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Accord militaire avec Israël : les faux calculs du Maroc

Accord militaire avec Israël : les faux calculs du Maroc

Israël et le Maroc ont signé ce 24 novembre un protocole d’accord qui ouvre grandes les portes à une coopération sécuritaire et militaire accrue entre la puissance du Moyen-Orient et la monarchie du Maghreb.

Le schéma semble avoir été ficelé dès la conclusion des accords de normalisation, à l’automne 2020, et peut-être même avant. Les deux pays n’ont pas perdu de temps pour franchir en moins d’une année les étapes dans le processus de rapprochement jusqu’à parvenir à la visite du ministre israélien de la Défense Benny Gantz à Rabat et la signature du protocole qualifié à juste titre de « sans précédent ».

| Lire aussi : La passionnante histoire des relations entre le Maroc et Israël

C’est l’Égypte qui a ouvert le bal de la normalisation après la guerre du Kippour. En 1978, les accords de Camp David étaient signés sous l’égide des États-Unis et l’Égypte devient le premier pays arabe à reconnaitre officiellement l’État d’Israël, après 30 ans d’existence de ce dernier.

Le deuxième pays à le faire c’est la Jordanie, en 1994. Ces deux pays ont accentué leurs relations avec l’État hébreu, avec lequel ils partagent des frontières, et ont coopéré avec lui dans le domaine sécuritaire, mais un accord de défense n’a jamais été envisagé, du moins pas publiquement.

Ce qu’il n’a pas fait avec l’Égypte et la Jordanie en 43 ans et 27 ans de relations respectivement, Israël le fait avec le Maroc après seulement 11 mois de reconnaissance mutuelle.

Il est vrai que, comme le répètent les deux parties depuis près d’une année, leurs relations remontent à des décennies et ils ne font maintenant que formaliser les choses, mais cette célérité qui n’épargne même plus le dossier complexe et sensible de la coopération militaire soulève des interrogations légitimes.

Pourquoi un protocole, qui s’apparente à un pacte de défense, avec le lointain royaume du Maroc et pas avec ses voisins avec lesquels il pourrait partager les mêmes soucis sécuritaires face aux groupes djihadistes du Moyen-Orient, ni avec les autres États qui ont nouvellement rejoint le camp de la normalisation, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Soudan ?

Dans les relations internationales, ce genre d’accords suppose l’existence d’une menace ou d’un ennemi commun. C’est indéniablement l’Algérie qui est perçue comme telle dans ce cas de figure et ni le Maroc ni Israël n’ont cherché à le cacher.

« Nous voulons envoyer un message à l’Algérie »

Pour sa première visite dans le royaume depuis la normalisation, en août dernier, le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, a déclaré avoir discuté avec ses vis-à-vis marocains des « inquiétudes » qu’ils partageaient quant à un prétendu « rapprochement » de l’Algérie avec l’Iran, ennemi mortel de l’État hébreu.

Cette menace lancée à partir du territoire marocain fut l’une des « actions hostiles » dénoncées par l’Algérie et qui ont mené à la rupture des relations diplomatiques entre les deux voisins en août dernier.

À Alger, des voix non officielles, principalement des analystes, répètent que le rapprochement militaire israélo-marocain vise directement l’Algérie, l’un des plus grands soutiens des causes palestinienne et sahraouie.

Et s’il subsiste encore des doutes, un haut responsable israélien qui commente depuis Tel-Aviv la signature du protocole d’accord, vient de les lever : « Les Marocains voulaient donner à la visite de Gantz un profil public très élevé pour envoyer un signal à la fois aux États-Unis et à l’Algérie ».

« Notre message dans cette visite renforce les accords d’Abraham et construit un front unifié dans la région contre l’Iran », insiste le responsable, dont les propos ont été repris par le site marocain Le Desk.

Même si tout a été fait sous Donald Trump, les États-Unis demeurent le parrain des accords d’Abraham. Le nouveau président Joe Biden n’a pas affiché l’intention de revenir sur la reconnaissance par son prédécesseur de la souveraineté marocaine sur les territoires sahraouis occupés et son administration vient de réitérer son soutien au plan d’autonomie marocain.

Quel message est-il donc nécessaire de lui signifier ? L’interrogation vaut aussi pour l’Algérie. Que les deux nouveaux alliés escomptent un fléchissement de sa position de principe sur la question du Sahara, ou cherchent à la dissuader d’attaquer le Maroc, ça reste un faux calcul doublé d’une mauvaise foi.

Les Marocains savent mieux que quiconque que l’Algérie, malgré la supériorité de son armée, ne peut pas avoir une telle intention. Il est à se demander si on n’est pas devant une lourde méprise qui a conduit le Maroc à se couvrir de honte sans y être contraint.

Si certains au Maroc jubilent de l’arrivée d’un protecteur comme Israël pour tenir à distance leur voisin de l’Est, ils doivent avoir plutôt honte. Israël reste un pays peu fréquentable au niveau international, commet régulièrement des massacres à Gaza, et entretient des rapports guerriers avec ses voisins libanais et syriens.

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