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Comment vivre avec le SMIG en Algérie ?

Comment vivre avec le SMIG en Algérie ?

Manger, avoir un toit, payer ses factures, se soigner, s’habiller… Comment s’en sortir lorsqu’on est payé au SMIG en Algérie?

Le salaire national minimum garanti (SNMG), fixé à 20.000 DA par mois, pour 40 heures de travail hebdomadaire couvre-t-il les besoins d’une famille ? Comment vivre dignement lorsque le coût de la vie ne cesse d’augmenter ?

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Nous avons tenté l’expérience. Avec un budget de 20.000 dinars algériens en poche, nous avons tenté de faire les courses pour une famille de quatre personnes.

Le premier jour, nous nous sommes rendus au marché. Deux kilos de pommes de terre : 200 dinars, un kilo de poivrons : 120 DA, un kilo de tomates : 100 dinars, un kilo d’haricots verts : 300 dinars, un kilo de poires : 250 dinars, un kg de viande : 200 dinars, 10 œufs : 2.300 dinars, un kilo de lentilles : 300 dinars, un kilo de riz : 280 dinars, un paquet de poudre de lait (500 gr) : 680 dinars… Total : 4.730 dinars, soit 25 % des 20.000 dinars… en une journée.

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A ce stade, on a déjà explosé notre budget censé tenir un mois, avec l’impression de ne pas avoir grand-chose dans notre panier. Il reste encore la facture de gaz et d’électricité à régler, les transports, les soins, les vêtements pour les enfants…

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Au troisième jour de notre petite expérience, notre bourse est déjà vide. 20.000 dinars partis en fumée juste pour le budget alimentation. Les fruits et les légumes coûtent une blinde. On a fait l’impasse sur les yaourts, le fromage et même le café ! Va pour une botte d’épinards à 50 DA ! Plus un sou vaillant dans le porte-monnaie !

Vivre avec le SMIG en Algérie : mission impossible

Comment faire pour s’en sortir ? Comment ne pas tomber en malnutrition ? L’OMS recommande de manger 5 fruits et légumes par jour pour être en bonne santé. La belle affaire ! Nous observons que de plus en plus de citoyens qui fouillent les poubelles à proximité des marchés afin de récupérer qui une tomate par ci, qui une tête de laitue fanée par là…

Les plus téméraires piochent dans les poubelles pour repêcher des abats de poulet et des patates pourries. « C’est pour faire un semblant de potage.  Maraniche lah’ka (je n’arrive plus à joindre les deux bouts) », nous lance une septuagénaire aux abords du marché Ali Mellah.

Côté logement, impossible de trouver une location décente en dessous de 35.000 dinars par mois à Alger. Cela équivaut à une fois et demie le SMIG. Comment faire alors ?

Vivre entassés à plusieurs semble être la solution trouvée par Ahmed et ses frères et sœurs. « Nous sommes obligés de mettre nos salaires en commun pour payer les factures, le loyer et la nourriture », nous dit ce quadragénaire. « A la maison, tout le monde travaille. Nous sommes dix personnes, enfants compris, dans un F2. Ma belle-sœur prépare du pain traditionnel et des m’hadjeb pour un restaurant, ma sœur garde des enfants en bas âge et moi-même je fais des heures supplémentaires en bossant comme chauffeur VTC à la sortie du bureau. M’3ichâa mou’rra ! (une vie amère). »   

Avec un salaire de 34.000 DA, Kader, fonctionnaire dans une entreprise étatique, rame pour arriver à la fin du mois. « J’ai deux enfants scolarisés au primaire, et sans l’aide de mon épouse qui a improvisé une cantine pour les écoliers dont les parents travaillent, je serai dans la mouise. Les vacances, tu oublies ! Les soins aussi. Je n’arrive même pas à emmener mes enfants chez le dentiste, tellement les tarifs sont exorbitants et non remboursables ! ».

Un seul repas par jour

A la retraite depuis 14 ans, Farid touche une petite pension. « A peine encaissée, elle est déjà dépensée », confie-t-il. « Qui peut vivre avec  28.000 DA aujourd’hui ? Pour certains, cette somme représente juste de l’argent de poche à claquer dans une tenue vestimentaire ou dans un bon restaurant. Avec ma femme, nous vivons sous le seuil de pauvreté. Nous en sommes réduits à nous contenter d’un seul repas par jour. Même les plats dits du pauvre, à base de légumes secs ne sont plus à notre portée. Tout a flambé ces derniers temps, même les aliments de base comme le riz et les pâtes. Je ne parle même pas de la viande qui ne rentre plus chez moi depuis belle lurette !  »

Vu l’inflation galopante observée en ce moment, combien faudra-t-il toucher pour vivre décemment ? Malika travaille dans le domaine des médias et de la communication. Elle touche quatre fois le Smic mais cela ne l’empêche pas de se plaindre.

« Quand on a un loyer à payer et des enfants à nourrir, ce salaire est dérisoire. Je suis divorcée et j’ai toutes les charges sur mon dos. 80.000 DA pour une famille de quatre personnes, cela suffit juste à se nourrir, payer le carburant, régler les factures et s’offrir une sortie dans une pizzeria une fois par mois, pour faire plaisir aux enfants. Le budget alimentaire c’est de la pure folie ! Quant aux vacances, cela est devenu un luxe  que seuls les privilégiés peuvent se permettre ! ».

Vivre avec le SMIG relève de la gageure en Algérie. Et pourtant, ils sont nombreux à toucher encore 20.000 dinars par mois. Antar (24 ans) travaille comme agent de sécurité dans une société privée. Son patron ne l’a même pas déclaré à la sécurité sociale.

« Lorsque je tombe malade, je dois payer tout de ma poche. J’ai 20.000 dinars mensuel. Je suis célibataire, je vis chez mes parents. Alors, pour m’en sortir je bricole par-ci par-là ! Je fais un peu de mécanique et je revends des fringues que mon frère apporte de France lorsqu’il vient. Je pense qu’un célibataire comme moi aurait besoin d’environ 60.000 DA pour vivre décemment ! ».

Vu l’inflation actuelle, vivre avec le SMIG est pratiquement impossible. 20.000 dinars suffit à peine à remplir son couffin de quelques victuailles qui ne dureront qu’une semaine. Pour les soins médicaux, l’habillement, les factures et les loisirs, mieux vaut ne pas y penser. Mission impossible !

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