L’Algérie veut revoir l’accord d’association signé avec l’Union européenne en 2002 et la partie européenne n’est pas contre le principe. Il s’agira toutefois de renégocier seulement des clauses de l’accord et non d’une renégociation de fond en comble, apprend-on de source proche du dossier. La différence entre les deux formules est de taille, indique-t-on.
Décrié depuis plusieurs années pour son caractère déséquilibré au détriment de l’Algérie, l’accord a fait l’objet à la mi-janvier dernier d’une réunion présidée par le président de la République Abdelmadjid Tebboune, consacrée à suivre l’état d’avancement des préparatifs pour la révision de l’accord.
A la fin du même mois, le chef de l’État a annoncé en Conseil des ministres que le texte sera révisé “sur le principe gagnant-gagnant”.
Cela “ne résulte pas d’un conflit”, a-t-il précisé, mais vise à “soutenir les bonnes relations entre l’Algérie et l’Union européenne en tant que partenaire économique”.
De nombreux économistes estiment que l’accord a été négocié dans l’urgence par la partie algérienne à la fin des années 1990 et début des années 2000. Signé en 2002, il est entré en vigueur en 2005. Au fil des années, les données douanières affichaient un grand déséquilibre des flux des marchandises, en sus d’un énorme manque à gagner pour l’Algérie du fait du démantèlement tarifaire progressif.
En 10 ans, de 2005 à 2015, l’Algérie a exporté vers cet espace pour 14 milliards d’euros marchandises hors hydrocarbures et en a importé pour 220 milliards d’euros, doit 22 milliards d’euros par an en moyenne. Le manque à gagner pour l’Algérie en droits de douanes s’est élevé pendant la même période à 700 milliards de dinars.
L’Algérie souhaite revoir l’accord, estimant qu’il a été signé dans une conjoncture très différente de celle qui prévaut aujourd’hui.
La révision “s’impose au regard de la réalité économique actuelle, sachant que depuis son entrée en vigueur, en 2005, les exportations de l’Algérie étaient basées principalement sur les hydrocarbures, alors qu’aujourd’hui, nos exportations hors hydrocarbures se sont diversifiées et étendues à d’autres domaines, notamment la production agricole, les minerais, le ciment et les produits alimentaires et autres », avait expliqué le président Tebboune.
Algérie-UE : un accord d’association déséquilibré
Toujours en janvier, le Premier ministre Nadir Larbaoui a reçu l’ambassadeur de l’Union européenne en Algérie, Diego Mellado Pascua. Les deux hommes ont réaffirmé “leur engagement commun à œuvrer de concert en vue d’établir un partenariat global et diversifié marqué par de nouvelles dynamiques, selon une approche équilibrée garantissant les intérêts des deux parties ». Une formule très diplomatique pour signifier que les deux parties sont d’accord sur le principe de révision de l’accord.
La partie européenne n’hésitait pas à mettre en avant les dispositions de l’accord pour contester des décisions prises par le gouvernement algérien, comme les mesures de rationalisation des importations ou encore le blocage du commerce avec l’Espagne entre juin 2022 et début 2025. En juin 2024, la Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une procédure d’arbitrage contre l’Algérie.
Les griefs exprimés de part et d’autre seront au centre des discussions à venir, indique notre source, qui insiste toutefois que ce sera une révision de certaines clauses de l’accord et non une renégociation globale. Selon la même source, la renégociation signifie qu’il y aura un nouvel accord qui nécessitera sa ratification par chacun des parlements des 27 Etats membres de l’Union européenne. Ce qui évidemment prendra beaucoup de temps, en plus du risque de rejet du texte par certains parlements.
Dans la conjoncture de crise actuelle avec la France par exemple, il est difficile d’envisager un vote favorable du parlement français où seuls les députés de gauche continuent à défendre une relation apaisée avec l’Algérie. Il y a quelques jours, les élus d’extrême-droite et de droite ont par exemple tenté de lier l’affaire Boualem Sansal et les futures discussions sur l’accord d’association.
La révision à venir aura pour objectif de parvenir à un accord plus équilibré. Les négociateurs algériens devront particulièrement insister sur le rééquilibrage du système des quotas, en valeur ou en volume, et sur la révision des dispositions protectionnistes et normatives, a préconisé en mars dernier dans Echorouk l’ancien ministre algérien du Commerce, Mustapha Benbada.
Tout en estimant qu’il est temps pour l’Algérie de revoir elle aussi son arsenal normatif et l’imposer à l’Europe, l’ancien ministre a indiqué que l’Algérie devra demander à disposer d’une échéance plus longue pour le démantèlement tarifaire total afin de permettre à ses entreprises d’être plus compétitives.