Le cardinal Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, s’est de nouveau exprimé sur la crise en cours entre la France et l’Algérie. Le religieux insiste sur le fait que ce sont des millions de Franco-Algériens, dont il fait lui-même partie, qui sont touchés par ce qui se passe entre les deux pays.
« Oui, c’est évidemment la crise la plus grave et puis on sent qu’elle est effectivement entretenue et nourrie », confirme d’emblée, dans un entretien diffusé mercredi 14 mai par France 24, le cardinal qui vit depuis 20 en Algérie, dont il a obtenu la nationalité en 2023.
Néanmoins, Jean-Paul Vesco souligne que les évènements actuels sont « des émergences d’un problème beaucoup plus fondamental » et d’un « soubassement qui n’est pas réglé ».
La mise en garde de l’Archevêque d’Alger : « On ira de crise en crise »
Ce soubassement, c’est le passé colonial que la France ne veut toujours pas regarder en face. « Tant qu’on n’a pas regardé cette question-là en face, et bien, on ira de crise en crise et ça ne s’arrêtera pas », tranche-t-il.
« Ce que m’ont enseigné ces plus de 20 années en Algérie et avec le regard qui est le mien, c’est sentir à quel point 130 ans de colonisation ont laissé une blessure extrêmement profonde dans l’âme algérienne et qu’il a manqué cette prise de conscience véritable », ajoute l’archevêque.
Pour lui, il y a bien longtemps que la France aurait dû présenter « plus que des excuses formelles » et essayer de « prendre conscience de ce que c’était cette blessure ». Car, dit-il, il y a entre la France et l’Algérie « un rapport d’abuseur à abusé » et que « ce n’est pas une violence comme les autres ».
Jean-Paul Vesco : « Des millions de Franco-Algériens sont touchés »
Mais au-delà des rapports entre les deux États, il y a surtout le sort de millions de gens qui ont une attache commune, les Franco-Algériens. « En tant que Français vivant en Algérie depuis plus de 20 ans et en tant que Franco-Algérien, j’ai une vision, un regard que l’on ne peut pas avoir depuis la France. Je sens que ce n’est pas simplement la question des rapports entre la France et l’Algérie, mais à travers les rapports et les conflits ou les tensions entre ces deux États, ce sont des millions de personnes qui sont touchées dans leur intérieur », déplore-t-il.
Soulignant que la France « n’a pas toujours été, pendant 130 années de colonisation en Algérie et ailleurs, à la hauteur de sa devise républicaine », le cardinal estime qu’il est temps de le faire maintenant et de se rencontrer parce que, dit-il, « à chaque fois qu’il y a de la tension entre ces deux États, ce sont des millions de personnes, des Français qui se sentent eux-mêmes insécurisés dans le pays dans lequel ils vivent et qu’ils contribuent à faire vivre ».
Jean-Paul Vesco insiste beaucoup sur la dimension humaine de la relation franco-algérienne. « Ce n’est pas seulement une relation entre deux États et c’est ça que je ressens de l’intérieur. Je n’ai pas de solution, je veux simplement alerter sur le fait que dans le silence, on ne les entend pas, dans le silence, c’est la nation française qui est en train de se fracturer », dit-il.
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