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Du 23 mai au 9 juillet, l’exigence d’un sursaut patriotique

Du 23 mai au 9 juillet, l’exigence d’un sursaut patriotique

TRIBUNE. Il est contre-productif de dresser le peuple en marche contre son armée ! Il n’est pas dans l’intérêt du mouvement populaire, de la demande du changement du système, de l’image que nous voulons offrir au monde.

Tout le monde sait que l’armée a créé l’État algérien, qu’elle est au cœur du pouvoir, qu’elle a tout le temps intervenu pour sauver le régime confondu à l’État. L’enjeu aujourd’hui, avec ce mouvement populaire inédit, est de libérer l’État du système à travers un nouveau contrat entre le militaire et le civil.

Tout indique, que cette fois, il est possible d’aboutir à une avancée certaine. Le comportement de l’institution militaire face à la révolution citoyenne du 22 février contraste fondamentalement avec ces réactions antérieures faites de répression et de violence, à l’instar du 5 octobre 1988.

Le nouveau contrat patriotique algérien

En effet, plus de deux mois après l’entame du Hirak, 13 vendredis de marches, aucune balle n’a été tirée, aucune goutte de sang n’a été versée, et aucun martyr, sauf les deux décès par accidents que le mouvement doit garder en mémoire. C’est le vrai bilan de « khawa-khawa » à retenir : celui d’un pacifisme festif qui a surpris plus d’un, résultat d’un nouveau contrat patriotique algérien.

Les malentendus politiques apparus, imposés par une conjoncture particulièrement complexe et difficile, sont de l’ordre du normal. Ils peuvent être dépassés par l’intelligence de toutes et de tous. Il suffit de garder la tête froide, d’avoir un regard lucide sur la situation pour s’apercevoir qu’il n’y a pas de raisons valables pour rompre le contrat moral et politique qui unit le mouvement populaire et l’armée.

L’ANP est le partenaire essentiel dans le processus du changement du système. Elle est doublement impliquée comme partenaire et vis-à-vis. À cet effet, les relations avec cette institution ne doivent pas se décider à légère, ni sous l’influence d’une tierce partie responsable de la faillite de la classe politique. Les mesures prises par l’armée contre les chefs de son bras politique ne doivent pas avoir des effets sur le Hirak. C’est une affaire qui lui est interne. Les personnalités, les partis politiques, les organes de presse qui étaient sous l’influence de ces hommes durant plusieurs décennies doivent se libérer, à l’instar des magistrats, des directeurs de banques, des députés et autres.

C’est dans la déclinaison du processus de libération dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociétal que réside le caractère révolutionnaire du mouvement. C’est la capacité politique de percevoir l’ANP comme un partenaire, non pas comme un tuteur ou un ennemi qui permettra aux choses d’évoluer positivement. L’interpeller pour s’expliquer sur le cas de Mme Louisa Hanoune, militante et femme politique, est un devoir moral et politique. Il s’agit, à cet effet, de la protéger contre les tentations autoritaires qui peuvent la traverser.

Pour réussir le défi du changement entamé le 22 février, nous devons nous armer de la lucidité et du courage d’affronter nos propres démons avant ceux des autres. C’est en nous que résident les raisons de la victoire ou de l’échec. C’est dans notre aptitude à être toujours dans le stratégique, le durable, loin de l’impatience et de la précipitation.

De la résistance du système des clans

Certes, le peuple algérien réclame haut et fort le départ d’Abdelkader Bensalah et Noureddine Bedoui, mais ne faut-il pas pour autant trouver une issue légale et légitime à l’impasse que provoque leur maintien en poste ? Il faut une solution consensuelle qui respecte aussi bien la demande populaire que le cadre légal. Ce n’est pas impossible de la trouver si la volonté de tous s’accorde autour du changement du système comme moyen de la survie de l’État national.

Au lieu de se tremper de cible, il faut bien rester dans l’essentiel. Notre unité est au-dessus de toutes les considérations, nous devons la préserver en évitant les égarements injustifiés. Pour cela, il faut toujours avoir à l’esprit que le peuple ne s’est pas soulevé contre l’ANP, mais contre le clan présidentiel qui a secrété l’oligarchie prédatrice pour arrimer le pays au capitalise monétaire.

Après la manœuvre échoué de la dissolution des deux chambres pour empêcher la déclaration de la vacance du pouvoir, suite à la démission de Bouteflika, vient la pression pour le dégagement du chef de l’État par intérim et du gouvernement qui risque de placer l’ANP dans l’illégalité qu’elle récuse de toutes ses forces. Pour éviter cette situation préjudiciable pour tous, étant donné que l’armée est celle de tous les Algériens, la classe politique doit se ressaisir et aller vers une initiative politique forte. Il est dangereux de laisser l’ANP seule dans ce processus. L’acculer a se refermer sur elle-même n’est dans l’intérêt de personne.

