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Abdelmadjid Tebboune, de la disgrâce à El Mouradia

Abdelmadjid Tebboune, de la disgrâce à El Mouradia

Abdelmadjid Tebboune a finalement été élu président de la République. « Finalement », car beaucoup a été dit à propos du statut véritable de l’ancien Premier ministre dans cette présidentielle pas comme les autres.

Pressenti comme le candidat du pouvoir, l’homme a subi en cours de route des attaques qui ont été interprétées comme un lâchage en haut lieu, d’autant plus qu’elles avaient coïncidé avec le tapage fait autour de Azzedine Mihoubi, présenté comme le nouveau préféré des décideurs.

Jusqu’à la fermeture des bureaux de vote, jeudi à 19 heures, beaucoup étaient convaincus que le successeur d’Ouyahia à la tête du RND sera aussi celui de Bouteflika à la tête de l’État. Le soutien que lui a apporté le FLN à la dernière minute ne laissait pas de place au doute.

Mais la certitude s’est progressivement dissipée au soir de l’élection à mesure qu’arrivaient des quatre coins du pays les premières tendances jusqu’à ce que le président de l’autorité électorale confirme officiellement la victoire de l’ancien Premier ministre de Bouteflika, dès le premier tour et avec une avance confortable.

Coup de diversion magistral ou divergence au sommet entre clans influents ? Des interrogations légitimes quand on se rappelle que le nouveau président de l’Algérie est un homme qui, il y a seulement quelques jours, avait vu les médias, y compris la télévision publique, diffuser en boucle l’information de l’audition de son fils par la justice dans l’affaire scabreuse de Kamel El Bouchi.

Toujours en pleine campagne électorale, des chaînes de télé, parmi les porte-voix du régime, l’avaient traîné dans la boue en insistant sur son amitié avec un homme d’affaires arrêté pour des faits de corruption. « C’est la même issaba qui m’avait attaqué en 2017 qui s’en prend de nouveau à moi », a répondu le candidat.

Tout avait commencé en effet en 2017. En mai, Abdelmadjid Tebboune, un fonctionnaire qui a gravi tous les échelons de l’administration et dirigé plusieurs ministères, est nommé Premier ministre à la place de Abdelmalek Sellal.

Très vite, il se montre ambitieux en voulant revoir plein de choses : les importations, les d’usines de montage automobile, les marchés publics. Il a clairement affiché sa volonté de « séparer l’argent de la politique ». En juillet, il joint l’acte à la parole. D’abord, il exige qu’Ali Haddad quitte une salle où il devait prononcer un discours, puis ordonne aux différents démembrements de l’État de mettre en demeure les entreprises du même Haddad en charge de la réalisation d’infrastructures publiques.

Ses adversaires ont compris qu’il fallait agir, et vite. Le Premier ministre rencontre son homologue français au cours d’un voyage privé à Paris le 6 août, et offre à ses détracteurs l’occasion de l’abattre.

La machine médiatique du régime est mise en branle pour dresser à l’opinion un portrait exécrable de l’homme, insistant sur ses voyages en Turquie et en Moldavie en compagnie d’hommes d’affaires et en France où, accusait-on, il aurait tenté de vendre sa candidature à la succession de Bouteflika, à l’insu de ce dernier.

Un inversement des rôles spectaculaire

Tout cela vaudra à Abdelmadjid Tebboune de battre le record du séjour le plus court à la primature. Le 15 août, il est limogé. Ahmed Ouyahia fait un retour triomphal à la tête du gouvernement et l’empêcheur de tourner en rond a dû s’éclipser de l’espace public et subir les contrecoups de sa témérité.

En octobre 2017, Ali Haddad lui règle publiquement son compte : « Il y a quelques mois, nous avons été victimes d’une cabale dont les instigateurs ont essayé de nous présenter comme des prédateurs en nous collant tous les maux du pays. Le prédateur c’est lui et non pas nous. »

Mais les choses ne vont pas en rester là. Lorsque l’affaire de la cocaïne d’Oran éclate en juin 2018, le fils de Tebboune est soupçonné d’avoir aidé le principal suspect Kamel El Bouchi dans ses autres business (importation de viande, promotion immobilière).

Une image est particulièrement restée dans les esprits : les éclats de rire de Saïd Bouteflika et de Ali Haddad à l’enterrement, le 29 juillet, de l’ancien chef de gouvernement Réda Malek, devant le Premier ministre Tebboune, quelques jours seulement après que celui-ci ait déclaré sa petite guerre aux hommes d’affaires.

Cette infortune vaudra à l’homme une certaine popularité auprès d’une partie de l’opinion qui a vu en lui une victime de la jonction de la politique et de l’argent sale.

Tebboune mettra plus de deux ans pour réagir. « Ce qui s’est passé était une provocation à mon égard.  Mais j’ai méprisé ce comportement car l’endroit n’était pas approprié pour rigoler surtout lors des obsèques de l’un des symboles de la Guerre de Libération », déclarait-il en octobre dernier.

Deux ans et demi plus tard, l’inversement des rôles est spectaculaire : Haddad, Ouyahia, Said Bouteflika et tous les autres sont condamnés à de lourdes peines de prison deux jours avant l’élection de Tebboune à la tête de l’Etat.

« Je ne suis animé par aucun désir de vengeance », rassure-t-il lors de sa première conférence de presse au lendemain de son élection. Il promet juste de réparer les injustices commises et de ne pas accorder la grâce présidentielle pour ceux qui ont été condamnés pour des faits de corruption.

Au vu de leur âge et des peines dont ils ont écopé ou qui les attendent dans d’autres affaires, un tel engagement signifie qu’avec Tebboune président, les membres de la « issaba » finiront leur vie en prison.

 


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