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En tournée en Afrique, Rex Tillerson met en garde contre la Chine et demande un soutien contre la Corée du Nord

En tournée en Afrique, Rex Tillerson met en garde contre la Chine et demande un soutien contre la Corée du Nord

Rex Tillerson, secrétaire d’État américain, est en Afrique depuis mardi pour une première tournée dans le continent. Cette tournée de huit jours donne clairement priorité à l’Afrique de l’Est avec la visite de l’Éthiopie, du Kenya et de Djibouti où se trouve la plus grande base militaire américaine en Afrique.

Le secrétaire d’État américain a rencontré, jeudi à Addis Abeba, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki, qui a appelé à tourner la page des propos attribués au président américain Donald Trump sur les « pays de merde« . Au cours d’une rencontre d’une heure au siège de l’UA dans la capitale éthiopienne, MM. Tillerson et Faki ont discuté de contre-terrorisme, sécurité, commerce, développement, corruption et conflits.

Le responsable américain fera une halte au Tchad, pays stratégique, en raison de sa proximité avec des États instables, comme la Libye, le Soudan et la Centrafrique, et du rôle qu’il joue dans la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.

Rex Tillerson sera le premier secrétaire d’État américain à se rendre au Tchad dans l’histoire des relations diplomatiques entre les deux pays. Le Tchad figure pourtant sur la liste noire américaine des pays dont les ressortissants sont interdits de visa aux États-Unis.

Les Tchadiens, au même titre que les Somaliens, les Syriens ou les Vénézuéliens, n’ont pas le droit d’accéder aux États-Unis en vertu du très contesté décret migratoire de Donald Trump, le président américain, rendu effectif à partir d’octobre 2017.

L’Afrique anglophone est également un axe prioritaire de la visite du chef de la diplomatie américaine avec un déplacement au Nigéria, après le Kenya et l’Éthiopie. Avant de quitter Washington, Rex Tillerson s’est livré à petit exercice de communication en intervenant, mardi 6 mars, à l’université George Mason à Fairfax (Virginie) pour expliquer la politique qu’il envisage de mener en Afrique.

« J’entame ma première visite officielle en Afrique subsaharienne, pas mon premier voyage en Afrique, car j’y suis allé de nombreuses fois, dans le passé. C’est un voyage que nous avons commencé à préparer en novembre, lors de la réunion ministérielle qui a rassemblé 37 pays africains et l’Union africaine. Notre conversation s’était alors centrée sur les questions relatives à la lutte contre le terrorisme, à la démocratie et à la gouvernance, ainsi que sur le renforcement des échanges commerciaux et des liens d’investissement avec le continent », a-t-il souligné.

Il a clairement expliqué que la sécurité et la prospérité économique des États-Unis sont liées à celles de l’Afrique « comme jamais auparavant ».

« Nous devons comprendre que l’avenir, c’est l’Afrique »

Il a détaillé les raisons. Il a, d’abord, souligné que d’ici 2030, l’Afrique représentera près d’un quart de la main d’œuvre mondiale et d’ici 2050, la population du continent devrait doubler pour atteindre plus de 2,5 milliards d’habitants, dont 70% auront moins de 30 ans.

« L’Afrique connait une croissance économique considérable. La Banque mondiale estime que six des dix économies qui connaissent la plus forte croissance au monde cette année seront en Afrique. D’ici 2050, la population du Nigéria dépassera celle des États-Unis et son économie dépassera celle de l’Australie. Pour comprendre où va le monde, nous devons comprendre que l’avenir, c’est l’Afrique. Les pays d’Afrique compteront de plus en plus dans les nombreux défis mondiaux en matière de sécurité et de développement, ainsi que pour les vastes débouchés de croissance économique et d’influence », a noté le chef de la diplomatie américaine.

Il a plaidé pour assurer davantage de postes d’emplois aux jeunes africains et pour le renforcement de la sécurité, « condition sine qua non de la prospérité économique et d’institutions plus fortes ».

