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Comment l’Algérie tente de faire face au problème du manque d’eau

Comment l’Algérie tente de faire face au problème du manque d’eau

Face au problème endémique de la sécheresse, l’Algérie tente de trouver des solutions pour économiser l’eau et lutter contre le gaspillage de cette ressource vitale.

A Alger, « le mètre cube d’eau est vendu à six dinars aux stations de lavage automobile. Le propriétaire utilise 200 litres pour laver 6 voitures et gagner 6 000 DA. Même si nous lui augmentons le prix, il assurera toujours son gain. »

Face au risque de pénurie d’eau en Algérie, Ahmed Kettab, expert international, préconise l’adoption d’une tarification adaptée aux utilisateurs.

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L’arrivée tardive des pluies remet sur le devant de la scène la question de l’utilisation de l’eau en Algérie. Le risque de déficit hydrique est tel  qu’un récent conseil des ministres a évoqué la question.

Dessalement de l’eau de mer

Sur le littoral, l’approvisionnement des grandes métropoles est assuré par 11 stations de dessalement d’eau de mer. Des installations sont énergivores. En 2021, ce sont deux tiers du budget de fonctionnement du secteur de l’Energie et des Mines, près de 86 milliards de DA,  qui ont été réservées au dessalement d’eau de mer selon l’agence APS.

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En mais denier, lors d’une journée scientifique consacrée au fonctionnement de ces stations, le quotidien El Watan rapportait les propos du directeur de la station de Fouka (Tipaza) : « Chaque station consomme 9 072 membranes par an et le coût d’une seule membrane s’élève à 500 dollars. »

La tarification de l’eau potable

Le coût de l’eau produite par dessalement d’eau de mer est estimé à 180 DA/m3. En 2021, lors de son passage sur les ondes de la Radio Algérienne, le professeur Ahmed Kettab alerte sur la nécessaire « révision de la grille tarifaire dans le respect des standards internationaux et les salaires algériens, tenant compte du SMIG et des bas revenus ».

Depuis 2005, note-t-il, la première tranche, celle inférieure à 25 m3/trimestre, n’est facturée qu’à 8,63 DA le m3. Il suggère la gratuité pour les premiers 9 m3 et un tarif qualifié de « social » de 9 à 30 m3, un tarif « normal » de 30 à 50 m3 comprenant un minimum de subventions publiques puis un tarif « confort » au-delà de 50 m3 avec un prix réel de l’eau.

Selon ce spécialiste, le but est de « garantir équité et justice, de mettre à contribution les grands consommateurs d’eau et surtout d’éviter les gaspillages de cette ressource rare. »

Sur la facture des usagers, il préconise d’indiquer en caractères de couleur rouge le prix réel du mètre cube et en vert le prix réellement payé. Il explique qu’une telle tarification permettrait d’économiser plus d’eau et d’assurer l’équilibre budgétaire des entreprises de distribution d’eau.

Agriculture : utilisation de 70 % de l’eau

Concernant le secteur agricole, Ahmed Khettab ajoute qu’il devrait payer le prix réel de l’eau d’autant plus que ce secteur représente le plus gros consommateur d’eau avec plus de 70% de la ressource.

A El Oued, un programme algéro-européen d’optimisation de l’utilisation de l’eau est en cours. Fin décembre, un essai mené sur la culture de la pomme de terre a montré l’avantage du goutte à goutte par rapport au pivot. Jusqu’à 4 fois plus de pommes de terre récoltées avec à la clé une économie d’eau.

Une vue aérienne de l’essai montre deux parcelles : une circulaire et à côté une autre rectangulaire. Sur celle-ci, des tuyaux courent au pied des plants. Un groupe d’agriculteurs et de techniciens agenouillés dans le sable s’affairent à ramasser les tubercules que vient de déterrer un tracteur.

Le sable fin d’El Oued est semblable à celui d’une plage, chacun plonge les mains dans le sable humide à la recherche des tubercules. Mis dans un sac, ils sont immédiatement pesés. Le rendement est de 550 à 600 quintaux, indique Slimane Farouk qui a suivi l’essai.

La même opération réalisée dans la parcelle voisine sous pivot ne donne que 100 à 150 quintaux à l’hectare. En 2016, Meissa Brahim, un chercheur de l’université de Ouargla, montre qu’un tel rendement record ne nécessite que 2 880 m3 contre 7776 m3 avec le pivot.

Progression de l’irrigation par goutte à goutte

A Rechaïga (Tiaret) à partir des années 1980, les forages ont progressivement remplacé les traditionnels puits. Des forages allant à 60 mètres puis 100 mètres quand l’eau a diminué, puis enfin à 130 mètres.

Le manque d’eau a incité à plus de pratiques vertueuses. Co-auteur d’une étude sur la région, le professeur Ali Daoudi note qu’en 2022 , « l’adaptation des systèmes d’irrigation économisant l’eau est une option généralisée, retenue par la majorité des agriculteurs. »

Ainsi, l’irrigation à la raie est aujourd’hui marginale avec 5 % des surfaces, l’aspersion domine avec 82 % puis vient le goutte-à-goutte avec 13 % dont 74 % dans le cas de la culture d’oignon.

L’auteur note encore que « dans les périmètres touchés par la crise hydraulique, le contrôle de la mobilisation de l’eau vient de l’interdiction de nouveaux forages par les autorités locales, interdiction dont le respect se trouve renforcé par la dénonciation des forages illicites par les agriculteurs en place. »

L’épuisement de la ressource en eau amène les irrigants à s’intéresser à des « contrats de nappes » qui visent à réunir les divers utilisateurs afin d’arriver à une gestion durable de l’eau. C’est le cas à Chlef qui a bénéficié dès 2018 d’un projet de coopération algéro-belge.

Une préoccupation nouvelle : protéger la ressource

Jusqu’à présent, les services agricoles ont largement privilégié l’extension des surfaces et l’augmentation de la production. Aujourd’hui, le manque de pluie montre la nécessité de mieux gérer la ressource.

Face au manque d’eau, de leur côté, Saoudiens et Qataris privilégient la location et l’achat de terre au Soudan et en Argentine pour approvisionner en fourrages leurs méga-fermes laitières d’Almaraï et de Baladena.

En Algérie, les récentes décisions du conseil des ministres penchent pour l’utilisation des moyens locaux en mobilisant les savoirs faire dont dispose le pays.

Les mesures de Tebboune

Dimanche, le président Tebboune a demandé au gouvernement de « créer un plan d’urgence visant à mettre en place une nouvelle politique permettant d’économiser l’eau à l’échelle nationale et de préserver la richesse hydrique souterraine.

Il a demandé la relance et la mise en service de « l’ensemble des projets de stations d’épuration des eaux usées à l’arrêt au niveau des wilayas, afin de les exploiter dans l’irrigation au lieu d’utiliser les eaux souterraines. »

Le président Tebboune a demandé aussi de mettre en place un plan la « généralisation des stations de dessalement de l’eau de mer tout le long de la bande côtière », de « contrôler rigoureusement les autorisations d’exploitation des eaux souterraines destinées à l’irrigation des superficies cultivées, et appliquer les peines les plus lourdes à l’encontre des auteurs de forages non autorisés », et « d’activer le rôle de la Police des eaux, en charge de contrôler les champs d’utilisation des eaux dans tous les domaines et de lutter contre le gaspillage partout dans le pays. »

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