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Affaire des caricatures : que reste-t-il de la politique arabe de la France ?

Affaire des caricatures : que reste-t-il de la politique arabe de la France ?

L’affaire des caricatures du Prophète envenime les relations entre la France et une partie du monde musulman. De nombreux gouvernements ont réagi officiellement et les appels à manifester et surtout à boycotter les produits français s’intensifient, notamment dans les pays arabes.

L’enjeu est de taille pour la France et l’équation s’apparente à un casse-tête : préserver son image dans une région où ses intérêts ne sont pas négligeables tout en ne donnant pas l’impression de « reculer » sur un principe qui fonde sa démocratie.

C’est sans doute ce double souci qui a motivé les deux sorties officielles simultanées de dimanche 25 octobre, soit un président Emmanuel Macron qui réitère que rien ne le fera reculer lui et son gouvernement, et un Quai d’Orsay qui impute à « une minorité radicale » les appels au boycott et les  attaques contre la France qui doivent donc « cesser immédiatement ».

La France était pourtant, jusqu’à un passé récent, l’un des pays occidentaux dont l’image est plus ou moins positivement perçue dans le monde musulman, particulièrement dans le monde arabe, grâce à la légendaire « politique arabe de la France » qui trouve ses origines dans l’orientation anti-atlantiste et pragmatique du général De Gaulle dans les années 1960.

Depuis, la France a toujours tenu à équilibrer ses positions dans les nombreux dossiers bouillonnants du Moyen-Orient, dont le conflit israélo-palestinien. Le prestige de la France s’en est trouvé grandi lorsque le temps a fini par donner raison au président Jacques Chirac qui avait refusé en 2003 de cautionner l’intervention américaine en Irak sous prétexte que ce pays détenait des armes de destruction massive.

En 2000, le même Chirac avait recadré le premier ministre Lionel Jospin qui avait enfreint la neutralité française en qualifiant le Hezbollah libanais de mouvement terroriste.

La politique arabe de la France a quelque peu pris du plomb dans l’aile sous Nicolas Sarkozy qui s’est notamment débattu lors des révolutions du printemps arabe, soutenant d’abord les présidents contestés Hosni Moubarak (Égypte) et Zine el-Abidine Ben Ali (Tunisie), puis prenant la tête de la coalition qui a dégagé Mouamar Kadhafi qu’il avait reçu avec faste à Paris quelques années plutôt.

Les péripéties de la politique interne

L’héritage de De Gaule et de Chirac n’a néanmoins pas complètement volé en éclats. Sur la question palestinienne, la France a su rester plus ou moins à équidistance des belligérants. Elle l’a encore montré par sa position vis-à-vis du dernier plan de paix du président américain Donald Trump et son alignement total en faveur d’Israël.

Les griefs collectés, la France les doit plus aux péripéties de sa politique et débat internes, dans lesquels les questions liées à l’immigration et à l’islam ont pris une place centrale ces dernières années.

Lesquelles péripéties ont fini par déborder sur les relations extérieures du pays. C’était inévitable tant les autorités françaises ne semblent pas avoir pris par le bon bout la complexité de la situation, qui se caractérise par une « intégration » manquée d’une partie de la population immigrée d’origine musulmane, la montée de l’extrémisme religieux, du discours de haine et du courant xénophobe et la multiplication d’incidents qualifiés, jusqu’à l’extérieur de la France, de « provocations ».

La preuve est dans cette crise que personne n’a vu venir et qui met en péril les intérêts de la France dans une région importante pour son économie, qui constitue un réceptacle pour les produits de son industrie, agro-alimentaire notamment (27 à 30 milliards de dollars d’exportations annuelles vers 20 pays arabes).

Et il n’y a pas que l’économie, puisque la France entretient notamment avec les pays du Maghreb dont l’Algérie des relations étroites, avec une dimension humaine exceptionnelle.

La détérioration des relations avec la Turquie d’Erdogan –ce dernier cherche à s’emparer du leadership du monde musulman sunnite au détriment de l’Arabie saoudite – trouve son explication en premier lieu certes dans les divergences sur des questions de géostratégie et la course pour plus de zones d’influence, mais pas que. Elle doit aussi quelque chose aux maladresses internes des autorités françaises dans leur traitement des questions sensibles liées à la place de l’islam et des musulmans. Du moins, le président turc en a fait un argument de taille dans ses bras de fer réguliers avec Emmanuel Macron.

« La France qui jouissait d’une image très forte dans le monde arabe est  perçue aujourd’hui comme un pays hostile aux musulmans », remarque un ancien diplomate.

La France gagnerait à traiter les très sensibles questions de la laïcité et de la place de l’islam avec plus de sagesse, le risque étant de vendanger l’héritage de décennies d’une politique équilibrée et pragmatique dans le monde arabe et musulman. Si ce n’est pas déjà fait…

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