
Pour faire fondre en larmes un chirurgien aguerri et habitué des ambiances morbides, le cas doit être exceptionnellement émouvant. Le Dr Aït Saïd Khelifa n’a pas pu contenir son émotion en écoutant le témoignage d’une mère qui a donné un rein pour sauver son fils.
C’est lui-même qui a effectué avec le Pr Laribi et son équipe du CHU Bab el Oued à Alger le prélèvement et la greffe. Le cas de cette dame, il ne le connaît donc que trop bien. Mais ce qu’elle raconte est déchirant.
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Une mère donne un rein à son fils après avoir perdu sa fille
La vidéo a été réalisée par le journaliste spécialisé Ahcene Chemache au service de chirurgie thoracique du CHU de Bab El Oued (Alger) où le Dr Khelifa Ait Saïd, un éminent chirurgien urologue algérien établi en France, et le Pr Laribi, chirurgien pédiatrique, font des merveilles. Ils ont introduit en Algérie la technique innovante de la greffe rénale sous cœlioscopie. La première opération a été effectuée avec succès début juillet en cours. Le rythme est déjà respectable : deux à trois greffes par semaine.
Dans le bureau, une dame d’un certain âge, la tête recouverte d’un foulard et le visage d’un masque qui rappelle les dures années du Covid, est venue leur exprimer sa gratitude, accompagnée de son mari. Dans ses yeux, derrière de grosses lunettes, se lit un étrange mélange de bonheur intense et de douleur profonde.
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Le mystère se dissipe quand elle raconte elle-même son épreuve. Sa fille de 4 ans est morte d’insuffisance rénale, faute de greffe, et son fils, atteint du même mal, a pu être sauvé par les deux médecins qui se tiennent en face d’elle. Elle a donné son rein et les deux praticiens ont fait le reste.
“Ne laisse pas mon frère mourir comme moi”
“Ne laisse pas mon frère mourir comme moi”, lui a dit sa fille avant de rendre l’âme. Très ému, Dr Ait Saïd estime que tout le mérite revient à cette femme courageuse. “J’ai fait des greffes rénales à l’étranger, mais le regard d’une maman est différent en Algérie. Elle était prête à mourir pour son fils. Elle pensait qu’elle allait mourir et le sauver. Elle était prête. Je n’étais pas stressé car elle m’a dit : docteur, faites ce que vous voulez de moi et sauvez mon fils. Ça m’a tué”, avoue le médecin, les larmes aux yeux.
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Le médecin laisse ensuite éclater une colère saine. “Cette femme a perdu sa fille à cause d’une insuffisance de donneurs, de moyens. On est en 2025, ce sont des choses qu’on ne peut pas avoir en Algérie aujourd’hui. Il faut absolument planifier et organiser une vraie greffe d’organes en Algérie”, plaide-t-il.
Une vraie politique de greffe est d’autant plus urgente qu’il n’y a pas que les insuffisants rénaux qui souffrent. Il y a aussi les insuffisants hépatiques ou cardiaques, les diabétiques et autres malades, égrène le médecin.
“L’étape suivante devra être le prélèvement avec la mort encéphalique et réussir notre challenge”, dit-il. “Passer du donneur vivant au donneur cadavérique”, reprend le Pr Laribi.
“Quand on parle d’un plan cancer, je pense qu’il faut aussi parler d’un plan de transplantation d’organes. C’est un projet sur lequel on est en train de travailler. J’espère qu’il sera concrétisé sur le terrain”, souhaite-t-il. Le Pr Laribi conclut sur une énième ambition : passer du prélèvement cœlioscopie au prélèvement robotique.