
Plusieurs faits successifs touchant les musulmans de France ont fait réagir le recteur de la Grande mosquée de Paris (GMP) qui, dans son billet périodique dans la revue de l’institution, « Iqraa », a dénoncé le paradoxe qui frappe cette frange de la société française.
Même après six générations et leur participation à tous les aspects de la vie nationale, les musulmans sont toujours perçus comme des étrangers, objet de toutes les suspicions.
A lire aussi : OQTF confirmée pour une famille algérienne installée en France depuis 2018
« Nous ne lâcherons pas »
« La République ne peut plus détourner le regard. Nous ne lâcherons pas », promet Hafiz. Comme exemples très récents de l’islamophobie ambiante, le recteur fait référence au journaliste Jean-Marc Sylvestre qui a évoqué « la langue musulmane » au lieu de la langue arabe et Valérie Lecasble qui a désigné sur un plateau télé les musulmans de France comme « une menace démographique ».
Du reste, le racisme anti-musulman est confirmé par un sondage commandé par la GMP qui a fait état de résultats « alarmants » : 66 % des Français musulmans, même non pratiquants, ont affirmé avoir été victimes de comportements racistes ces 5 dernières années.
A lire aussi : Consulats d’Algérie : avis important aux jeunes de la diaspora
« Le Français musulman est toujours un autre : un Arabe, un corps étranger, une démographie menaçante » et, sur les plateaux, « on compte ses naissances, on soupèse sa loyauté, on le dépeint dans les registres du soupçon : trop nombreux, trop jeunes, trop communautaires », déplore Chems-Eddine Hafiz qui s’interroge si ce n’est pas là « la version contemporaine des vieilles peurs millénaristes ».
Français musulmans : Chems-Eddine Hafiz pointe une « ironie cruelle »
Le recteur voit dans la situation une « Ironie cruelle » puisque les Français d’origine musulmane sont, par exemple, incapables, dans leur immense majorité, de lire l’arabe classique. En six générations, la « République a eu le temps d’envoyer ces enfants à l’école, de les enrôler dans ses guerres, de les faire voter, payer l’impôt, aimer les mêmes chansons et supporter les mêmes équipes », rappelle-t-il.
A lire aussi : Crise France-Algérie et titres de séjour : « pourquoi prend-on les gens en otage ? »
Cette stigmatisation des musulmans, considérés comme des « étrangers de l’intérieur », si elle avait ciblé n’importe quelle autre catégorie (genres, seniors, catholiques, juifs…), elle aurait déclenché « des plans d’urgence, des campagnes nationales, des débats parlementaires ». Hélas, regrette Chems-Eddine Hafiz, « parce qu’il s’agit des musulmans, les pouvoirs publics détournent le regard ».
Le recteur de la plus importante institution musulmane de France dénonce ce qu’il appelle la « paresse intellectuelle » des médias et de certains commentateurs, « incapables de penser l’intégration autrement qu’en termes de menace » et qui, en prétendant décrire la réalité, « fabriquent en réalité la fracture qu’ils prétendent conjurer » et « comptent les enfants musulmans comme on compte des bataillons ».
Or, « tant que l’on continuera à compter les ‘autres’ comme des intrus, la République se privera d’elle-même », met en garde Chems-Eddine Hafiz, pour qui il n’y a pas de « fable plus absurde » que de considérer les musulmans comme des étrangers de l’intérieur.