
Après des mois de fortes tensions, suivis de quelques semaines de “ni guerre ni paix”, de nombreux faits successifs sont perçus par les observateurs comme les signes d’un probable apaisement à venir entre Alger et Paris. Fait nouveau, la droite dure, qui a fait capoter, la tentative de rapprochement de début avril dernier, semble consentir à ne plus jeter de l’huile sur le feu.
C’est du moins la lecture qui est faite du retrait de la proposition de résolution visant à dénoncer l’accord franco-algérien sur l’immigration de 1968. La résolution devait être présentée ce jeudi 26 juin par le groupe parlementaire UDR, l’Union des droites pour la République, dirigé par Eric Ciotti et allié du Rassemblement national (RN).
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Le sujet étant extrêmement sensible, l’adoption de la résolution, bien que non contraignante pour le gouvernement français, aurait exacerbé les tensions entre les deux capitales. Alors que les calculs des observateurs donnaient de fortes chances au texte d’être adopté, Ciotti a décidé, ou accepté, de le retirer à la dernière minute.
Il semble que les plus hautes autorités françaises y sont pour quelque chose dans ce rétropédalage. Les remerciements exprimés par Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, laissent penser que le gouvernement, ou même le président Emmanuel Macron, ont insisté, pour ne pas dire pressé pour le retrait de la PPR, comme on l’appelle dans le jargon parlementaire français.
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Le membre du gouvernement a évoqué le contexte qui est celui du jugement de Boualem Sansal en Algérie. L’écrivain, détenu depuis novembre dernier, connaîtra le 1er juillet, c’est-à-dire dans quelques jours, le verdict de son procès en appel tenu mercredi. En première instance, il a écopé de 5 ans de prison et une amende 500.000 dinars. Le sort de Boualem Sansal va peser dans le réchauffement des relations entre les deux pays.
“On peut lire le retrait par Éric Ciotti de cette proposition de résolution comme une recherche d’apaisement afin de garder un cap clair et promoteur de la relation bilatérale”, estime une source diplomatique française.
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Les signes d’un probable apaisement entre Alger et Paris se succèdent
Une volonté de Paris et d’Alger de renouer le contact n’est pas à exclure, en effet. En France, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau n’évoque presque plus l’Algérie, du moins pas autant qu’il le faisait ces derniers mois. Et on entend de moins en moins les autres figures anti-algériennes de la droite dure et de l’extrême-droite.
Cela peut bien être un simple changement de stratégie vis-à-vis du cas Boualem Sansal, la manière dure ayant produit le juste contraire de l’effet escompté. Mais d’autres éléments, venant d’Alger cette fois, confortent l’idée d’une volonté d’apaisement partagée.
Début juin, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a reçu au palais d’El Mouradia Rodolphe Saadé, président de CMA CGM, le plus grand groupe maritime français et l’un des plus importants au monde. La vice-présidente exécutive du groupe français, Christine Cabau, est ensuite reçue par le ministre des Transports, Saïd Sayoud.
A la mi-juin, une délégation d’hommes d’affaires français, représentant une vingtaine d’entreprises, a fait le déplacement à Alger. La délégation a assisté aux “Journées de l’industrie”, organisées par la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF). Le président de cette dernière, Michel Bisac, a indiqué que “les 6.000 entreprises françaises qui travaillent en Algérie n’ont jamais arrêté de le faire”. “Je ne peux que me réjouir de ces progrès réalisés dans la relation bilatérale”, a-t-il dit, assurant être persuadé que “ce qui nous rassemble est bien plus fort que ce qui nous divise”.
A la même période, le groupe français TotalEnergies a remporté un marché d’exploration pétrolière dans le sud de l’Algérie suite à un appel d’offres lancé par l’Agence algérienne de valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft).
En attendant des gestes politiques plus formels, tous ces éléments peuvent effectivement être lus comme des signes annonciateurs d’un début de retour à la normale entre Alger et Paris après presque une année d’une crise inédite.