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Droits de l’Homme en Algérie et ingérence : ce qu’il ne faut pas occulter

Droits de l’Homme en Algérie et ingérence : ce qu’il ne faut pas occulter

Le Parlement européen a sans surprise adopté jeudi 26 novembre une résolution dénonçant la détérioration de l’état des droits de l’Homme en Algérie et appelant à la libération de « tous les détenus d’opinion ».

Les réactions d’indignation n’ont pas tardé à fuser du côté d’Alger où, gouvernement, partis politiques, associations et tout ce que le pouvoir compte comme soutiens ont unanimement crié à « l’ingérence étrangère ».

Le schéma est, pour ainsi dire, figé, éculé. Ce n’est pas la première fois qu’un pays de la rive sud de la Méditerranée, plus largement du tiers-monde, se fait tancer sur la scène internationale pour ses manquements au respect des droits de la personne humaine et, à chaque fois, l’on a assisté à la même levée de boucliers de l’autre côté pour dénoncer les « visées douteuses » de ces interventions étrangères attentatoires à la souveraineté nationale.

Au-delà des soutiens inconditionnels des pouvoirs en place, l’attitude de ceux qui, même dans les oppositions, accueillent avec réserve et méfiance les avis venus d’ailleurs, ne relève pas entièrement d’une vue de l’esprit fantaisiste. L’Histoire est en effet jonchée d’exemples où les interventions étrangères ne l’ont pas été toujours pour la bonne cause et n’ont pas débouché forcément sur la démocratisation miroitée. Les exemples sont nombreux.

Dans le cas de l’Algérie et du Parlement européen, le scénario se répète presque à l’identique en une année à peine. Le 28 novembre 2019, l’institution de Strasbourg avait adopté une résolution dénonçant les premières dérives post-Bouteflika.

Encore à son apogée, le Hirak avait signifié, dans la rue même, aux Parlementaires européens que ce qui se passait en Algérie ne concernait que les Algériens.

Une position qui n’est pas réitéré cette fois. Dans le seul espace où les « hirakistes » ont encore la possibilité de s’exprimer, les réseaux sociaux, personne certes n’a applaudi franchement la résolution, mais l’on n’a pas entendu ou lu les rejets d’il y a une année.

Même chez l’opposition, la dénonciation frontale de la résolution se limite à deux ou trois personnalités.

La nature a horreur du vide

Ce silence, sans être forcément approbateur, est une manière peut-être de signifier que la nature a horreur du vide et que tant que les institutions nationales ne remplissent pas leur rôle en la matière, il ne faut pas s’étonner que d’autres parties le fassent à leur place, pour quelque dessein que ce soit.

Il se trouve, hélas, que les autorités algériennes ne font pas l’effort voulu pour renvoyer une meilleure image de la situation du pays en matière de respect des libertés et de la démocratie.

Ce qui était impensable au début du Hirak est devenu d’une banalité affligeante. Des journalistes, des hommes politiques, des militants, des activistes ou simplement des internautes sont emprisonnés, des procès ont lieu régulièrement à l’issue desquels des peines sévères sont parfois prononcées ; la presse, quand elle n’est pas bloquée comme c’est le cas de certains journaux électroniques dont TSA (inaccessible en Algérie depuis 18 mois), subit des pressions de tout ordre ; des partis politiques se voient refuser l’accès aux salles publiques même pour tenir leurs réunions organiques.

Tout cela est dénoncé quotidiennement et rapporté par des avocats, des journalistes, des collectifs de militants. Que les autorités aient raison ou tort d’expliquer que tel journaliste n’a pas de carte de presse (dont la commission de délivrance n’existe même pas), que tel autre est poursuivi pour des faits relevant du droit commun ou que telle réunion n’est pas autorisée pour des considérations sanitaires, l’histoire se moque des détails et ne retient que l’essentiel, soit cette simultanéité des poursuites judiciaires et autres pressions, qui ne pouvaient en aucun cas refléter l’image d’un pays apaisé.

Jusqu’au 28 novembre, le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) a recensé 85 détenus d’opinion dans 32 wilayas du pays. Des chiffres jamais démentis par le gouvernement.

Et il est indéniable que ni le Parlement avec ses deux chambres ni le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) ni aucun des partis qui crient à l’ingérence n’ont dénoncé ne serait-ce qu’un seul des « dépassements » dont le président du CNDH Bouzid Lazhari a reconnu l’existence après coup. Le fait que des lois passées en priorité ces derniers mois devant le Parlement sont qualifiées de « liberticides » est tout aussi difficilement récusable.

La résolution européenne nous rappelle aussi que l’Algérie, en tant qu’État, a pris des engagements internationaux qu’elle se doit d’honorer, dont l’accord d’association avec l’Union européenne qui fait la part belle au respect des droits de l’Homme et des libertés.

Celui qui l’a paraphé au début des années 2000 avait certes sa propre conception des droits de l’Homme, mais l’autre partie n’en reconnait qu’une seule, celle universellement admise.

L’Algérie est aujourd’hui tenue de s’y conformer, et pas seulement pour être en phase avec ses engagements. Il s’agit aussi d’une manière de gagner quelques pas sur la voie de la démocratisation et de se prémunir contre les velléités d’ingérence qui, au risque de se répéter, ne sont pas qu’un épouvantail.

 

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