Si on ne veut pas rentrer dans une récession grave, il n’y a pas 40 solutions. Nous pouvons soit recourir à l’endettement intérieur, soit à l’endettement extérieur. Certains dans l’opposition sont contre le premier choix et contre le deuxième. Comment faire donc ?

Le recours à la planche à billets ne signe-t-il pas l’échec des politiques tracées par le président de la République ?

Un pays qui ne dépend pas, autant que nous, des hydrocarbures peut être amené aussi à affronter une crise financière. Donc non, on ne peut pas parler d’échec de toutes les politiques. Je vous signale que la possibilité d’être confronté à une crise financière a été envisagée puisqu’un Fonds de régulation des recettes (FRR) a été mis en place. Aucune loi des finances votée en Algérie n’a été faite sur la base du coût réel du baril de pétrole. J’ajoute aussi que des dizaines de pays fonctionnent avec des déficits budgétaires. Beaucoup d’économistes dans le monde estiment que fonctionner avec un déficit peut être bénéfique pour l’économie.

Ouyahia a dit que des pays développés utilisent la planche à billets. Est ce qu’il n’y a pas un risque de tromper l’opinion publique en comparant l’économie algérienne à celles des pays développés ?

Je ne parle pas seulement des pays de l’OCDE. Beaucoup de pays considèrent qu’on peut continuer à fonctionner avec des déficits à condition que ceux-là soient acceptables. Dans son discours, le Premier ministre s’est engagé à ce que ce financement interne non-conventionnel soit utilisé uniquement pour les projets productifs. Je n’ai aucune raison de ne pas le croire.

Quand on finance la Sonelgaz par exemple, est ce qu’on ne finance pas indirectement et finalement la consommation ?

Le Premier ministre s’est effectivement engagé à maintenir les transferts sociaux puisqu’il s’agit d’un élément du programme du chef de l’État. Et c’est justement dans ce chapitre qu’il y a beaucoup de choses à faire. Evidemment, il ne faut pas supprimer tous les transferts sociaux. Mais cela doit se faire selon une vision économique. J’étais ministre de la Jeunesse et des Sports et j’avais eu à constater qu’il y avait des subventions qui n’avaient absolument aucune raison d’être. Devant cette situation difficile, je ne vois pas pourquoi on continuerait par exemple à subventionner un nombre important d’associations, de partis politiques, de syndicats et de Zaouïas. Cela n’a aucun intérêt. Les cotisations de leurs adhérents devraient être leur principale source de financement. Nous sommes dans une phase où il faut mettre un terme aux subventions à caractère politique ou électoraliste et garder seulement les subventions qui ont de véritables objectifs sociaux et destinées aux populations qui en ont réellement besoin ou les subventions qui permettent un retour économique.

L’Algérie n’a pas réussi à réduire sa dépendance vis-à-vis des hydrocarbures. N’est-ce pas un échec des politiques économiques du président de la République ?

Vous semblez avoir oublié la situation dans laquelle nous étions à la fin des années 1990. Vous oubliez qu’il fallait rétablir non seulement des institutions de l’État mais les infrastructures qui ont été détruites. Car pour faire fonctionner une économie, il faut des infrastructures. Beaucoup d’argent a été dépensé dans cet objectif. Je passe sur ce qui a été fait dans le domaine de l’enseignement avec la construction de plusieurs universités à travers le pays ou dans le domaine de la santé avec la construction de plusieurs établissements. Le problème est qu’on ne fait pas les évaluations économiques des dépenses et de leurs rendements.

Mais après plus de dix ans d’aisance financière, nous sommes encore plus dépendants des hydrocarbures…

Il est vrai que nous n’avons pas pris les mesures nécessaires pour échapper à cette dépendance. La politique menée jusque-là consistait surtout à mettre en place des infrastructures de base. Mais aujourd’hui, il faut des réformes structurelles plus profondes permettant de faire sortir l’économie algérienne de l’emprise de la bureaucratie de l’État et de l’hypercentralisation. J’ai toujours dit à mes collègues du gouvernement d’aller voir en Chine, au Vietnam et en Malaisie les exemples de mutation d’un système centralisé à une économie de marché. Bien sûr qu’il peut y avoir des dérapages comme dans tous les pays du monde. Bien sûr qu’on savait que la corruption allait naître dans ces phases de transition. Le problème était d’armer l’État pour qu’il assure sa fonction de contrôle et de répression contre les crimes économiques.

