Moins d’une semaine après avoir fait l’impasse sur le Sommet arabe d’Alger, les 1er et 2 novembre, pour différents prétextes, des dirigeants des pays du Golfe se sont retrouvés tous à la conférence mondiale sur le climat (COP 27), qui se tient à Charm El-Cheikh, en Égypte, depuis le 6 novembre.
Le Sommet arabe d’Alger s’est tenu après trois ans d’absence et était présenté comme celui du rassemblement et du resserrement des rangs des États arabes dans une conjoncture internationale exceptionnelle.
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Il était attendu des pays de la région un minimum d’unité qui passe par leur représentation au plus haut niveau. Dans la tradition des rencontres au sommet des dirigeants arabes, la présence ou non des présidents et des souverains est considérée comme un signe de succès ou d’échec de la rencontre, nonobstant ses décisions finales.
Le Sommet arabe d’Alger a vu la présence d’une quinzaine de chefs d’État, ce qui est appréciable au vu du niveau de représentation lors des derniers sommets.
Néanmoins, il a manqué presque tous les souverains du Golfe, les rois du Maroc et de Jordanie et le président libanais, Michel Aoun. Celui-ci n’était pas président de son pays à l’ouverture du sommet, son mandat ayant expiré le 31 octobre.
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L’Émir du Koweit, pays avec lequel l’Algérie entretient des relations exemplaires, n’a pas pu se rendre à Alger pour des raisons de santé et s’est fait représenter par son prince héritier. Son absence était prévisible depuis plusieurs mois.
Mais le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salmane, n’a informé les autorités algériennes de son absence que quelques jours avant l’échéance. Au cours d’un entretien téléphonique le 22 octobre, il en a informé le président Abdelmadjid Tebboune, qui a aussitôt rendu publique la nouvelle, indiquant que MBS ne viendra pas pour des raisons de santé, ses médecins lui ayant déconseillé de voyager.
En fait, la défection du prince saoudien a été précédée par celle du président des Émirats arabes unis, Mohamed Ben Zayed dit MBZ. La venue ou l’absence de celui-ci n’a fait l’objet d’aucune communication officielle des autorités algériennes ni de leurs homologues émiraties. Idem pour le roi Abdallah de Jordanie, le sultan d’Oman et le roi de Bahreïn qui a « préféré recevoir » le Pape François que de venir à Alger assister au Sommet arabe, selon les mots de Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères.
Une conjoncture cruciale
L’Émir Tamim du Qatar, lui, n’a jamais laissé planer le doute. Il a promis de prendre part au sommet et a tenu parole. À Alger, il a même taclé les absents en félicitant à l’avance le président Tebboune pour la réussite du sommet.
Ce qui n’est pas le cas de Mohamed VI. Les autorités marocaines n’ont ni confirmé ni démenti, pendant plusieurs semaines, des informations de presse faisant état de la présence du roi à Alger.
Ce n’est que la veille du sommet, et au terme d’une journée mouvementée à cause des plaintes et réclamations de son ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, que celui-ci a annoncé que le roi ne viendra pas, non pour des raisons de santé ce qui aurait été compréhensible connaissant son état, mais pour des considérations « régionales et bilatérales ».
L’Algérie a pourtant tout fait pour que la rencontre qu’elle accueille porte bien son nom de « sommet du rassemblement ». Des émissaires de haut niveau ont été dépêchés dans tous les pays arabes pour remettre des invitations à tous les chefs d’État.
Bien que les relations entre l’Algérie et le Maroc soient rompues depuis août 2021, le ministre de la Justice Abderrachid Tebbi a remis au ministre Bourita, à Rabat, l’invitation de Mohamed VI.
Le Sommet arabe d’Alger est globalement couronné de succès et l’opinion publique a retenu la bonne organisation, la logistique impressionnante mobilisée et la teneur de la Déclaration d’Alger.
Mais dans la même semaine, la tenue en Égypte de la Conférence mondiale sur le climat, la COP 27, a rappelé à tout le monde que le sommet crucial d’Alger s’est tenu sans plusieurs dirigeants arabes.
À Charm El Cheikh, la célèbre station balnéaire sur la mer Rouge, de nombreux chefs d’État ayant boudé la rencontre d’Alger sont présents, y compris le prince héritier d’Arabie saoudite auquel les médecins ont déconseillé de voyager une semaine plutôt.
MBS devrait se rendre à Séoul le 17 novembre prochain pour une visite de travail en Corée du sud. Apparemment, l’oreille de l’homme fort de l’Arabie saoudite, qui l’a empêché de faire un aller-retour entre Ryad et Alger en 24 heures, n’est plus sensible aux voyages par avion sur de longues distances.
Mohamed Ben Zayed était aussi présent en Égypte ainsi que les rois de Jordanie et de Bahreïn.
La COP 21 est importante sur le plan protocolaire, étant un sommet mondial, et par sa teneur qui a pour objet la lutte contre le réchauffement climatique, mais le Sommet d’Alger est pour les pays arabes en principe encore plus crucial, de surcroît dans cette conjoncture de chamboulements géostratégiques et économique qui ne permet pas la persistance des divisions. Mais les dirigeants du Golfe ont visiblement leurs priorités qu’ils ne cachent désormais plus.