C’est vers cette conjugaison d’efforts que nous devons aboutir. C’est l’approche consensuelle qui doit prévaloir dans l’élaboration de la feuille de route de la pré-transition. À cet effet, la confiance doit s’installer durablement, car le parcours sera long et les contraintes seront multiples sur le chemin du changement effectif du système. La vigilance doit aussi être de mise.

Du rôle de l’armée et du peuple

Les forces politiques et de la société civile doivent s’impliquer résolument dans le sens d’imposer une solution politique à encrage constitutionnel et légal. Elles sont interpellées à sortir de leurs hésitations et agir avec vigueur. La période allant « du 23 mai au 9 juillet 2019 » sera déterminante pour l’avenir du pays.

Après études, il est fort probable que le Conseil Constitutionnel décide de l’annulation de l’élection présidentielle du 4 juillet, faute de candidats ayant récoltés les signatures nécessaires à la validation de leurs dossiers. Sous nos yeux, aucune activité dans ce sens n’a été enregistrée. Quant aux forces habituées à offrir des cartons de signatures aux candidats choisis, elles ne peuvent plus le faire, l’armée non plus.

Le lendemain de l’annonce de l’annulation, un dialogue politique doit être entamé entre le chef de l’État par intérim et le mouvement populaire pour préparer la transmission du pouvoir. Le pays doit impérativement éviter le risque du vide institutionnel et constitutionnel.

C’est à l’opposition de prendre l’initiative d’appeler au dialogue. En 1992, feu Hocine Ait Ahmed n’a pas hésité à aller à la rencontre de Khaled Nezzar, chef d’état-major, pour l’inviter à prendre des mesures qui éviteront que le pays sombre dans la violence. Il a rencontré aussi bien les dirigeants du FIS dissous que ceux du FLN. L’impératif de la paix civile était, à ses yeux, plus important que tout autre calcul politicien ou de carrière.

Dans cet esprit, une délégation regroupant des représentants des partis de l’opposition, des personnalités universitaires et de la société civile peut rencontrer le chef de l’État par intérim, puis, le chef d’état-major pour un dialogue franc sur les voies et moyens d’éviter au pays des lendemains incertains. Le seul point à l’ordre du jour doit être les modalités du retrait de Bensallah et la désignation d’un président de transition auquel il doit remettre le pouvoir présidentiel.

Afin de rester au côté du peuple souverain, l’ANP doit appuyer la solution consensuelle qui s’appuie sur les articles 7 et 8 de la constitution qu’elle a énumérée à maintes reprises dans ses messages à la nation. Elle doit persuadant Abdelkader Bensalah et Noureddine Bedoui de déclarer leurs intentions de démissionner pour débloquer la situation. L’incapacité d’organiser l’élection présidentielle du 4 juillet est une raison suffisante pour remettre le tablier.

Suite à quoi, une réunion des deux chambres, l’APN, – ayant choisie un nouveau président autre que Mouad Bouchareb -, le Sénat, sous la présidence de Salah Goudjil, va élire un président de la pré-transition qui aura latitude de choir une femme et un homme pour l’assister dans sa tâche.

Viendra la mise en place d’un gouvernement de compétences nationales qui sera l’entame d’un retour concerté au processus électoral. En effet, face à un gouvernement accepté par les Algériens, les députés de l’opposition peuvent présenter tous les textes de loi en mesure d’assurer une élection présidentielle crédible :

– projet de loi portant révision de la loi électorale.

– projet de loi portant création d’une instance d’organisation et de surveillance des élections.

– projet de loi portant organisation du champ médiatique.

– projet de loi portant révision de la loi sur les partis et associations.

Au cours de cette nouvelle dynamique législative, libérée de l’emprise et des blocages de l’exécutif, les députés de l’opposition travailleront en étroite collaboration avec le mouvement populaire qui peut se mobiliser à l’occasion de toute session afin de faire passer les lois garantissant un dispositif électoral favorable au changement.

De la présidentielle de transition à la 2e République

Après la mise en place des conditions d’une élection crédible, les Algériennes et les Algériens pourront élire un président sur la base d’un projet présidentiel de transition à la 2° République. Un président qui s’engagera à mener une transition effective, inclusive, et qui se retirera au bout de son mandat transitionnel, à l’image d’un Nelson Mandela qui, après avoir réussi la réconciliation et la démocratie en Afrique du Sud, s’est retiré avec les honneurs et le sentiment irremplaçable du devoir accompli.

Un président légitime, soutenu par le peuple, sera capable de remettre toutes les institutions de la République en marche, d’autant plus que la situation socio-économique sera des plus pénibles dans quelques années. Un président qui ne sera pas une fabrication des généraux, mais l’élu de la majorité des Algériennes et algériens, civils et militaires, et dont l’élection marquera la première vraie rupture avec le système de la cooptation et l’occulte.

C’est à partir de cette élection que la transition va commencer effectivement avec un peuple toujours en éveil et constamment mobilisé.


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