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Oeufs, oignons, pastèques… : l’Algérie face à la surproduction agricole

Oeufs, oignons, pastèques… : l’Algérie face à la surproduction agricole

Par oticki / Adobe Stock
Agriculture

Œufs, ail, pastèques, oignons, agrumes, pomme de terre… L’Algérie croule sous les excédents agricoles. En l’absence de possibilités de transformation, des producteurs réclament un recours accru à l’exportation. Une surproduction qui n’empêche pas par ailleurs un déficit en céréales, oléagineux ou maïs grain.

Plus anecdotique mais pas moins douloureuse pour les producteurs la surproduction de concombres à Biskra. Une situation dénoncée à la mi-juin à travers les réseaux sociaux. Sous une serre tunnel, un agriculteur récolte des concombres et les dépose dans une brouette. Une fois sorti de la serre, le contenu de la brouette est renversé à même le sol et abandonné à proximité des serres. En cause, une production surabondante et un effondrement des prix « qui ne couvrent plus les dépenses de culture » selon les agriculteurs concernés

Cependant, parmi les cultures excédentaires, celles qualifiées de stratégiques telles les céréales, oléagineux, légumes secs ou maïs grain sont absentes. Mais la donne risque de changer et déjà cette année, le gouvernement annonce s’attendre à une « production abondante » de blé dur qui suffirait même en 2026.

 

L’attrait des cultures de rente

 

Les cultures en surproduction concernent essentiellement celles désignées par les économistes sous le nom de « culture de rente », des cultures à forte marge financière.

C’est en particulier le cas de la pastèque mais également du maïs ensilage conditionné en balle ronde par rapport au maïs grain vendu à prix administré à l’Office national des aliments du bétail.

D’autres attraits peuvent venir s’ajouter à la marge bénéficiaire. Dans le cas de l’aviculture, pour les petits éleveurs, le démarrage nécessite peu de moyens. Des élevages ont commencé dans des garages et nombreux sont les éleveurs aujourd’hui installés dans des serres réaménagées pour l’occasion. Enfin, la disponibilité en aliment de volaille est capitale. Cet aliment étant importé, les aléas climatiques sont réduits au minimum pour l’éleveur.

La surproduction s’explique également par le succès de la loi sur l’Accession à la propriétaire foncière agricole (APFA) qui a permis l’accès gratuit à la terre et à l’eau et a suscité de nombreuses vocations parmi les investisseurs et agriculteurs.  C’est le cas également du Plan national de développement agricole (PNDA) et les subventions sur les engrais passées de 20 à 50% ces dernières années, autant de mesures qui ont bénéficié aux producteurs.

À El Oued, la surproduction d’oignons est devenue la norme. Déjà il y a 4 ans, des producteurs témoignaient dans la presse ne plus savoir que faire de leurs oignons. Des oignons dont le prix de vente de 5 DA le kilo ne couvrait pas les coûts de culture et de récolte. Un agriculteur demandait sur la chaîne El Badi TV que « les autorités trouvent des solutions à travers des structures de stockage ou d’ouverture des frontières vers la Libye ou Tunisie ».

Aux différentes mesures gouvernementales d’aides aux agriculteurs dont celles relatives à l’irrigation est venue s’ajouter l’activité de l’agro-fourniture et des pépiniéristes. L’entreprise ACI de Blida a ainsi contribué au renouveau des vergers d’agrumes en Mitidja. De son côté l’entreprise Vitroplant met sur le marché de nouvelles variétés d’arbres fruitiers dont des pêchers annonçant des   surproductions futures. Ce dynamisme concerne également les plantations de pistachiers.

Face à cette situation les services agricoles réagissent par le stockage, l’exportation et la transformation.

 

Stockage et exportations des excédents agricoles

 

Ces dernières années, le développement des chambres froides en Algérie a permis le stockage de pomme de terre, d’oignon et d’ail. L’exportation des produits agricoles bénéficie d’aides à hauteur de 50% des frais engagés.

Selon le quotidien El Watan, la wilaya de Mascara indiquait en janvier 2024, que plus de 4 500 quintaux d’oignon ont été expédiés vers la Mauritanie, la Libye, la Tunisie et le Portugal. De son côté la Direction des Services Agricoles (DSA) de Mascara annonçait « le début de l’exportation de 110 000 quintaux d’ail vers le Royaume-Uni ».

La transformation des produits agricoles progresse, notamment dans le cas de la tomate de conserve. En septembre 2024, Mostefa Mazouzi, le président de la filière tomate annonçait la production de « 156 000 à 160 000 tonnes de triple concentré de tomate à 36% ».

Le surplus de production de tomates est estimé à près de 60 000 tonnes, mais « on ne peut pas l’exporter, car c’est un produit subventionné », expliquait Mostefa Mazouzi.

Ce professionnel regrettait que malgré 30 usines de transformation, le nombre « n’est pas suffisant et [qu’elles]ne sont surtout pas bien réparties. La majorité de ces unités, soit 75%, sont implantées à l’est du pays. »

À Sidi Khettab (Relizane) depuis 2024 l’entreprise La Belle a entrepris l’extension de ses installations : trois nouvelles lignes de transformation de tomates, une usine dédiée à la production d’harissa, de confitures et de tomate redilulée, un système de conditionnement, des chambres froides et une unité logistique de distribution. Une extension qui fait l’objet de toute l’attention de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement.

 

Organisation des filière et conditionnalité

 

La surproduction coûte cher. En novembre 2024, le professeur Ali Daoudi de l’ENSA d’El Harrach faisait remarquer sur la Radio algérienne que la solution passe par la régulation du marché. Un marché caractérisé par 1,2 million de producteurs et un nombre important de commerçants. Une situation qui, pour ce spécialiste, ne permet pas de créer de coordination entre offre et demande.

En effet, ce sont ces intermédiaires entre offre et demande qui joue le rôle de régulateurs selon des règles de négociation définies par l’Etat. Aussi pour Ali Daoudi il s’agit de « documenter les prix sur les marchés de gros et de les rendre accessibles à tous les acteurs. Ces données sont importantes pour se projeter. »

La surproduction agricole pourrait donc bénéficier de la nécessaire numérisation des données prônée à de nombreuses reprises par le président de la République Abdelmadjid Tebboune.

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