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Contestation sociale : le gouvernement va-t-il encore sortir le chéquier ?

Contestation sociale : le gouvernement va-t-il encore sortir le chéquier ?

La contestation sociale gagne du terrain et devrait franchir, ce mercredi, un nouveau pallier avec le mouvement initié par l’intersyndicale de la fonction publique.

On annonce une grève de « 14 syndicats » parmi lesquels figurent notamment le Cnapeste, le Snapest (Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique) et le SNPSP (Syndicat national des praticiens de la santé publique) qui prévoit également d’organiser un sit-in.

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Depuis le début de l’année, différents mouvements sociaux se sont succédés avec des motivations diverses. Tandis que les revendications du Cnapeste ne sont pas d’une clarté évidente, la grève des médecins résidents se focalise principalement sur l’abrogation du service civil.

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Le personnel navigant d’Air Algérie réclame l’application d’un accord sur les salaires signé par l’ancienne direction de l’entreprise. Les paramédicaux demandent plus de moyens et une revalorisation salariale.

Avec l’entrée en scène de l’ « intersyndicale » dont les revendications officielles portent sur la retraite, le Code du travail et les salaires, on se rapproche d’un dénominateur commun qui est la baisse du pouvoir d’achat des salariés de la fonction publique au cours des dernières années.

Une importante érosion du pouvoir d’achat depuis 2012

 La vague d’augmentation de salaires accompagnée de rappels importants en faveur des fonctionnaires algériens intervenus en 2011 et 2012 avait largement contribué à anesthésier les revendications sociales dans la fonction publique jusqu’à une date récente.

Au fil des années, la diminution du pouvoir d’achat est cependant devenue une réalité ressentie de plus en plus concrètement par de nombreuses catégories d’agents de l’État ; même si elle n’est pas  particulièrement facile à mesurer avec précision .

Il n’y a pas beaucoup de doutes sur le fait que la hausse des prix a largement amputé le pouvoir d’achat des fonctionnaires depuis environ 5 ans. On peut estimer raisonnablement que l’inflation cumulée au cours de cette période se situe au minimum dans une fourchette de 25 à 30%.

Des salaires de la fonction publique qui continuent à progresser

Est-ce que, pour autant, la perte du pouvoir d’achat des fonctionnaires algériens est du même montant ? Pas sûr. Les enquêtes sur les salaires de l’ONS sont certainement les sources les plus fiables dans ce domaine. Elles indiquent que les rémunérations des salariés de l’administration ont bondit globalement de près de 2400 milliards de dinars à 2700 milliards de dinars entre 2011 et 2012.

Depuis cette date, elles ont continué d’augmenter au rythme global de près de 100 milliards de dinars par an pour atteindre exactement 3089 milliards de dinars en 2016, soit environ 15% d’augmentation depuis 2012.

Une partie de cette augmentation de la masse salariale de la fonction publique est vraisemblablement liée à des recrutements, même s’ils sont en diminution sensible au cours des dernières années.

Une autre partie est due à des augmentations de salaires liées le plus souvent à des reclassements ou des progressions en ancienneté. Ce qui confirme néanmoins au total la réalité de l’érosion du pouvoir d’achat des fonctionnaires algériens (dont les salaires représentaient quand même toujours en 2016 près de 60% de la totalité des salaires distribués dans l’ensemble de l’économie nationale) .

Une équation économique compliquée pour le gouvernement

Au cours des dernières années, particulièrement depuis le choc externe enregistré en 2014, la stabilisation des dépenses de fonctionnement de l’État est devenue une des principales parades à la crise des finances publiques.

Après avoir quasiment « explosé » entre 2008 et 2012, en passant de 2500 milliards de dinars à près de 5000 milliards de dinars, les budgets de fonctionnement de l’État algérien sont même en légère diminution depuis 4 ans.

C’est encore un des principaux axes de la politique économique annoncée en octobre dernier par le plan d’action du gouvernement Ouyahia. Les augmentations massives de dépenses publiques prévues pour cette année sont réservées exclusivement au budget d’équipement.

Dans ce sillage, la loi de finances pour 2018 annonce des dépenses de fonctionnement de 4585 milliards de DA. Voici quelques semaines, le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, a précisé devant les députés que la masse salariale de la fonction publique avoisinera 2743 milliards de DA en 2018. Des montants globalement stabilisés par rapport aux dernières années

De nouveaux arbitrages encore peu probables

Face au niveau déjà atteint par la masse salariale de la fonction publique et aux nouveaux engagements pris par les pouvoirs publics, la difficulté la plus importante vient désormais de ce que la situation des finances de l’État algérien n’est plus du tout ce qu’elle était voici encore quelques années et les marges de manœuvres dont il disposait dans ce domaine ont disparu presque complètement.

Le maintien de la paix sociale n’a cependant pas de prix, particulièrement dans cette période où le gouvernement doit aussi préparer les prochaines échéances politiques.

Le transfert d’une partie des dépenses prévues au profit des augmentations de salaires des fonctionnaires est une hypothèse toujours envisageable et un arbitrage toujours possible.

Même si elle risque de pénaliser à la fois la croissance, les investissements ainsi que le rétablissement, qui s’annonce déjà très compliqué, de l’équilibre des comptes extérieurs.

Ce scénario, qui s’inscrirait dans une sorte de remake de la période post printemps arabe de 2011-2012, est pour l’instant peu probable en l’absence d’une amplification significative de la grogne sociale.

Les députés de la majorité parlementaire ont invité mardi le gouvernement à faire preuve de fermeté. Ahmed Ouyahia a déjà indiqué explicitement qu’il avait désapprouvé en son temps les largesses financières de l’État algérien. Mais la décision finale, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, ne lui appartient sans doute pas. Le gouvernement va-t-il encore sortir le chéquier pour calmer le front social ?

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