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Crise politique : le pouvoir n’a pas dit son dernier mot, la rue non plus

Crise politique : le pouvoir n’a pas dit son dernier mot, la rue non plus

Beaucoup d’acteurs politiques et de citoyens ont fait part de leur déception suite aux mesures annoncées par le chef de l’État lundi 10 mars.

Après une mobilisation populaire sans précédent avec en trame de fond le départ de Bouteflika et de tout le système, le président a annoncé qu’il ne partira pas à l’issue de son mandat actuel, une décision prise sans aucun fondement juridique.

Le pouvoir et ses relais politiques et médiatiques ont vite fait de présenter les annonces présidentielles comme une énorme concession faite à la rue. Dans l’autre camp, certains ont parlé de « demi-victoire », puisque le président a été amené à reculer sur le cinquième mandat qu’il briguait contre tout bon sens, mais globalement, c’est la méfiance, l’amertume et la déception qui l’emportent.

On est allé même jusqu’à crier à l’arnaque parfaite, puisque le nouveau plan dévoilé par le pouvoir ressemble comme deux gouttes d’eau à celui qu’on a tenté de vendre sans succès à l’opposition en décembre dernier par le biais de TAJ et du MSP, soit le report de l’élection présidentielle, la prolongation du mandat actuel du chef de l’État et une vague promesse de réformes à travers une conférence nationale.

Le pouvoir est dans son rôle de tenter toutes les gymnastiques possibles pour se maintenir et ceux qui s’attendaient à ce qu’il lâche tout après trois marches populaires, furent-elles grandioses, ne doivent s’en prendre qu’à leur naïveté.

Certes, la mobilisation populaire a toutes les chances d’imposer le changement. Depuis le début des premières marches, le pouvoir et Bouteflika ont été contraints plusieurs fois à changer de discours et à lâcher du lest. On se souvient, dans son discours du 24 février, le chef de l’État avait royalement ignoré les grandes marches qui avaient eu lieu à travers le pays deux jours auparavant. Au lendemain, de la forte mobilisation du 1er mars, il a reconnu sa contestation par la rue et promis d’organiser une élection présidentielle anticipée s’il est réélu. Enfin, les marées humaines historiques du 8 mars l’ont amené à renoncer au cinquième mandat. Cela dit, ce qu’il propose n’est pas une capitulation.

La feuille de route telle que déclinée dans le message présidentiel du 10 mars cache mal en fait les soucis majeurs de Bouteflika et du pouvoir depuis quelques mois : le premier tient à son fantasme de mourir sur le fauteuil, le second ne souhaite pas que le contrôle du processus de transition, ou de succession, lui échappe.

C’est l’enjeu majeur de la prochaine étape comme le confirment les rafistolages auxquels on assiste en guise de réponse à la forte mobilisation populaire. Ouyahia est sacrifié, mais son remplaçant est un proche du cercle présidentiel, Nouredine Bedoui. Pour le reste, le pouvoir n’a toujours rien lâché de concret, encore moins capitulé.

Cela, il ne le fera pas qu’après avoir tenté d’éteindre le brasier par de fausses promesses, au mieux des demi-mesures. Y parviendra-t-il ? C’est la grosse interrogation que se posent les observateurs au lendemain des annonces du pouvoir. Plus clairement, les marches populaires s’estomperont-elles ?

Quelques heures seulement après la divulgation de la nouvelle feuille de route présidentielle, des appels ont été lancés sur les réseaux sociaux pour maintenir la dynamique de contestation. Une autre grande journée de protestation est annoncée pour vendredi 15 mars et, ce mardi matin, les étudiants ont envahi les rues d’Alger pour dit non au maintien de Bouteflika au pouvoir après l’expiration de son mandat.

Beaucoup d’acteurs politiques ont également fait part de leur scepticisme et de leur détermination à poursuivre la contestation. La rue a compris que le changement ne lui sera pas servi sur un plateau, mais constate aussi que le pouvoir est à court d’arguments. Il est plus que jamais acculé. Le report de la présidentielle est déjà un énorme aveu d’échec de Bouteflika et de son système, contraints d’assumer un acte anticonstitutionnel flagrant. Même ceux qui avaient pris la décision d’annuler le processus électoral en 1992 avaient pris le soin de sauvegarder les formes en créant d’abord un vide institutionnel.

Aussi, les premières fissures ont commencé à apparaitre dans l’édifice du système avec des défections en cascade dans les rangs des organisations dites de masse et des partis proches du pouvoir, et surtout, des frondes inattendues dans des corporations jusque-là dociles, comme celle des magistrats, sont autant de signes annonçant une désobéissance à grande échelle si le mouvement de contestation s’inscrit dans la durée.

Les manifestations se poursuivront-elles ? Des actions se déroulent un peu partout à travers le pays ce mardi, mais la bonne réponse on l’aura ce vendredi 15 mars. Le pouvoir n’a pas encore dit son dernier mot, la rue non plus.

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