Les adieux furent à la mesure de l’onde de choc qu’a provoquée en Algérie sa mort atroce. Des milliers de personnes, de tous âges, dont certaines venues de plusieurs wilayas du pays, ont accompagné, lundi en fin de journée, la jeune Marwa Boughachiche à sa dernière demeure.
Âgée de seulement 12 ans, l’adolescente était portée disparue depuis le 22 mai dernier, jour de son dernier examen scolaire. Mais ce dimanche, la stupeur est tombée tel un couperet : le parquet de Constantine a confirmé que le corps mutilé retrouvé à Djebel El Ouahch, dans la périphérie de la ville des ponts, était bien celui de Marwa.
Inhumation de la jeune Marwa dans une vive émotion à Constantine
Dès 16 heures, le quartier de Sidi Mabrouk était noir de monde et semblait figé dans le temps, selon les images et les vidéos diffusées sur plusieurs plateformes. L’émoi, la tristesse et la consternation se lisaient sur tous les visages. Femmes en pleurs, jeunes affligés, adultes éplorés : tous paraissaient porter la même douleur, la même incompréhension.
Comment une enfant, à peine sortie de l’innocence de l’enfance, a-t-elle pu subir pareil sort ?
Depuis la maison de son grand-père, le cercueil de Marwa a été brièvement introduit pour un ultime adieu en famille, puis porté à bout de bras au milieu d’un cortège funèbre immense, dans un rare moment de communion et d’émotion. Des images déchirantes, relayées en masse sur les réseaux sociaux.
Le cortège a ensuite pris la direction de la mosquée Errahmane, dans le quartier de Zouaghi Slimane, où la prière funéraire a été accomplie après celle d’Al-Asr. Puis, direction le cimetière de Zouaghi, où la fillette a été inhumée, en présence des autorités locales, dont le wali de Constantine, Abdelkhalek Sayouda. L’ampleur du choc était telle que les autorités redoutaient des débordements. Les services de sécurité ont donc été mobilisés en nombre, encadrant discrètement les lieux pour prévenir tout incident, selon des médias.
Une phrase d’une simplicité glaçante
Dans une vidéo, face aux autorités, le père de Marwa, visiblement brisé, mais digne, n’a formulé qu’une seule demande : « Amenez-moi celui qui m’a privé de ma fille, je veux lui parler. »
Une phrase d’une simplicité glaçante, reprise en chœur par la foule, qui réclamait justice, voire la peine capitale à l’encontre de ou des auteurs de cet abject forfait. « On est ici au nom de l’État », lui a soufflé un officier, comme pour souligner que l’affaire est nationale, et que tout sera mis en œuvre pour retrouver les auteurs de ce crime odieux.
Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux à avoir réclamé l’application de la peine de mort pour les coupables. Un débat récurrent en Algérie à chaque drame de ce genre. Mais le pays observe toujours un moratoire sur les exécutions depuis 1993, bien que la peine capitale soit maintenue dans le Code pénal.
D’autres voix, encore plus nombreuses, ont pointé du doigt les dérives sur les réseaux sociaux. En point de mire : un influenceur connu sous le pseudonyme de « Opéra », établi en Espagne, accusé d’avoir diffusé de fausses informations à propos de Marwa. Il a notamment prétendu que l’adolescente aurait fugué avec un « petit ami » à Ouargla. De nombreux internautes ont appelé à sa dénonciation et à des poursuites judiciaires, l’accusant notamment d’avoir entravé l’enquête et porté atteinte à l’honneur d’une enfant innocente, uniquement pour faire le « buzz ».
Depuis sa disparition le 22 mai, à la sortie de son dernier examen, Marwa était devenue le principal sujet de préoccupation de toute la ville de Constantine et même de nombreux foyers en Algérie. Les services de sécurité avaient intensifié les recherches, tandis que la famille lançait des appels déchirants à l’aide, promettant même une importante récompense à quiconque pourrait la retrouver.
Mais la découverte d’un corps en état de décomposition, dans la forêt de Djebel El Ouahch, a fini par sceller le drame. La confirmation par test ADN de l’identité de la victime finit par plonger toute l’Algérie dans la consternation.