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Arabie saoudite : un rôle de plus en plus inquiétant

Arabie saoudite : un rôle de plus en plus inquiétant

Le fait principal retenu par la presse internationale lors du 29e sommet de la Ligue arabe qui s’est tenu ce dimanche 15 avril à Dhahran en Arabie saoudite, aura été la déclaration du roi saoudien Salmane en ouverture du sommet condamnant, ce qu’il a qualifié d’ingérences et d’agressions de la part de l’Iran, désigné comme la menace principale planant sur la nation arabe.

L’Arabie saoudite a-t-elle réussi à embarquer la Ligue arabe dans son bras de fer avec l’Iran ? Pas si sûr, puisque le communiqué final du sommet, fait notable, ne mentionne pas l’Iran. Mis à part une condamnation des attaques aux missiles contre l’Arabie saoudite venant des Houthis au Yémen et des ingérences extérieures dans les affaires arabes, l’Iran n’a pas été expressément évoqué.

Cette fois, la volonté saoudienne, et plus largement des pays du Golfe à l’exception d’Oman, de coaliser les pays arabes contre son voisin chiite ne s’est pas concrétisée à l’intérieur de la Ligue arabe. Cela est certainement dû aux oppositions des pays de la Ligue arabe qui entretiennent des relations cordiales avec l’Iran tels que l’Algérie, la Tunisie, l’Irak et le Liban qui refusent que la Ligue arabe devienne l’otage d’une rivalité saoudo-iranienne au détriment des problématiques qui préoccupent vraiment la région arabe.

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Lors de ce sommet qui s’est tenu un jour seulement après les frappes occidentales en Syrie, les questions de l’heure ont été reléguées au second plan. Dans le communiqué final, nulle mention, ne serait-ce que d’une réprobation des frappes occidentales effectuées sans l’aval du Conseil de sécurité des Nations Unies, et donc en violation de la souveraineté de la Syrie. Ce pays est certes exclu de la Ligue arabe mais il demeure un pays arabe.

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Sur la Palestine, mis-à-part les assurances habituelles sur « la centralité de la cause palestinienne pour la nation arabe » et une réitération formelle du rejet de la décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, le communiqué final du sommet n’évoque même pas les crimes perpétrés par l’armée d’occupation israélienne à Gaza à l’encontre des Palestiniens manifestant pacifiquement pour le droit au retour des réfugiés expulsés de leurs terres en 1948.

Il est souvent reproché à la Ligue arabe d’être devenue un instrument aux mains des puissances du Golfe, Arabie saoudite en tête, servant les desseins géopolitiques occidentaux dans la région, notamment d’affaiblir toute puissance régionale capable de tenir tête à Israël, à savoir l’Iran. Le rapprochement supposé de l’Arabie saoudite avec Israël, toujours démenti par celle-ci, pourrait le laisser penser.

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Arabie saoudite – Israël : un tandem dangereux

La presse internationale a récemment divulgué une série d’informations interprétées comme des signes de rapprochement entre Arabie saoudite et Israël. Pendant que des Palestiniens mourraient à Gaza sous les balles assassines de l’armée israélienne durant la « Marche du retour », le prince héritier de l’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salmane, estimait le 3 avril 2018 dans une déclaration au magazine américain The Atlantic que "les Israéliens, tout comme les Palestiniens, avaient droit à leurs terres. Mais nous devons avoir un accord de paix pour assurer la stabilité pour tous et avoir des relations normales ».

Cette déclaration, qui au fond reflète l’initiative de paix arabe présentée par le royaume saoudien en 2002, n’aurait pas été problématique en l’absence d’un autre fait pour le moins dérangeant dont le prince héritier aurait été l’auteur à la fin de l’année dernière à la veille de l’annonce du président américain, Donald Trump, qu’il reconnaîtrait Jérusalem comme capitale d’Israel, ce qu’il finira par faire en violation de la légalité internationale.

Le New York Times rapportait en décembre 2017 que lors d’un voyage du président palestinien Mahmoud Abbas, à Riyad, en novembre 2017 pour des consultations, le prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane lui aurait présenté l’esquisse d’un plan de paix adopté par le gouvernement américain pour la paix au Moyen-Orient.

Ce plan appelait les Palestiniens à renoncer à Jérusalem-Est et de prendre pour future capitale Abu Dis, une petite localité dans la banlieue de Jérusalem. Il prévoyait aussi d’abandonner les territoires de la Cisjordanie occupés où sont implantées des colonies juives en échange de territoires dans le Sinaï égyptien. Selon ces mêmes sources, Mahmoud Abbas aurait également été sommé par le prince héritier saoudien d’accepter ces conditions faute de quoi il devrait remettre sa démission. Ce plan, en contradiction totale avec les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les limites d’un futur État palestinien dans les frontières de 1967, a été évidemment rejeté par les Palestiniens.

