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Bouteflika et le Printemps berbère 1980 : Said Sadi livre sa version des faits

Bouteflika et le Printemps berbère 1980 : Said Sadi livre sa version des faits

L’Algérie commémorera dans dix jours le 38e anniversaire du printemps berbère de 1980. Dans un texte publié ce mardi 10 avril sur sa page Facebook, Saïd Sadi dit saisir l’occasion pour rétablir quelques vérités comme il l’avait promis lors de son intervention au cinquième congrès du RCD.

Il commence ainsi par rappeler la déclaration d’Ahmed Ouyahia faite le 18 janvier dernier devant les membres du conseil national de son parti.

Le patron du RND avait affirmé que Bouteflika « n’était pas d’accord avec la décision d’interdire la conférence de Mouloud Mammeri », ni avec la répression des manifestants.

« Ce propos ne saurait être assimilé à l’incompréhension d’une information mal transmise. Je viens de vérifier qu’en 2009 le personnage avait osé la même allégation. Il s’agit donc bien d’une stratégie de désinformation (…). Pour ne pas alimenter une guerre de clans où l’obséquiosité n’est pas la moindre des tentations, je me suis interdit d’intervenir à chaud. Dans mon intervention au cinquième congrès du RCD, j’avais annoncé que le moment venu, je reviendrai sur cette affaire. L’approche de la commémoration du 20 avril est une bonne opportunité », écrit Said Sadi.

Le fondateur du RCD rappelle qu’il était l’un des acteurs de « cette séquence de notre Histoire ». Les « hasards de la vie politique m’ont permis d’entendre de la bouche même de monsieur Bouteflika son analyse de la gestion du printemps amazigh par le pouvoir de l’époque », affirme Said Sadi.

Et d’ajouter : « Je me limiterai ici à la narration de la partie de son intervention concernant cet événement car, pour ce qui est de la répression de manifestants, les Algériens, dont récemment les résidents de médecine, ont eu toute latitude de connaître les conceptions du chef de l’État sur le droit de manifester ».

Said Sadi évoque l’ambiance qui régnait en 1999 avec le retour d’Abdelaziz Bouteflika aux affaires. « Les premières déclarations et décisions sont symboliquement fortes et donnent à penser qu’il est déterminé à casser les codes du conservatisme politique ambiant (…). Sollicité, le RCD décide de répondre aux invitations qui lui sont adressées pour sonder la consistance de ces promesses », souligne l’ancien président du RCD avant de rapporter en détails la discussion qui l’a eu avec le chef de l’Etat au sujet d’avril 80.

Selon lui, Abdelaziz Bouteflika lui a dit qu’il n’aurait pas « intercepté Mouloud Mammeri pour interdire la conférence ». L’actuel chef de l’État l’aurait « invité à un festin chez le wali et je l’aurais fait savoir » avant de le faire « accompagner par quatre motards à l’université », relate Said Sadi. Le président Bouteflika lui avait rappelé que les étudiants se méfiaient « des intellectuels qui s’affichent avec les autorités ».

Après avoir relaté cet épisode, Said Sadi revient sur le contexte du printemps berbère 1980 pour expliquer qu’Abdelaziz Bouteflika n’aurait pas pu « se démarquer » ou encore « dénoncer » les décisions de Chadli Bendjedid. « En 1980, Chadli Bendjedid avait déjà bien entamé sa déboumediénisation. Abdelaziz Bouteflika qui connaitra bientôt les poursuites de la Cour des comptes pensait pouvoir être épargné en faisant allégeance au nouveau chef. On voit mal un sursitaire politique se démarquer et encore moins dénoncer les décisions du chef de l’Etat sur un dossier particulièrement sensible qui, de surcroît, ne figure pas, loin s’en faut, au registre de ses préoccupations politiques », estime-t-il.

« « Pour L’Histoire » donc, Abdelaziz Bouteflika n’était ni favorable à la conférence de Mouloud Mammeri ni contre la répression. Il déplorait en catimini le fait que le régime n’ait pas su trouver les bonnes astuces pour démonétiser le conférencier à moindre frais et faire ainsi l’économie de l’adhésion populaire avec un mouvement qui a ébranlé les fondements du système. Il faut d’ailleurs relever que l’actuel chef de l’État n’a jamais exprimé publiquement les positions que lui prêtent ses courtisans. Trop d’ambitieux, soucieux de complaire à leurs tuteurs pour sécuriser leur projet de carrière ont instrumentalisé l’Histoire. On sait ce que ces falsifications ont coûté au pays », conclut Said Sadi.

Extrait de la discussion entre Said Sadi et Abdelaziz Bouteflika :

« Dubitatif sur les réelles possibilités d’ouverture, je pose comme condition à toute éventualité de collaboration l’installation officielle des commissions de réforme de la justice, de l’éducation et de l’État. Le tout nouveau chef de l’État fait mine de s’agacer de notre scepticisme avant de lâcher :

– Je connais le système mieux que quiconque. Je sais comment le faire évoluer

– C’est très bien, notre demande ne peut que renforcer vos intentions, répliqué-je.

– Les autres ne savent pas faire, ajouta-t-il, un rien dédaigneux et visiblement décidé à me convaincre de son génie tactique. Tenez, par exemple en 1980, ils n’ont pas su s’y prendre, ils ont très mal géré l’affaire.

– Je confirme.

– Ce n’est pas comme cela qu’il aurait fallu faire.

– Et comment auriez-vous fait ?

– Moi je n’aurai pas intercepté Mammeri pour interdire la conférence. (Bouteflika prononce le nom de l’écrivain en emphatisant lourdement le « r » ). Personnellement, je l’aurais invité à un festin chez le wali et je l’aurais fait savoir. Ensuite je l’aurais fait accompagner par quatre motards à l’université. Partout les étudiants se méfient des intellectuels qui s’affichent avec les autorités. Sa conférence serait passée inaperçue et peut-être même que des étudiants l’auraient chahuté.

– C’est à moi que vous dites cela. Mais passons sur ma position, qu’est-ce que la ruse aurait réglé quant au fond du problème ?

– Il ne faut pas me demander d’être autre chose qu’un enfant du Mouvement National.

– Et que doit en penser l’enfant de la Soummam ? »

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