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Dix ans après la crise, la France compte près de 9 millions de pauvres

Dix ans après la crise, la France compte près de 9 millions de pauvres

Selon une première estimation de l’Insee, la pauvreté et les inégalités seraient restées stables en 2017 malgré une croissance économique robuste. L’embellie n’a pas permis de réduire le nombre de pauvres en France alors que la croissance s’essouffle déjà cette année.

La lutte contre la pauvreté et les inégalités s’avère compliquée. Selon des estimations de l’Insee publiées le mardi 9 octobre, le taux de pauvreté monétaire serait stable à 14% de la population française en 2017. Les économistes de l’organisme de statistiques ont recensé 8,8 millions de pauvres en situation de pauvreté l’année dernière. Il y a 10 ans au moment de la crise, ce taux s’élevait à 13% de la population.

En dépit d’une croissance économique favorable et d’une baisse du chômage, le nombre de pauvres n’a pas reculé après une baisse en 2016 et deux années de hausse en 2015 et 2014. Alors que l’économie tricolore ralentit sérieusement cette année et que la politique fiscale du gouvernement en faveur des plus hauts revenus est régulièrement critiquée, cette situation préoccupante pourrait encore s’aggraver. Au mois de septembre, Emmanuel Macron a annoncé un plan pauvreté de 8 milliards d’euros répartis sur quatre ans. Dans son programme à l’élection présidentielle, l’ancien ministre de l’Économie s’était engagé « à faire plus pour ceux qui ont moins. »  Au regard des explications avancées par l’Insee, le pari est loin d’être gagné pour le gouvernement.

Des effets contradictoires

La stagnation du taux de pauvreté, qui correspond à la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté monétaire (60% du niveau de vie médian) de 1.015 euros par mois en 2015, résulte de plusieurs effets contradictoires rappelle l’Insee. Si l’amélioration du marché du travail a pu permettre à un nombre de personnes de sortir de la pauvreté, cet effet a été compensé par un impact limité des transferts sociaux et fiscaux.

La baisse du taux de chômage en 2017 a permis à de nombreuses personnes éloignées de l’emploi de sortir du chômage. C’est par exemple le cas des chômeurs de longue durée, précise l’Insee. Le retour à l’emploi de ces personnes peut représenter un vrai calvaire : l’Insee souligne que le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) des chômeurs de longue durée a tout de même baissé pour la première fois depuis 2009.

Pour expliquer cette stagnation de la pauvreté, les économistes de l’Insee avancent deux principaux facteurs. La baisse des aides au logement de 5 euros par mois, décidée par le gouvernement d’Édouard Philippe en 2017, a clairement « pénalisé les ménages les plus modestes. »  Et les choses ne devraient pas s’arranger. Dans son projet de loi de finances en 2019, le gouvernement a prévu de faire des économies très importantes (900 millions d’euros) sur les aides personnelles au logement (APL). Ce qui pourrait encore aggraver la situation des foyers les plus pauvres.

Par ailleurs, la baisse de l’impôt sur le revenu de l’ordre de 20% engagée par l’ancien gouvernement aurait bénéficié aux foyers de niveau intermédiaire. Comme le taux de pauvreté est défini en fonction du revenu médian, une hausse de ce dernier fait mécaniquement accroître le taux de pauvreté.

Les seniors frappés par la pauvreté

Avec près de 9 millions de pauvres, la pauvreté est loin d’être un phénomène négligeable. Parmi les populations fortement exposées figurent les seniors.

Dans une récente étude, le service de statistiques du ministère de la Santé (Drees) indique que « un tiers des seniors sans emploi ni retraite vivent en dessous du seuil de pauvreté ».

Ils seraient ainsi 1,4 million âgés de 53 à 69 ans à connaître cette situation préoccupante. Le taux de pauvreté de cette catégorie s’élève à 32% alors que celui chez les retraités en emploi ou à la retraite atteint 7%. Les personnes vivant seules ou avec un conjoint également sans emploi ni retraite seraient confrontées à de plus amples difficultés. La multiplication des réformes sur les retraites ces dernières années avec le report de l’âge légal de départ ont modifié la composition de cette catégorie.

Les auteurs de la note expliquent le système socio-fiscal français a permis de diminuer le taux de pauvreté d’un tiers pour les seniors sans emploi ni retraite.

« Ainsi, sans transferts sociaux et fiscaux, 45,6% de ces seniors seraient pauvres, contre 32,1% après redistribution. En revanche, pour l’ensemble des seniors en emploi ou à la retraite, le taux de pauvreté recule de 9,9% à 6,7% après redistribution. »

Stagnation des inégalités

Les résultats de l’Insee relatifs aux inégalités sont guère meilleurs. D’après les derniers chiffres encore provisoires, les disparités de niveau de vie mesurées par le rapport interdécile (*) seraient stables entre 2016 et 2017 tandis que le coefficient de Gini (**) augmenterait très légèrement (+ 0,002). Cet indicateur avait baissé en 2016 après deux années de hausse en 2015 et 2014. Cette stabilité des inégalités s’expliquerait également par une « moindre efficacité de la redistribution » soulignent les experts.

Récemment un groupe d’économistes composé entre autres de l’auteur du best-seller « Le Capital au XXIe siècle » Thomas Piketty, a indiqué que, malgré ses dysfonctionnements, le système sociofiscal français a contribué à diminuer les écarts de revenu disponible de 23% en moyenne sur la période 1990-2018.

Dans leurs travaux, les universitaires expliquent que « le principal vecteur de la progressivité des transferts vient des allocations logements, dont l’attribution se fait sous condition de revenu. »

Les coupes drastiques prévues dans les APL par le gouvernement pourraient  encore assombrir le tableau de la pauvreté et des inégalités sociales françaises.


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