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Drame du concert de Soolking : des responsabilités morales évidentes, en attendant l’enquête

Drame du concert de Soolking : des responsabilités morales évidentes, en attendant l’enquête

Cinq décès et des dizaines de blessés. Le bilan des bousculades qui ont émaillé le concert du rappeur Soolking jeudi soir est lourd. La tragédie est d’autant plus incompréhensible qu’elle survient en plein mouvement populaire de contestation qui dure depuis six mois et qui a émerveillé le monde par son pacifisme, le civisme des manifestants et la retenue des forces de l’ordre.

Qu’est-ce qui s’est donc passé au stade du 20-Août en cette fatidique soirée du 22 août 2019 pour qu’une fête se transforme en drame national, pour que des jeunes à la fleur de l’âge venus s’amuser soient rendus à leur famille dans un cercueil ?

La question est au centre de l’enquête ou des enquêtes qui seront diligentées. La justice, les services de sécurité, le ministère de la Culture et même le Premier ministre et le chef de l’État par intérim ont promis de faire la lumière sur les circonstances du drame et de dire toute la vérité aux familles des victimes et à l’opinion nationale.

En attendant, une première tête est tombée. Samy Bencheikh el Hocine, directeur général de l’Office national des droits d’auteur (ONDA), est limogé. C’est lui l’organisateur du spectacle et sa responsabilité, ne serait-ce que morale, n’a nul besoin d’enquête pour être établie.

Ce qui nous amène à la première grosse anomalie dans cette histoire : l’organisation de spectacles, à fortiori les méga-concerts, n’est pas le cœur de métier de l’ONDA. Ceux qui ont confié un tel projet à un organisme spécialisé dans la collecte de la quote-part des chanteurs et écrivains, sans expérience dans l’organisation des grands événements, avaient pris un grand risque. Le chanteur lui-même et ses conseillers devaient mettre leur véto et pour l’organisateur et pour l’enceinte choisie pour le gala.

Commander c’est prévoir

La popularité du rappeur auprès de la jeunesse algérienne, décuplée par son implication dans le mouvement populaire avec sa chanson-hymne Liberté, et les longues files d’attente qui se sont formées durant une dizaine de jours devant le siège de l’ONDA au centre d’Alger pour acquérir les billets (malgré leur cherté, à 1500 dinars) étaient autant d’indices qu’il y aura une grande foule à gérer et que le vieux stade du Ruisseau aura du mal à la contenir.

Commander c’est prévoir, mais, hélas, les pouvoirs publics n’ont rien anticipé. L’autre responsabilité morale évidente est celle du ministère de la Culture. La ministre, qui, lors des jours qui ont précédé le spectacle avait fait l’événement sur les réseaux sociaux par ses séances de shopping aux États-Unis, s’est rendue au stade du 20-Août la veille du gala pour, selon les comptes rendus de la presse, s’enquérir des préparatifs et s’assurer que tout se passait comme prévu. Autrement dit, elle a donné son quitus.

Certes, seule une enquête approfondie déterminera si les agents de police et leur hiérarchie ont fait de mauvais choix dans leur gestion de la situation, mais en attendant, la responsabilité morale de ce corps de sécurité, auquel incombe le maintien de l’ordre dans les centres urbains, est aussi indéniable.

Des témoins oculaires parlent d’une foule de maladresses et d’anomalies qui ont concouru au drame. L’ouverture tardive des portes d’accès, l’entrée du public au compte-gouttes, le rétrécissement de la chaussée par des fourgons des forces de l’ordre, l’entrée de spectateurs sans billet puisque beaucoup de ceux qui en détenaient étaient encore dehors lorsque le stade était plein à craquer…

Il appartient aux enquêteurs de déterminer si ces anomalies ont bien eu lieu et d’identifier le cas échéant la paternité des décisions prises. À la justice ensuite de prononcer le juste châtiment et aux pouvoirs publics de tirer les leçons pour que l’incurie des responsables ne fauche plus des jeunes en plein rêve…

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