Économie

Ces trois produits français ont perdu leurs positions en Algérie

La crise politique entre Alger et Paris ainsi que la stratégie du gouvernement algérien de diversifier ses fournisseurs et de développer la production locale ont accéléré la perte de parts de marché de la France en Algérie.

Certaines filières de l’économie française sont passées d’une position de quasi-monopole à des parts insignifiantes, voire nulles. C’est le cas notamment du blé, de l’automobile et du bœuf.

Le recul de l’influence économique française a été entamé il y a plus d’une dizaine d’années. En 2013, la Chine a détrôné la France au rang de premier fournisseur de l’Algérie. Les crises politiques de ces dernières années ont accéléré la tendance, bien que la France demeure le deuxième fournisseur de l’Algérie.

En 2024, après trois années successives de croissance, les échanges commerciaux entre les deux pays ont reculé de 4,3 %, à 11,1 milliards d’euros.

Au premier trimestre 2025, la baisse s’est encore accentuée, touchant particulièrement les exportations françaises vers l’Algérie, qui ont chuté de 21 % par rapport à la même période de 2024. Selon les chiffres officiels des douanes françaises, les produits de la culture et de l’élevage ont baissé de 99 %, les glaces et les laits de 98 % et les produits alimentaires divers de 60 %.

Algérie : blé français, du quasi-monopole à presque rien

La filière française du blé est très affectée par l’évolution de la relation commerciale avec l’Algérie, l’un des plus gros importateurs au monde de ce produit.

Longtemps premier fournisseur de l’Algérie, la France a peu à peu perdu ses parts depuis 2020, lorsque l’Office algérien des céréales (OAIC) a décidé, dans un contexte de grave crise économique après la chute des prix du pétrole, d’assouplir les conditions de ses appels d’offres internationaux pour diversifier les fournisseurs, ce qui a ouvert la porte aux blés de la mer Noire. L’OAIC a décidé d’être moins exigeant concernant la limite de taux de grains punaisés pour le blé à haute teneur en protéines.

« Le cahier des charges algérien pour l’importation des céréales était taillé sur mesure pour le blé français. Avec le changement des conditions des appels d’offres, l’Algérie a diversifié ses fournisseurs et la France est la plus grande perdante de ce changement », explique un connaisseur du dossier. En plus des conditions techniques qui ont rendu le blé français moins compétitif que celui de la mer Noire, les tensions politiques récurrentes entre les deux pays ont aggravé la situation.

De 5 à 6 millions de tonnes en 2019, les ventes françaises sont passées à 2 millions de tonnes en 2020. Par le passé, la France livrait jusqu’à 9 millions de tonnes à l’Algérie.

Avec l’aggravation de la crise politique entre les deux capitales, l’Algérie a quasiment cessé de s’approvisionner auprès des céréaliers français.  “Aujourd’hui, c’est zéro (…) Nous n’avons aucun retour sur nos dossiers”, s’est plaint tout récemment Alain Caekaert, directeur général de Cérévia, un conglomérat de grandes coopératives céréalières de la région Bourgogne-Franche-Comté et Rhône-Alpes.

En plus de sa décision stratégique de diversifier ses fournisseurs pour ne pas dépendre de la France, l’Algérie a lancé de vastes projets pour assurer son autosuffisance en blé dur, en maïs et en orge. Le président Abdelmadjid Tebboune a fixé le cap pour atteindre cet objectif pour 2025.

Un vaste projet de production de blé dur a été lancé avec le groupe italien Bonifiche Ferraresi (BF) à Timimoun, dans le Sahara algérien. Un projet de 400 millions d’euros pour produire du blé dur et des légumineuses.

Avec la diversification des fournisseurs et le développement de la production locale, le retour du blé français en Algérie semble définitivement compromis.

Automobile, aucune marque française n’est présente en Algérie

La France avait aussi un quasi-monopole sur le marché algérien de l’automobile. En 2012, année de tous les records pour les importations algériennes de véhicules (543 000), Renault et Peugeot avaient pu vendre à eux seuls sur le marché algérien 180 000 voitures (115 000 pour le premier et 65 000 pour le second). Sans compter les autres marques françaises comme Citroën et DS ainsi que les importations des particuliers qui proviennent essentiellement de France.

En 2024, seuls 10 000 véhicules ont été importés de France, exclusivement par des particuliers. Aucun concessionnaire ne commercialise les marques françaises en Algérie et l’usine Renault d’Oran est toujours à l’arrêt. Certes, le groupe Stellantis comprend trois marques françaises (Peugeot, Citroën et DS), mais c’est la marque italienne Fiat qui a été autorisée à importer et à assembler des voitures en Algérie.

Bovins, la chute vertigineuse

La filière bovine française a aussi perdu sa position en Algérie. Sur 700 000 à 800 000 têtes exportées chaque année, entre 40 000 et 70 000 l’étaient vers l’Algérie. Suite à une pathologie virale apparue en France en septembre 2023, les ventes de bovins à l’Algérie se sont arrêtées net et n’ont jamais repris, a fait savoir cette semaine, au journal français Le Progrès, François Chaintron, directeur délégué pour la zone Bourgogne de l’élevage bovin.

Au chapitre des filières françaises qui ont perdu pied en Algérie, on peut ajouter celle du lait.

En 2022, l’Algérie avait acheté à la France pour 190 millions d’euros de poudre de lait, puis pour 266 millions d’euros en 2023. Ces achats ont brutalement chuté (du quart) en 2024.

Là aussi, l’Algérie diversifie ses fournisseurs. Cette semaine, l’Ouganda a annoncé l’expédition vers l’Algérie d’une première livraison de lait en poudre entier (2000 tonnes).

Les véritables raisons du déclin de la présence économique française

Le président ougandais a annoncé que l’Algérie est prête à acheter à son pays pour 500 millions de dollars de poudre de lait. Avec ce nouveau fournisseur africain et la perspective de l’entrée en production du projet agro-industriel algéro-qatari Baladna pour la production de poudre de lait dans le sud algérien, la situation semble irréversible pour la filière française.

Contrairement à ce que disent certains médias français, le recul de la présence économique française en Algérie n’est pas dû uniquement aux tensions politiques entre les deux pays.

La décision de l’Algérie de réduire ses importations pour développer la production locale et attirer les investisseurs étrangers reste la principale cause de ce recul. D’autant que des pays comme l’Italie, le Qatar et la Chine sont en train de saisir les opportunités offertes par le marché algérien pour renforcer leurs positions.

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