Politique

Changement démocratique : le refus obstiné du pouvoir

« Il s’est juste rasé les cheveux, sinon rien de nouveau ». C’est ainsi qu’un internaute a résumé, de façon sarcastique, le discours surprise d’Abdelkader Bensalah jeudi soir, à la veille de la nouvelle marche de ce vendredi.

Si l’on excepte le choix laissé à une éventuelle « conférence de dialogue » et un « hypothétique consensus » autour d’une date pour organiser la présidentielle, Abdelkader Bensalah, visiblement affaibli par la maladie, a de nouveau défendu la feuille de route du régime sans laisser entrevoir une réelle volonté politique d’aller vers une véritable transition telle que réclamée par nombre de personnalités, par l’opposition et par l’écrasante majorité des Algériens.

Dans son discours, qui aurait dû être prononcé à la veille de l’Aïd et non pas au lendemain de la célébration de la fête, Abdelkader Bensalah a réitéré ce que tout le monde pressentait déjà : un appel au dialogue « inclusif ». Comprendre : les partis à l’origine du désastre dont le FLN, le RND, le MPA, TAJ et autres UGTA doivent y être associés et les revendications autour du départ de certains figures et l’organisation d’une transition doivent être bannis.

« Cet appel est adressé également à toutes les bonnes volontés, celles dont le leitmotiv est l’amour de la patrie et l’abnégation à son service, celles qui ont foi en l’élan collectif et en la maturité de notre peuple et bannissent toutes formes d’exclusion et d’aventurisme, particulièrement lorsqu’il est question de l’avenir de l’Algérie », a-t-il dit. Là encore, Abdelkader Bensalah invente un nouveau concept : les Algériens animés de bonne volonté et tous les autres, autrement dit tous ceux qui ne sont pas avec le régime.

Comme depuis le début du mouvement, le régime refuse de céder sur l’essentiel. La manœuvre, le déni de la réalité et la fuite en avant font désormais office de stratégie, faute d’un réel engagement en faveur du changement.

Une transition gérée par le régime

Alors que le peuple algérien descend dans la rue depuis maintenant plus de trois mois, Abdelkader Bensalah n’a fait aucune référence à ce mouvement se contentant de suggérer qu’il a exprimé le besoin de « réformes et de nouveaux horizons », une formule générique pour éviter de pointer le curseur sur la demande du départ du système et un changement radical.

Abdelkader Bensalah ignore également la référence à la Constitution pour justifier son maintien à la tête de l’État alors que le peuple réclame son renvoi. Il s’appuie ainsi sur le verdict du Conseil constitutionnel malgré le tollé qu’il a soulevé auprès des juristes et des hommes politiques.

Histoire de ne pas se désavouer et comme pour maintenir une certaine cohérence dans le discours des tenants du pouvoir, Abdelkader Bensalah refuse d’user du vocable de la transition. « Cette nouvelle étape est incontestablement une opportunité précieuse pour restaurer la confiance et mobiliser les forces patriotiques nationales en vue de construire le consensus le plus large possible autour de l’ensemble des questions en rapport avec les aspects législatif, réglementaire et organisationnel de cette élection, et sur les mécanismes de son contrôle et sa supervision. Ainsi, j’invite la classe politique, la société civile et les personnalités patriotiques nationales, jalouses du devenir de l’Algérie, à opter pour le dialogue inclusif en tant que voie menant à la participation au processus de concertation que l’État s’emploiera à organiser dans les meilleurs délais, à débattre de toutes les préoccupations portant sur la prochaine échéance présidentielle, et partant, tracer une feuille de route devant aider à l’organisation du scrutin dans un climat d’entente et de sérénité », a-t-il dit.

C’est au pouvoir donc qu’échoira le rôle d’organiser la « concertation ». Aussi l’appel ne spécifie pas les « représentants » du mouvement, ce qui peut dissimuler une volonté de susciter des divisions et de « dialoguer » avec des entités politiques qui ne sont pas représentatives, voir rejetées par la rue.

Le FLN en appui

D’ailleurs, il est curieux que le discours de Bensalah recoupe dans de larges extraits celui tenu la veille par Mohamed Djemai, nouveau patron du FLN. « Le FLN croit qu’un dialogue sérieux, honnête, calme et sincère devait être mené afin de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections présidentielles le plus rapidement possible », a indiqué Djemai dans un discours à l’occasion de la fête de L’Aïd.

Abdelkader Bensalah, qui insiste sur sa « conviction » que seul un président élu peut engager les réformes à venir, appelle les citoyens à « faire prévaloir la sagesse et l’intérêt du peuple, tant dans leurs débats que dans leurs revendications » et à « bannir toutes formes d’exclusion et d’aventurisme ». Une manière de suggérer également que le slogan « yetnahaw gâa » est inacceptable.

 

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