
Entre Alger et Abou Dhabi, le froid diplomatique persiste. Même si la crise entre les deux capitales n’est pas officiellement ouverte, un malaise profond continue de peser sur les relations entre l’Algérie et les Émirats arabes unis, comme en témoignent les piques présidentielles récurrentes.
Jeudi dernier, lors d’une allocution prononcée au siège du ministère de la Défense nationale (MDN), le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a une nouvelle fois abordé la question, sans citer explicitement le pays concerné, mais en laissant peu de place au doute.
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« Tout va bien avec les pays du Golfe, sauf avec un seul État »
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« Concernant les pays du Golfe, à part un pays dont je ne citerai pas le nom, on coopère avec tous les frères chaque jour. Il n’y a aucun problème. Ni avec les Saoudiens, ni avec les Koweïtiens, ni avec les Irakiens… Avec le Qatar, on a une coopération intense, c’est le cas également avec Oman. On n’a pas de problèmes », a affirmé le chef de l’État, avant de pointer du doigt, de manière à peine voilée, les Émirats arabes unis dont les agissements, souvent en sous-main, irritent Alger.
« On a des problèmes avec celui qui vient chercher à semer le désordre dans notre maison. Et pour des raisons suspectes ! Il s’ingère dans des choses dans lesquelles on a empêché même les grandes puissances ! Comment vais-je te laisser t’ingérer dans les affaires intérieures ? Respectez-vous et on restera des frères », a lancé le chef de l’État, avant d’ajouter : « Toutes ces choses nous laissent vigilants».
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Ce n’est pas la première fois que le président Tebboune s’en prend, sans les nommer, aux dirigeants des Émirats arabes unis.
À plusieurs reprises, il a dénoncé « des tentatives d’ingérence » et des « manœuvres extérieures » dans les affaires internes algériennes. Et, à chaque fois, il refuse de citer directement le nom du pays.
Outre le président Tebboune, d’autres figures politiques algériennes ont également sonné la charge contre les Émirats, à l’image de Louisa Hanoune, qui a ouvertement réclamé la rupture diplomatique et le gel des investissements émiratis en Algérie, ou encore Abdelkader Bengrina, critique à l’égard du rôle d’Abou Dhabi dans la région.
Outre sa proximité avérée avec le Maroc — notamment sur la question du Sahara occidental — et leurs liens étroits avec Israël, les autorités algériennes reprochent à Abou Dhabi son activisme au Sahel et en Libye, jugé contraire aux intérêts sécuritaires d’Alger.
Introduits en Algérie sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, les Émiratis arabes unis avaient obtenu d’importants projets d’investissement dans plusieurs secteurs. Mais la méfiance à l’égard de cet riche émirat a commencé avec le déclin du règne de Bouteflika et s’est accentuée durant le mouvement populaire de 2019.
L’arrivée au pouvoir de Mohamed Ben Zayed à Abu Dhabi en 2022 a contribué à la dégradation des relations entre les deux sur fond de divergences politiques, d’enjeux régionaux et de rivalités d’influence.
Crise avec les pays du Sahel : l’appel à la raison
Par ailleurs, dans le même discours, le président Tebboune a également abordé la situation dans le Sahel et les défis sécuritaires qui en découlent, insistant sur la stabilité des frontières algériennes et la vigilance permanente de l’armée nationale.
« Les changements rapides que connaît la région et le monde nous imposent de renouveler notre détermination pour relever les défis et gagner les paris à travers un haut degré de conscience et de mobilisation. Vous savez que nos frontières sont sécurisées, car notre armée est forte et vigilante. Elle accomplit son rôle de défense du territoire. Sinon, il y aurait eu des convoitises », a déclaré le chef de l’État.
Alors que les relations entre l’Alger et le Mali sont au point mort-notamment depuis la décision de la junte malienne de dénoncer l’accord de paix d’Alger en janvier 2024, le président Tebboune a laissé que le dialogue restait possible :« Vous voyez ce qui se passe au Sahel. Nous n’avons pas atteint le point de non-retour avec nos frères du Sahel. Nous espérons que le bon sens prévaudra, que la bonne proximité sera préservée, et qu’on se rappellera qu’on a été des frères, qu’on s’est entraidés dans les moments de joie et dans l’adversité ».