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« C’est Sénac lui-même qui a écrit le narratif de sa mort »

Hamid Grine, auteur de « Sénac et son diable » revient sur cet assassinat et dévoile que les biographes ont fait fausse route.

« C’est Sénac lui-même qui a écrit le narratif de sa mort »
Source : Facebook Hamid Grine
Thinhinane Lardjane
Durée de lecture 3 minutes de lecture
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Temps de lecture 3 minutes de lecture

Hamid Grine vient de publier un nouveau livre intitulé « Sénac et son diable » (Éditions Les Rives/ Gaussen (France)). Il revient en détail sur l’assassinat du poète Jean Sénac le 30 août 1973.

Si les biographes étrangers de Jean Sénac privilégient la piste politique, plus précisément islamiste, sur son assassinat, Hamid Grine, après plusieurs années d’enquête, conclut dans « Sénac et son diable », à un crime de mœurs.

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C’est Sénac lui-même qui a orienté ses biographes en prédisant qu’il allait mourir en Garcia Lorca tué par les franquistes, et qu’on dirait que c’est une affaire de mœurs. En fait, il a écrit le propre narratif de sa mort avant même qu’il ne meurt ! Entretien.

Les biographes de Sénac écrivent que le président Boumediène était descendu au commissariat Central pour s’enquérir de l’enquête sur l’assassinat de ce poète. Dans votre livre, vous écrivez le contraire, qu’en est-il vraiment ?

Cette version du président Boumediène descendant au commissariat est vraiment farfelue, comme me l’avait précisé une source en riant et en ajoutant : « On connaît mal le président : il ne descend jamais, c’est le commissariat qui monte vers lui. »

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En effet, chaque semaine, le président recevait El Hadi Khediri qui était l’adjoint de Draïa à la Direction générale de la sûreté nationale.

« S’il voulait s’informer sur la suite de l’enquête, Khediri était tout indiqué pour lui répondre, comme me l’avait précisé le général-Major Sadek, qui était à l’époque l’adjoint du chef de la Sécurité du Président Boumediène ».

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Est-ce que l’enquête sur l’assassinat du poète a été expéditive, comme le soulignent les biographes étrangers de Sénac ?

Bien au contraire. Elle a été très rigoureuse. Plus d’une centaine de personnes ont été interrogées, y compris celles, de simples connaissances, qu’avait connues le poète dans d’autres régions du pays.

Nathalie Garrigues, la plus proche amie de Sénac, avait témoigné de l’engagement à fond de la sûreté nationale pour retrouver l’auteur du crime.

Elle souligne que chaque jour, on venait l’interroger pour savoir si elle n’avait pas oublié par hasard un nom, une piste… Elle avait confié à un proche de Sénac qui a écrit : « À ces policiers qu’elle voyait aussi soucieux d’élucider le crime que s’il s’agissait d’une affaire personnelle, elle disait tout ce qu’elle savait. »

Est-ce que l’assassin présumé de Sénac a eu droit à un procès ?

Parfaitement, il est passé par le tribunal, il avait une avocate connue, ancienne moudjahida. Seulement, ce procès n’était pas médiatisé. Pour la Justice, c’était une histoire banale de mœurs.

Quand la mère de l’assassin présumé a interpellé le Président Boumediène, est-ce qu’il y a eu révision de son procès ?

Exactement, avec juge, chambre d’accusation, etc. Boumediène aurait pu amnistier l’assassin présumé le 1ᵉʳ novembre 1974, mais il a préféré que ce soit la justice qui tranche avec une révision du procès en bonne et due forme au terme de quoi un non-lieu a été prononcé au bénéfice de l’assassin présumé.

Au cours de l’entretien que j’ai eu avec lui, il m’a étonné par sa sagesse, sa pondération et sa distance qui lui ont permis de tourner cette page sombre d’une histoire avec un poète qu’il ne connaissait même pas !

Pourquoi les biographes de Sénac- et ils sont nombreux- ne parlent jamais de ces éléments ?

Sans doute par ignorance, mais aussi, pour certains, par volonté délibérée de faire du meurtre de Sénac une affaire politique et non banalement une histoire de mœurs.

Ce sont des biographies à charge contre l’Algérie. Prenons un simple exemple de la politisation de tout ce qui concerne Sénac. En 1971, son contrat de pigiste à la Radio algérienne où il animait « Poésie sur tous les fronts » a été rompu unilatéralement par la radio.

Comme la radio n’a pas donné les raisons de cette rupture, ses biographes ont tous crié à la censure politique alors que la raison était morale (lecture à l’antenne d’un poème contraire aux valeurs algériennes) qui aurait pu lui valoir l’expulsion ou même la prison.

L’une des voix de l’émission, Ghaouti Faraoun, homme de théâtre et poète, n’a pas manqué de remercier la radio pour leur avoir permis de bénéficier durant tant d’années d’une liberté aussi miraculeuse.

Enfin, qu’avez-vous retenu de ces 50 années de marche sur les traces de Sénac où vous avez ramassé caillou après caillou, ce qui fait l’essence de ce livre ?

Que Sénac était un grand poète, un militant sincère et passionné de la cause nationale, qu’il était fou de l’Algérie, mais un homme en dérive, en vertige comme tant de poètes…

Lien permanent : https://tsadz.co/892w6

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