Pensez-vous que le chef de l’État pourrait dans l’état actuel des choses mener ce genre de réformes profondes ?

À la veille (de la fin) d’un mandat, cela me paraît difficile.

Certains partis et personnalités politiques doutent même des capacités du Président à continuer son mandat et appellent à l’application de l’article 102 de la Constitution…

Jusqu’à nouvel ordre, le président de la République est dans le même état physique dans lequel il était le jour où il a été réélu pour un quatrième mandat. Les Algériens lui ont confié la gestion de ce pays pour un quatrième mandat. Je ne vois pas pour quelle raison, il faut qu’il l’interrompe.

L’un de vos anciens collègues au gouvernement, Noureddine Boukrouh, a clairement estimé que le Président n’avait plus ses capacités physiques et mentales pour gouverner…

Personnellement, je n’ai pas le dossier médical du chef de l’État. Mais je trouve que cela est exagéré. Cela dit, ce sont des propos dont il est responsable.

Le porte-parole du RND a accusé Noureddine Boukrouh d’atteinte à un symbole de l’État et critiqué la justice qui ne s’est pas autosaisie. La justice doit-elle intervenir ? 

Dans ce domaine, je suis du même avis que le chef de l’État tel que je l’avais connu en travaillant avec lui au plus près. Quand il y avait des excès, il disait qu’il ne ferait pas intervenir la justice et que ce sont les citoyens, eux-mêmes, qui porteront leur jugement sur ce qui se dit et ce qui se fait. Cela étant dit, quand on a affaire à un homme politique dont les écrits et positions sont parfois excessifs et qu’on réprouve politiquement, il faut répondre avec des arguments à travers des débats. Pourquoi aller courir vers la justice ? Et où sont tous ces partis qui disent « nous soutenons le Président » ? C’est dans ce genre de situations qu’on voudrait bien les voir.

Croyez-vous toujours à un cinquième mandat pour le Président Bouteflika ?

Honnêtement, je ne l’exclus pas ! Seul Dieu sait s’il y aura ou pas un cinquième mandat.

Noureddine Boukrouh a également lancé un appel pour une révolution citoyenne pacifique. Quel est votre avis ?

D’abord, M. Boukrouh a été dans le même gouvernement que moi. Mais il était aussi le chef d’un petit parti qui s’appelle le PRA. Nous n’appartenons donc ni au même parti, ni à la même école. C’est un homme politique qui émet une opinion et il a le droit de le faire. Ensuite, je dois vous dire que je ne sais pas ce que veut dire révolution citoyenne. Je me souviens avoir entendu aussi les gens du FIS le dire à un moment donné avec leur langage et leurs arguments. Ces derniers n’ont jamais parlé de révolution armée. Nous avons vu par la suite le résultat.  De mon point de vue, l’Algérie a plutôt besoin de réformes profondes dans le fonctionnement de l’appareil de l’État dans son ensemble, avec une véritable décentralisation, la création de pôles économiques régionaux intégrés et une compétition à l’échelle nationale entre les communes, les wilayas, etc. Nous avons besoin d’avoir une démocratie d’un meilleur niveau que celle que nous voyons aujourd’hui.

Est-ce que le gouvernement a opté pour la planche à billets pour gagner du temps jusqu’en 2019 ?

On ne peut pas opter pour un mode de financement pour gagner du temps. De toutes les manières, il fallait faire un choix. Souvenez-vous qu’on a déjà commencé par temporiser (face à la crise). Sauf qu’on ne peut plus continuer à hésiter comme nous le faisions depuis quelques années. Un Premier ministre est arrivé. Il a cette capacité et une influence à l’intérieur de la machine de l’État pour trancher.

Donc Ahmed Ouyahia est-il l’homme de la situation ?

Ahmed Ouyahia n’est pas de mon parti. Mais je pense qu’il est nécessaire de tenir compte de l’intérêt du pays. Parmi les cadres supérieurs de l’État, c’est effectivement l’homme qui a la capacité (de faire face à la crise, NDLR). Il a déjà eu à gérer une période extrêmement difficile et il l’a assumé. Je pense qu’il va essayer de faire pour le mieux. Il est là pour réussir et pas pour échouer. Dans la classe politique qui soutient le président de la République, Ahmed Ouyahia est le choix idoine.

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