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Covid-19 : l’oxygène met à nu les limites de la stratégie algérienne

Covid-19 : l’oxygène met à nu les limites de la stratégie algérienne

La pénurie d’oxygène met à rude épreuve la stratégie algérienne de lutte contre le covid-19. Depuis le début de la pandémie, l’Algérie s’est distinguée par une situation épidémiologique stable, avec des chiffres très en-deçà des bilans alarmants enregistrés ailleurs dans le monde.

Mais cette troisième vague, caractérisée par la prédominance du variant delta, plus virulent que les précédents, a montré les limites du système sanitaire algérien.

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La hausse vertigineuse du nombre de cas a logiquement entraîné l’augmentation du nombre de malades nécessitant une assistance respiratoire. Beaucoup de patients sont morts faute d’une telle thérapie, selon les témoignages de leurs proches et de médecins.

On comprend mieux aujourd’hui le problème : les hôpitaux algériens sont à peine outillés à la hauteur de leur capacité d’accueil, mais pas suffisamment pour faire face à des situations exceptionnelles d’épidémie et encore moins de pandémie. L’effort a été fait de dédier de nombreux services au traitement du covid, mais cela s’est avéré insuffisant.

La maladie nécessite des équipements et produits spécifiques que les établissements de santé n’ont pas en quantité suffisante pour pareille circonstance.

On pense notamment aux lits de réanimation et aux équipements d’oxygénothérapie. De nombreux hôpitaux ne sont pas équipés de cuves et de générateurs d’oxygène et il faut donc les alimenter en permanence à partir des usines privées de production.

Les quantités produites ont longtemps été jugées suffisantes et l’Algérie a même fourni la Tunisie au plus fort de la crise sanitaire dans ce pays.

En dépit des alertes lancées par les spécialistes, le gouvernement n’a pas vu venir ce variant avec ses caractéristiques triplement désavantageuses : il est plus contagieux, touche les catégories jusque-là épargnées et son traitement nécessite beaucoup d’oxygène, notamment pour les cas graves.

Le manque d’anticipation est flagrant. Le problème du manque de places et de matériel d’oxygénation avait été soulevé pendant les première et deuxième vagues et les autorités avaient largement le temps – et les moyens –de les prendre en charge pendant la longue accalmie qui s’est étendue de l’hiver jusqu’au début de l’été. Les premiers cas du variant delta ont été détectés en Algérie début mai.

Lorsque les appels de détresse ont commencé à fuser des hôpitaux, les autorités n’avaient pas une grande marge de manœuvre. La crise a touché tout le territoire et il était impossible de satisfaire toutes les demandes.

Le ministre de l’Industrie pharmaceutique a expliqué que le problème ne résidait pas dans la production, mais dans la logistique pour acheminer les quantités nécessaires à chaque hôpital aux quatre coins d’un pays continent comme l’Algérie.

La situation s’est très vite détériorée avec des dizaines de morts dans les hôpitaux et une panique générale. Les scènes filmées et partagées sur les réseaux sociaux sont insoutenables : on a vu des parents de malades se bousculer et se bagarrer pour une bouteille d’oxygène, une patiente rendre l’âme dans la cour d’un hôpital, d’autres jonchant les couloirs…

Solidarité et système D

La crise, comme toutes les autres a donné lieu à un juteux business parallèle, mais fort heureusement aussi à un élan de solidarité. L’action la plus retentissante est celle initiée par l’influenceuse Numidia Lezoul, qui a pu récolter plus de 100.000 euros auprès de la communauté nationale établie à l’étranger, destinés à l’achat de matériel d’oxygénothérapie pour les malades dans le besoin.

D’autres actions étaient destinées à équiper carrément des hôpitaux en générateurs, pour produire l’oxygène sur place. Avec l’appui des opérateurs privés de la région, les citoyens d’Akbou, dans la wilaya de Béjaïa, ont pu équiper leur hôpital d’un générateur d’une capacité de 30 bouteilles toutes les 24 heures. Le générateur, qui a coûté 17 millions de dinars (1.7 milliards de centimes) est fonctionnel depuis mardi 27 juillet. L’initiative a fait tache d’huile est des quêtes sont lancées un peu partout à travers le pays.

Si les citoyens d’Akbou ont pu acquérir, installer et faire fonctionner le matériel en à peine quelques jours et pour une somme presque insignifiante sur l’échelle du budget du secteur de la santé, beaucoup se demandent pourquoi l’Etat ne le fait pas puisque, apparemment, le problème de la disponibilité des équipements sur le marché ne se pose pas.

La réponse est peut-être dans ces histoires procédurales auxquelles on s’accroche même en temps de grave urgence sanitaire. Tenu de se conformer à la lettre de la loi, le maire de Tigzirt (Tizi-Ouzou) a dû lancer une enquête commodo-incommodo pour la réalisation d’une cuve d’oxygène.

Autre exemple : ce n’est qu’après l’aggravation de la crise de l’oxygène que le ministère de l’Industrie pharmaceutique a levé l’obligation d’autorisation pour l’importation de matériel d’oxygénothérapie par les particuliers.

Pour les établissements, l’autorisation est incompréhensiblement maintenue, sans compter les longues procédures liées aux appels d’offres et à la réglementation des marchés publics.

Quand le manque d’anticipation et la bureaucratie se conjuguent, ça donne des situations comme celle que vit l’Algérie en cet été 2021.

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