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Ali Ghediri va-t-il répondre à Gaïd Salah ?

Ali Ghediri va-t-il répondre à Gaïd Salah ?

« A l’approche de l’échéance électorale présidentielle, certains individus mus par des ambitions démesurées et animés par des intentions sournoises tentent et par tous les moyens, notamment les médias, de préjuger des prises de positions de l’institution militaire vis-à-vis des élections présidentielles et s’arrogent, même, le droit de parler en son nom ».

Dans un communiqué d’une rare virulence, publié dimanche 30 décembre, le ministère de la Défense s’est attaqué, sans le citer au général-major Ali Ghediri. Ce dernier est le seul officier supérieur à avoir pris encore la parole sur des questions politiques, notamment la prochaine échéance présidentielle, ces derniers jours.

Dans une interview à El Watan, publiée le 25 décembre, Ali Ghediri s’était attaqué aux « aventuriers » dont l’unique objectif est « de rester au pouvoir et de profiter de la rente ». « Certains demandent un report de la présidentielle, d’autres la continuité. Tous les schémas anticonstitutionnels sont mis sur la table. Connaissant de près le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, je me défends de croire qu’il puisse avaliser la démarche d’aventuriers », a-t-il écrit.

Plus loin, il a ajouté : « Je ne pense pas que le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah puisse permettre à qui que ce soit de violer d’une manière outrageuse la Constitution. Il n’est pas sans savoir qu’il est le dernier de sa génération et que l’Histoire est fortement attentive à ce qu’il fait ou fera ». Il a rappelé la qualité de moudjahid d’Ahmed Gaïd Salah. « Ne serait-ce que sur ce point précis, il mérite la confiance de ceux qui ont à cœur de voir l’Algérie réussir son pari », a-t-il noté.

L’interpellation directe du vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’ANP pour intervenir dans des décisions politiques majeures, alors que le pays traverse une période d’incertitude politique, explique en partie la réponse rapide du MDN. Le message semble s’adresser également à d’autres anciens généraux de l’armée qui seraient tentés par des « projets » politiques pouvant accélérer des ruptures à tous les niveaux avant la présidentielle d’avril 2019. D’autant plus que les interventions publiques de Ghediri commençaient à susciter un vif intérêt parmi les anciens responsables politiques et militaires du pays.

« Le pays risque gros »

Quatre jours après la publication du communiqué du MDN, Ali Ghediri n’a toujours pas réagi au rappel à l’ordre énergique du ministère de la Défense. Va-t-il répondre ? Va-t-il garder le silence, le temps que la tempête passe, alors qu’il est menacé de poursuites judiciaires ?

Le ministère de la Défense a bien parlé « d’individus mus par des ambitions démesurées » en faisant allusion à Ali Ghediri. Le général à la retraite serait-il intéressé par un projet de candidature indépendante à l’élection présidentielle pour porter la voix d’un groupe d’anciens responsables en colère contre la conduite actuelle du pays ? L’attitude d’Ali Ghediri dans les prochains jours fournira des indications sur ses intentions et renseignera sur la solidité de sa démarche politique.

Dans ses écrits, publiés ces deux dernières années, l’ancien haut gradé, a appelé l’armée à « un engagement démocratique » et qui a défendu le DRS. Il a également dressé le bilan de la gestion du président Abdelaziz Bouteflika depuis 1999, et tracé les grandes lignes de ce qui peut paraître comme « un projet de société » alternatif.

«Pour ce qui est de l’élection présidentielle de 2019, je considère que, plus que toutes les autres précédentes, les joutes à venir sont d’une importance capitale, en ce sens qu’elles sont à la fois porteuses d’espoir et de péril. Elles placent l’Algérie sur une ligne de crête, entre ubac, le côté sombre, et adret, le côté ensoleillé. Si nous arrivons à les organiser sans encombre, nous aurons réussi notre pari, à défaut, le pays risque gros. Mais je demeure optimiste », a-t-il déclaré dans l’interview à El Watan, suggérant presque l’existence « d’un plan » de rechange.

« Rupture sans reniement »

Début décembre 2018, Ali Ghediri s’est adressé au « Frère président Bouteflika », dans une autre contribution publiée par El Watan, en ces termes : « Frère Président, il y a des hommes qui sont prêts, en ces moments difficiles, à consentir le sacrifice suprême pour ce pays, pour que la trajectoire de Novembre reprenne son cours et que la rupture sans reniement se fasse. Ils sont déterminés. Et, parce qu’ils le sont, ce ne sont pas les menaces, voilées ou franches, qui les en dissuaderont ».

Les anciens officiers ont une « obligation de réserve », en vertu de la loi 16/05 du 03 août 2016 (qui a modifié l’ordonnance de 1976 sur le statut des officiers de réserve). Cette loi oblige les militaires admis à la retraite « à la réserve et à la retenue ». « Dans cette position, tout manquement au devoir de nature à porter atteinte à l’honneur et au respect dus aux institutions de l’État, constitue un outrage et une diffamation et peut faire l’objet, à l’initiative des autorités publiques, de retrait de médaille d’honneur, et de plainte auprès des juridictions compétentes », est-il souligné dans ce texte de loi.

Le MDN peut dénier aux anciens généraux de droit de parler au nom de l’institution militaire ou de s’attaquer aux « institutions ». Mais il ne peut pas les empêcher d’avoir des ambitions politiques.

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