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Chronique livresque – Belaid Abdesselam, un tonton flingueur à la mine rassurante

Chronique livresque – Belaid Abdesselam, un tonton flingueur à la mine rassurante

PPAgency

Première partie

Le titre* long et fastidieux ne rend pas compte de la richesse, disons picaresque pour rester soft, du contenu. À la place de l’éditeur, on aurait pu choisir, sans réfléchir : « Un pistoléro nommé Belaid », sinon « Tirs au bazooka de Belaid » ou encore « Un tireur nommé Belaid » et enfin si on veut frapper les esprits et être plus fidèle au livre on mettra : « Massacre à la tronçonneuse ».

Cependant, celui qu’on retiendra, pour rendre hommage au cinéphile averti qu’est l’ex-premier ministre ne peut être que : « Le tonton flingueur ».

« Khelifa Laroussi, Belkacem Nabi : deux tristes individus… »

C’est qu’il n’y va pas de main morte le nouveau nonagénaire et néanmoins redoutable bretteur au visage si rond qu’on pourrait penser qu’il cache de la mollesse. Il exécute d’une plume qui ne fait pas dans la finesse tous ceux qui sont venus en travers de son long chemin. Peu trouvent grâce à ses yeux qui ne cillent pas.

Boumediène fait partie de ce « peu ». Avant de faire partie de son gouvernement, ils étaient adversaires. Proche de Benkhedda, Belaid avait demandé dès 1961 à celui-ci, alors président du GPRA, d’éliminer Boumediene et l’état-major. « C’est-à-dire qu’en m’appelant à faire partie de son gouvernement, au lendemain du 19 juin 1965, Boumediène n’avait rien ignoré de mes idées, ni de mes positions ». Bien joué de la part de Boumediène qui prouve à ses adversaires que le pouvoir n’est pas concentré entre les mains du groupe d’Oujda comme il lui a été reproché.

Nomination alibi donc qui se transformera en amitié. Belaid apprendra à connaitre Boumediène dans les épreuves et ne l’en admirera que plus. Sur la tentative de coup d’état du colonel Zbiri en 1967, il versera quelques éléments pour l’histoire en faisant du militaire factieux, dont il reconnait la bravoure et le courage, un jouet entre les mains de quelques « amis », Belkacem Nabi et Khelifa Laroussi (père de Rafik Khelifa, NDLR) qu’il accable.

« Ce dernier (Belkacem Nabi) résidant alors au Maroc, où il avait travaillé pour le compte d’une multinationale, avait poussé son désengagement vis-à-vis du FLN et même à l’égard de l’appartenance à la communauté algérienne tout court jusqu’au point de refuser de payer une simple cotisation à notre Mouvement de libération nationale ». Etc, etc.

Quant à Laroussi Khelifa, il en prendra aussi pour son grade : « Il s’était rendu célèbre par l’incohérence de sa gestion comme ministre de l’Industrie et de l’Énergie de Ben Bella qui avait fini par se débarrasser de lui en raison de ses extravagances ». Plus haut, les deux sont traités de « tristes individus (…) deux transfuges de l’administration française qui n’avaient jamais ressenti dans leur vie, le sentiment d’appartenir  à la nation algérienne. » Du lourd. Ce témoignage vaut ce qu’il vaut. Vrai, faux, on ne sait. Disons que c’est une version d’une histoire dans l’histoire qui reste à écrire.

« L’attitude de Chadli Bendjedid confine à l’odieux »

Chadli Bendjedid n’est pas non plus épargné à cause de la question de la dette extérieure qu’il impute à Boumediène « (…) Un chef d’État qui a assumé le pouvoir à la tête d’un pays comme l’Algérie peut-il proférer des contrevérités aussi flagrantes sans avoir délibérément choisi de mentir publiquement, de manquer, aux yeux de tous, aux règles les plus élémentaires de la moralité ? Ou bien est-il pourvu d’un esprit si débile qu’il n’a pas la capacité de discerner, parmi les données que lui servent ses collaborateurs à la fois zélés et serviles, tout simplement ce qui est vrai de ce qui est faux ?

On ne peut s’empêcher de se poser de telles questions quand on prend connaissance des propos par lesquels Chadli avait attribué à la dette contractée sous le règne de Boumediène l’étranglement financier que subissait l’Algérie dans ses relations économiques avec l’extérieur, au moment où il avait quitté la présidence de la République.

L’attitude de Chadli Bendjedid confine à l’odieux lorsqu’il, dans une interview accordée au quotidien saoudien « Sharq el Awsat » et publiée le 2 octobre 1989, avait déclaré sans aucune retenue ni fausse honte que l’Algérie avait été vendue aux banques étrangères au cours des années 1970 par le biais de la dette contractée auprès de ces banques ».

Arrêtons ici le tir dès lors que Chadli est une cible désarmée. Après une étude financière et économique comparative des gestions Boumediène/Chadli, il conclut, chiffres de la Banque mondiale et d’autres institutions à l’appui, que le premier a légué au second, outre des indicateurs économiques au vert, 2 milliards de dollars en stock d’or qui « constituait un résultat net de la gestion de Boumediène puisque ce dernier ne l’avait hérité ni en totalité ni en partie de son prédécesseur ».

Et qu’a fait Chadli de ce pactole boosté par l’envolée du prix du pétrole ? Dilapidé, selon l’auteur, par une politique ruineuse dont l’opération PAP (Plan anti-pénuries) qui a fait le bonheur du peuple momentanément et la banqueroute de l’État à moyen terme : « En comblant  ces désirs, le président Chadli Bendjedid et ses acolytes, comme Ahmed Taleb Ibrahimi, avaient condamné ces mêmes classes à leur anéantissement sous les exigences du FMI dans les années 90 ».


*Belaid Abdessleam « Chroniques et réflexions inédites sur des thèmes sur un passé pas très lointain », édition Dar Khettab, 2017. Prix non communiqué.

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