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Ce que révèle la hausse du prix du poulet sur les poulaillers algériens

Ce que révèle la hausse du prix du poulet sur les poulaillers algériens

L’Algérie prend de nouvelles mesures pour faire face à la hausse du prix du poulet qui a atteint le record de 620 dinars le kilo dans certaines boucheries à Alger.

En plus de la décision d’autoriser l’importation du poulet, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a rappelé samedi aux coopératives avicoles la possibilité qu’il leur est offerte de s’approvisionner en maïs et en tourteaux de soja chez l’Office national des aliments de bétail (Onab) afin de satisfaire les besoins des éleveurs.

Dans un contexte de hausse des prix du poulet, cette décision vise à soutenir l’élevage avicole en réduisant le poids des charges fiscales des coopératives agricoles bénéficiant du dispositif de soutien à travers l’exonération de la TVA.

Ces dispositions concernent les « opérations de vente de l’orge et du maïs ainsi que des matières et des produits destinés à l’alimentation de bétail et de volailles, qui autorise l’ensemble des opérateurs « publics et privés » à vendre le maïs comme intrant avicole au profit des coopératives agricoles bénéficiant du dispositif de soutien (exonération de la TVA) », indique le communiqué.

Ces nouvelles possibilités d’approvisionnement des éleveurs par l’intermédiaire de l’Onab à des prix administrés est une garantie contre d’éventuelles hausses de prix spéculatives. Reste cependant une donnée : la tendance haussière du prix des matières premières sur le marché mondial.

Pourquoi le poulet coûte cher en Algérie

Il existe de nombreuses études universitaires concernant l’élevage de volaille en Algérie et en particulier sur l’utilisation de l’aliment. Certaines d’entre-elles évoquent le terme de « gaspillage ». Elles s’appuient pour cela sur l’indice de consommation qui correspond à la quantité d’aliment ingéré par une volaille pour prendre un kilogramme de poids vif et qui rend donc compte du savoir-faire de l’éleveur.

Dès 2015, une étude menée dans la wilaya de Tizi-Ouzou et portant sur 83 élevages a montré un indice de consommation moyen de 2,25. Des valeurs bien supérieures à celles signalées à l’étranger : 1,75 en France et au Royaume-Uni et même seulement 1,68 en Allemagne.

Les études locales font également apparaître des différences entre les éleveurs. C’est le cas de l’indice de consommation qui est en moyenne de 2,34 chez les uns contre 2,15 chez les autres. Des différences qui se traduisent par des quantités d’aliment différentes et qui se retrouvent sur la marge brute, celle-ci variant de 23 à 61 DA par kilo de poids vif.

Il existe donc des niveaux de performances nettement différents entre éleveurs, certains font beaucoup mieux que d’autres. Des chiffres sur lesquels pourraient se baser la création d’équipes de techniciens d’élevage afin d’affiner le conseil aux éleveurs et notamment l’utilisation de l’aliment.

Le fait que dans les enquêtes, seuls 37 % des élevages en question soient dotés d’une aération mécanique permettant l’extraction des odeurs d’ammoniac susceptibles de provoquer des maladies respiratoires constitue un début d’explication.

Encore faut-il que les élevages soient raccordés au réseau électrique. Un programme d’envergure d’électrification des exploitations agricoles est en cours en Algérie. Pas moins de 9.500 exploitations sur une longueur de 6.100 km ont été raccordées ces derniers temps.

Algérie : des élevages de volailles fermés un tiers de l’année

D’autres indicateurs de performance rendent compte des pratiques d’élevage en Algérie et militent en faveur d’une numérisation de ces données afin d’améliorer les pratiques d’élevage.

Selon les mêmes sources, sur des bandes de 2.000 à 3.000 poulets, le taux de la mortalité varie de 10,7 à 17,8 % selon les éleveurs contre seulement 4,5 % à l’étranger.

Le nombre de bandes de poulets élevés par an est de 4 contre 6 à l’étranger. Ce qui correspond à l’utilisation des poulaillers durant une moyenne de 284 jours dans l’année. Autrement dit, ces élevages sont fermés durant un tiers de l’année.

La cause est liée aux fortes chaleurs estivales. Les éleveurs préfèrent attendre l’automne pour garnir à nouveau leurs bâtiments de poussins.

La plupart des bâtiments de disposent pas d’isolation thermique efficace. Certains d’entre-eux ne sont que de simples serres-tunnels reconverties en poulaillers.

L’amélioration du confort thermique des bâtiments suppose l’attribution de crédits d’équipement aux éleveurs. Or, de nombreux éleveurs informels ont recours aux seuls crédits de campagne. Et encore, s’agit-il de crédits particuliers du type « crédit fournisseur » comme décrits en 2016 par l’agro-économiste Ali Daoudi de l’Ecole nationale supérieure agronomique (Ensa) d’El Harrach à propos du financement informel du secteur maraîcher à Biskra.

Il apparaît que les agriculteurs remboursent les intrants consentis par les grainetiers qu’après récolte. Dans le cas de l’aviculture, de nombreux éleveurs achètent à crédit l’aliment de volaille auprès de fabricants privés qu’ils ne remboursent qu’après par la vente des poulets.

A l’époque de l’étude portant sur les maraîchers de la région de Biskra, c’est la densité du réseau bancaire qui était en cause. Ali Daoudi indiquait : « La faiblesse du crédit bancaire dans une filière si dynamique montre le décalage structurel du système de crédit bancaire par rapport à la dynamique agricole réelle ».

Dans le cas de la grande masse des petits éleveurs informels, on peut se demander quelle solvabilité peuvent-ils offrir au système bancaire. Selon une étude portant sur la filière avicole en Algérie, Kaci Ahcène de l’Ensa indique en effet que celle-ci est constituée « d’une multitude d’opérateurs privés. Ces deniers exercent en grande majorité leurs activités dans l’informel ».

Quant à la solution du stockage de poulets en chambres froides en cas de surproduction, cela semble difficile. Récemment, le président de la Fédération nationale des aviculteurs, Ali Benchaiba, déclarait à TSA : « Il n’y a pas où stocker le poulet. Les propriétaires de chambres froides doivent déclarer les marchandises qu’ils stockent et comme la majorité des producteurs de poulet ne sont pas répertoriés, le produit ne peut pas être stocké, car les propriétaires de chambres froides craignent d’être pris sous le coup de la loi contre la spéculation ».

Dans la mesure où le poste aliment de volailles représente plus de 70 % des charges des élevages en Algérie, l’approvisionnement auprès de l’Onab, avec exonération de TVA, peut apporter une bouffée d’oxygène aux éleveurs.

Il ne pourra cependant totalement réduire les effets de la forte augmentation des prix du maïs et du soja sur le marché mondial et ses répercussions en Algérie. La réponse pourrait passer par une numérisation des données des élevages afin de mieux cerner leurs déficiences, dont le gaspillage de l’aliment, et définir les actions permettant d’améliorer la rentabilité économique des petits élevages.

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