
Le son de blé, un aliment de bétail prisé par les éleveurs, connaît une forte augmentation de son prix en Algérie.
Dans les wilayas steppiques comme M’sila et Djelfa, les éleveurs s’inquiètent et un député FLN dénonce une spéculation aux conséquences dangereuses sur l’élevage de moutons notamment dans la région, et par conséquent les prix des viandes rouges.
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A M’sila, les éleveurs de moutons ne sont pas contents. En cause, le prix élevé du son de blé vendu par les minoteries.
En absence de fourrages, le son occupe une part importante des rations distribuées aux animaux. Toute hausse se répercute sur le prix de la viande de mouton ce qui a amené les autorités à importer des moutons de Roumanie lors de la fête de l’Aïd-el-Adha 2025.
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En mars 2025, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a exprimé son indignation après que le prix du mouton ait atteint 170.000 DA. Pour rappel, le salaire minimum garanti est de 20 000 DA.
La question du prix du son de blé n’est pas nouvelle. Déjà, en juin 2022, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, avait indiqué que « les unités spécialisées dans la mouture du blé tendre et dur seront tenues, dès la saison prochaine, de redistribuer 60% des quantités de son issues des opérations de transformation aux éleveurs de bétail »
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Le ministre avait alors dénoncé que le prix du son « bien que plafonné à 1 800 DA le quintal était cédé à 4700 DA sur le marché noir », rapportait à l’époque l’agence APS.
Par la suite, la part de son vendu par les minoteries à prix administré a bénéficié d’une nouvelle autorisation d’augmentation. Des agriculteurs évoquent un prix moyen de « 2 500 DA le quintal ». Certains éleveurs se plaignent que des minoteries peu scrupuleuses indiquent sur la facture délivrée à l’éleveur le prix administré mais que dans la réalité, le prix de cession est plus élevé.
Exaspération des éleveurs à Msila
En cette fin octobre, des éleveurs confient à la Chaîne Echourouk leur exaspération face aux prix du son de blé.
Un éleveur témoigne : « On achète le son à 4.000 DA le quintal ou 5.000 DA, parfois on en trouve à 3.000 DA, mais jamais en dessous de 3.000 DA. Et pourtant on livre notre récolte de céréales à la CCLS. On a les justificatifs ».
Son voisin détaille les prix : « 3.500 DA le quintal pour le son de blé tendre et 5.000 pour le son blé issu de de blé dur ».
Les minoteries pointées du doigt
Un autre agriculteur s’offusque que les minoteries pratiquent de tels dépassements à propos de blé qui bénéficie du soutien de l’Etat. Il déplore : « Nous n’avons droit qu’à un pourcentage de 40% de son commercialisé par les minoteries à prix administré ».
Puis il réclame : « Mais nous, en ce lieu, nous demandons que 70 ou 80% du son produit soit vendu à ce prix. »
Plus posé, un autre agriculteur explique que le manque de son vient du fait que les minoteries ne respectent pas leur cahier des charges.
Le député de Djelfa Ahmed Rabhi parle d’une hausse de 100% des prix du son de blé dans les wilayas steppiques. Face à la spéculation sur cet aliment de bétail qui pénalise les éleveurs, le parlementaire a saisi par écrit la ministre du Commerce intérieur et de la régulation du marché.
« Les prix des aliments pour le bétail et les bovins ont fortement augmenté ces dernières semaines. Le prix du son a connu une hausse de plus de 100 % par rapport aux saisons précédentes, passant de 2 200 à 4 500 DZD selon la qualité », a écrit le député FLN dans sa question écrite.
Ahmed Rabhi souligne que la flambée des prix des aliments de bétail « varient selon les régions des hauts plateaux, ce qui représente une menace pour les petits exploitants agricoles qui ne peuvent pas faire face à cette hausse exorbitante ». « Cela menace leurs moyens de subsistance et leur stabilité sociale, et entraîne une inflation accrue, notamment avec l’arrivée de l’hiver et la désertification des terres », alerte-t-il.
Le député pointe du doigt la spéculation sur le son de blé qui a « entraîné une augmentation significative de son prix d’achat, menaçant ainsi l’avenir des éleveurs et compromettant la richesse animale ainsi que l’économie pastorale dans les wilayas steppiques, notamment celle de Djelfa ».
Contacté par Echourouk, le directeur des services agricoles de la wilaya se félicite des minoteries qui mettent leur production de son à la disposition des éleveurs. Il souligne que le manque de son au niveau de la wilaya pourrait être résolu en faisant appel aux minoteries des wilayas voisines.
Un manque structurel de fourrages
La tension sur le son de blé résulte de la faiblesse de la production locale de fourrages. Si depuis plusieurs années, des éleveurs se sont lancés dans la production de fourrages irrigués (luzerne, maïs ensilage, …) ce surcroît de production reste cependant insuffisant.
Le potentiel de production des terres céréalières laissées une année sur deux en jachères pâturées – 40% des surfaces céréalières – est pourtant considérable.
Traditionnellement, les moutons broutent la flore sauvage alors que dans une étude de 2005, les experts Abbas Khaled et Aïssa Abdelguerfi suggèrent que le semis superficiel d’espèces fourragères pourrait assurer une production accrue.
Ils ajoutent : « La fertilisation azotée stimule rapidement les graminées. La technique est particulièrement prometteuse si la végétation spontanée est riche en graminées nobles ».
Dans la pratique, cette alternative n’est pas possible car l’achat d’engrais subventionné ne concerne que les superficies semées en céréales.
Selon un site spécialisé, l’accès aux engrais subventionnés « requiert la soumission d’un dossier (…) auprès de la subdivision agricole compétente, l’autorisation est délivrée par le subdivisionnaire désigné. Les agriculteurs peuvent ensuite procéder à l’achat des engrais soutenus auprès des opérateurs agréés par la Direction des Services Agricoles (DSA). »
Valorisation des parcours steppiques
Quant aux parcours steppiques, beaucoup sont dégradés et seule la plantation d’arbustes fourragers pourrait permettre de décupler l’offre fourragère.
Co-auteur d’une étude en 2025 sur le sujet, Amrani Ouarda de l’université de Laghouat note que les zones réhabilitées présentent une productivité de plus de 600 unités fourragères contre seulement 14 en zone dégradée.
Ce qui permet une charge pastorale de 1,51 unité ovine/ha/an contre 0,03 unité ovine auparavant. Une fois réhabilités, ces parcours font l’objet de locations saisonnières ce qui permet aux éleveurs de réduire l’utilisation de son et d’orge. Problème, ces réhabilitations sont à la seule charge de l’Etat.
L’universitaire conclut : « Ces résultats mettront à la disposition des opérateurs sur le terrain (éleveurs, développeurs, autorités locales) des outils pour une gestion rationnelle des parcours aménagés ».
Les services publics ne peuvent assumer à eux seuls le reboisement de dizaines de milliers d’hectares sans le concours des principaux concernés : les éleveurs.
Pour faire baisser le prix de la viande, les défis sont nombreux : meilleure disponibilité du son, production de fourrages et plantation d’arbustes fourragers. Autant de problématiques que devrait aborder le nouveau Conseil national scientifique de la sécurité alimentaire.