Les pressions saoudiennes sur l’Autorité palestinienne à accepter l’inacceptable constituent non seulement un alignement, certes non officiel, de l’Arabie saoudite sur les thèses colonialistes du régime sioniste mais mettent en doute l’attachement réel des Al Saoud à la cause palestinienne. De la part d’un pays qui prétend à un leadership absolu sur les pays arabes et musulmans, ceci non seulement le discrédite à prétendre à un tel rôle, mais affaibli davantage la Ligue arabe sur le plan géopolitique. Une organisation qui n’arrive ni à faire front uni face aux agressions extérieures, ni à jouer un rôle constructif dans les conflits internes aux pays arabes.

La Ligue arabe, une organisation indigente

Le poids géopolitique de la Ligue arabe avait déjà fortement diminué lorsque les divisions en son sein étaient apparues au grand jour lors de la guerre du Golfe en 1991, lorsque certains états arabes, l’Égypte et la Syrie en l’occurrence, avaient envoyé des troupes combattre Saddam Hussein aux côtés de la coalition occidentale. Depuis, cette période les pays du Golfe, notamment avec l’Arabie saoudite, ont pris le leadership de la Ligue arabe, faisant de celles-ci une organisation inféodée aux intérêts américains dans la région.

Lors de l’invasion anglo-américaine de l’Irak en 2003, même si les pays arabes s’étaient entendus à ce qu’aucun d’entre-eux ne participe à la guerre, cela n’a pas empêché les Saoudiens d’ouvrir leur espace aérien aux missiles américains tirés sur l’Irak à partir de la Mer Rouge, alors que les opérations aériennes occidentales avaient été gérées à partir de la base Prince Sultan à Al Kharj, évacuée depuis par l’armée américaine.

En Libye, lors de l’insurrection contre le gouvernement de Mouamar Kadhafi, début 2011, la Ligue arabe, sous l’impulsion du Conseil de coopération du Golfe (CCG) avait soutenu l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne sur la Libye, fortement souhaitée par les pays occidentaux, la France notamment. Une fois cette zone adoptée au Conseil de sécurité de l’ONU, la Ligue arabe est devenue la première organisation inter-étatique à autoriser des opérations militaires contre l’un de ses membres. C’est cette même zone d’exclusion aérienne qui aura permis aux avions de l’OTAN, de bombarder le convoi d’un Kadhafi en fuite, en violation des dispositions de la résolution du Conseil de sécurité instaurant cette zone.

Sur la Syrie, les Saoudiens et les Qataris ont, dès le début, soutenu la rébellion au gouvernement de Bashar al Assad à coup de pétrodollars pour se procurer des armes. En novembre 2011, à la demande du Qatar, la Ligue arabe suspend la Syrie de l’organisation et vote en faveur d’un retrait des ambassadeurs arabes de Damas. La Ligue arabe finira même par adopter des sanctions économiques contre la Syrie en raison du refus de Bashar al Assad d’arrêter la répression.

Sur cette crise, aussi bien Occidentaux (États-Unis et France) que pays du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Qatar) étaient en faveur d’un retrait de Bashar al Assad du pouvoir alors que l’émissaire de la Ligue arabe et de l’ONU pour la Syrie, le diplomate algérien Lakhdar Ibrahimi, tentait de faire dialoguer gouvernement syrien et opposition. Le gouvernement syrien a indiqué qu’il cesserait de coopérer avec lui après que la Ligue arabe ait reconnu officiellement l’opposition syrienne.

Dans le conflit au Yemen, pays déchiré par la guerre depuis 4 ans, la Ligue arabe a été de fait neutralisée par le Conseil de coopération du Golfe emmené par l’Arabie saoudite, qui a joué les premiers rôles durant cette crise. D’abord en proposant un plan de sortie de crise au lendemain de la contestation populaire de 2011 puis en mettant sur pied en 2015 une coalition armée arabe, soutenue par les États-Unis, pour combattre la rébellion des Houthis qui selon Riyad est soutenue par l’Iran.

Non seulement cette liste a été mise sur une liste noire des Nations Unies pour meurtre ou mutilations d’enfants mais elle aussi a échoué dans ses objectifs puisque les Houthis contrôlent toujours Sanaa et lancent même des missiles sur l’Arabie saoudite. Sur cette question, si les pays arabes n’avaient pas suivi l’Arabie saoudite aveuglément dans sa coalition et si la Ligue arabe avait de meilleures relations avec l’Iran, une médiation aurait peut-être été possible.

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