search-form-close
Coronavirus : pourquoi l’Afrique est relativement épargnée pour le moment

Coronavirus : pourquoi l’Afrique est relativement épargnée pour le moment

Les appels à la vigilance contre la pandémie du coronavirus en Afrique continuent à être lancés, ce alors que le continent africain a été relativement épargné par les effets du Covid-19 malgré les prévisions annonçant une catastrophe sur le continent, rapportent plusieurs médias.

« Les prévisions alarmistes ne se sont pas réalisées mais il faut absolument rester vigilant », a estimé Karl Blanchet, directeur du Centre d’enseignement et de recherche en étude humanitaire de Genève (Cerah), cité par Le Temps. 1900 morts causés par le coronavirus ont été recensés en Afrique sur plus de 49 000 cas de contamination, pour une population totale de 1,2 milliard d’habitants. A titre de comparaison, la Suisse avec ses 7 millions d’habitants comptait mercredi 30 000 cas et 1500 morts, précise la même source.

« Ces chiffres sous-estiment la réalité et dépendent entre autres de la capacité des pays à tester les cas suspects », estime cependant Emmanuel Baron, le directeur d’Epicentre, la branche de recherche médicale de Médecins sans frontières, précisant toutefois qu’il « est certain que nous ne sommes pas face à une situation explosive, autrement nous verrions un afflux de patients dans les structures de soins ».

Un sentiment partagé par le chef du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, John Nkengasong, qui bien qu’admettant que les statistiques ne sont pas parfaites faute de tests, écarte l’idée que de nombreux cas passent sous les radars. « Les hôpitaux seraient envahis de malades, ce qui n’est pas le cas », explique-t-il, cité par Le Point.

Plusieurs facteurs ont expliqué cette accalmie africaine face au coronavirus. En premier lieu l’âge de la population, puisque la moitié des Africains ont moins de 18 ans alors que le Covid-19 touche surtout les personnes âgées. Un autre facteur expliquant le fait que l’Afrique soit épargnée sont les liaisons aériennes vers le continent, vecteurs majeurs de la propagation du virus, moins nombreuses que vers le reste du monde.

Un troisième facteur, et non des moindres, concerne le climat prévalent sur le continent. « Les gouttelettes par lesquelles se transmet le coronavirus pourraient rester en suspension plus longtemps dans un air froid et sec, alors qu’elles sont plus grosses et tombent plus vite dans un climat tropical », explique le docteur Beat Stoll, de l’Institut de santé globale à l’Université de Genève.

« Le climat ralentit la transmission des virus respiratoires, c’est sûr, mais on voit aussi des pays chauds durement frappés par le coronavirus, comme Singapour, le Brésil ou le Pérou », nuance Frédérique Jacquerioz, médecin au service de médecine tropicale et humanitaire aux Hôpitaux universitaires genevois. Une situation qui expliquerait pourquoi l’Algérie et l’Afrique du Sud, au climat plus tempéré, sont plus touchés par le coronavirus.

D’autres observateurs mettent cette plus lente progression du coronavirus sous le fait que plusieurs États africains ont rapidement pris des mesures préventives, notamment pour limiter les voyages. « Je crois que l’Afrique du Sud a pris la bonne décision de confinement au début de la pandémie », a déclaré Glenda Davison, chef du département des sciences biomédicales de la Cape Peninsula University of Technology (Afrique du Sud) dans la revue médicale The Lancet.

La Tunisie, le Maroc et l’Algérie ont également imposé un confinement et des couvre-feux avant que l’épidémie n’ait eu le temps de se propager largement, tandis que le Sénégal a aussi opté assez rapidement pour un couvre-feu et la limitation des rassemblements, y compris religieux, comme en Afrique du Nord.

En Algérie en tout cas, les autorités sanitaires n’hésitent pas à se féliciter d’un nombre de décès jugé moins important par rapport à d’autres pays, bien que 476 décès aient été recensés sur près de 5000 cas de contamination, soit l’un des taux de mortalité les plus élevés du monde.

« Le nombre de décès est resté relativement bas et nous nous en réjouissons. Pourquoi le nombre de décès est bas ? On ne pourra le dire avec certitude avant la fin de l’épidémie. Toutefois, nous avons des éléments de réflexion autour de cela. Premièrement, la catégorie des personnes âgées est moins grande en Algérie que dans les pays européens, par exemple. Deuxièmement, les mesures prises dès le début de l’épidémie de traiter tous les cas par l’Hydroxychloroquine, l’Azithromycine et les anticoagulants peuvent expliquer que nous n’avons pas beaucoup de décès », se félicite le professeur Mohamed Belhocine, membre de la commission nationale de veille et de suivi de l’évolution de l’épidémie du coronavirus.

Le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid juge quant à lui que la situation est « encore inquiétante mais lorsque nous regardons les chiffres, nous pouvons dire qu’il y a une stabilisation et que nous maîtrisons la situation », s’avançant même à affirmer que la situation est « maîtrisée ».

Malgré la situation sanitaire relativement positive en Afrique et en Algérie, tout le monde s’accorde à dire que le pire peut encore arriver avec le coronavirus et que le chemin reste encore long.

« Le risque d’un scénario gravissime demeure », estime le professeur Pierre-Marie Girard, ancien chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris et actuel directeur des questions internationales à l’institut Pasteur, cité par Libération. Ce spécialiste évoque la crainte d’un scénario avec « une épidémie à expansion lente conduisant in fine à une morbidité et une mortalité élevée chez les personnes atteintes d’affections chroniques ».

« Le développement de l’épidémie pourrait alors s’étendre sur une plus longue période avant d’arriver à son pic, et de ce fait s’installer sur le long terme. En définitive, rien ne permet de dire qu’à terme l’impact sanitaire sera moindre que dans les pays du Nord », estime le professeur Girard.

Un sentiment partagé par le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid, qui estime qu’il faudra « cohabiter avec ce virus pendant encore plusieurs mois. Il y a encore long chemin pour se débarrasser de ce virus. Aussi, nul ne saurait dans le cas où cette épidémie s’estompait, si une seconde vague ne surgira pas », a averti le ministre.

« Si nous voulons gagner la bataille contre cette pandémie, soyons disciplinés, utilisons le masque et respectons la distance entre nous-mêmes et les autres », préconise quant à lui Mohamed Belhocine.

  • Les derniers articles

close