Les attentats terroristes en augmentation en Afrique

Il est revenu sur l’action continue des groupes terroristes en Afrique. « Les attentats terroristes sont passés de moins de 300 en 2009 à plus de 1500 par an en 2015, 2016 et 2017. La semaine dernière, en réaction à cette menace croissante, j’ai désigné sept groupes affiliés à Daech, y compris l’État islamique en Afrique de l’Ouest et Daech-Somalie, ainsi que leurs dirigeants, et les États-Unis les ont sanctionnés, dans le but de tarir les ressources que ces groupes utilisent pour commettre des attentats.

Pour l’emporter face à de telles forces du mal, les États-Unis se sont engagés à travailler avec des partenaires africains pour débarrasser le continent et le reste du monde du terrorisme en prenant en charge les causes du conflit, qui mènent à la radicalisation et au recrutement en premier lieu, et en renforçant les capacités institutionnelles des forces de l’ordre des pays africains. Nous souhaitons aider les États africains à assurer la sécurité de leurs citoyens de manière légale », a-t-il expliqué.

Soutien au G5 Sahel

Il a plaidé pour « la coopération régionale » en matière de lutte contre le terrorisme en citant l’exemple de la Force multinationale conjointe (MNJTF), composée du Nigéria, du Bénin, du Cameroun, du Niger et du Tchad, et le G5 Sahel qui regroupe le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Tchad et le Burkina Faso.

« Leur travail est essentiel pour trouver des solutions africaines au terrorisme et à l’instabilité. En octobre dernier, j’ai annoncé que les États-Unis contribueraient davantage à ces efforts régionaux. Nous avons engagé jusqu’à 60 millions de dollars dans les efforts de lutte contre le terrorisme du G5-Sahel, pour lui permettre de former et d’équiper les membres de la force conjointe et de lutter contre la propagande dans toutes ces communautés », a-t-il détaillé.

Il a rappelé la création du Partenariat transsaharien contre le terrorisme destiné aux pays de l’Afrique du Nord (dont l’Algérie) et de l’Afrique de l’Ouest « pour dispenser des formations et promouvoir la coopération entre l’armée, les forces de l’ordre et les acteurs civils ».

Rex Tillerson a précisé que les États-Unis veulent renforcer les capacités, « et non pas la dépendance », des États pour que « nos partenaires puissent assurer leur propre sécurité ».

« Cela s’applique également à notre approche en matière de maintien de la paix sur le continent », a-t-il dit, en rappelant qu’en 2017, les États ont soutenu plus de 27.000 Casques bleus africains provenant de plus de 20 pays.

533 millions de dollars d’aide supplémentaire

À la veille du déplacement de Tillerson vers l’Afrique, Washington a dégagé la somme de 533 millions de dollars supplémentaires en aide humanitaire pour lutter contre l’insécurité alimentaire et la famine dans le continent surtout dans le bassin du lac Tchad, au Soudan du Sud, en Somalie et en Éthiopie.

Rex Tillerson a parlé de la corruption en Afrique en citant l’Union africaine (UA) qui a estimé que le continent a perdu des centaines de milliards de dollars à cause de ce phénomène.

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« Les pots-de-vin et la corruption maintiennent les gens dans la pauvreté, encouragent les inégalités et sapent la confiance des citoyens dans leur gouvernement. Les investissements légitimes restent alors à l’écart alors que l’insécurité et l’instabilité grandissent, créant des conditions propices au terrorisme et aux conflits », a prévenu le responsable américain.

Washington est favorable à des « institutions plus transparentes et moins corrompues » et à « la bonne gouvernance » en Afrique. Aussi, le Fonds d’initiative pour la transparence fiscale a-t-il été lancé pour soutenir les efforts des États africains à lutter contre les dessous de table et à rendre publics les budgets.

La Chine accusée d’établir des « contrats opaques »

La Chine, grand rival commercial des États-Unis en Afrique, est accusée par Rex Tillerson de nourrir la corruption dans le continent. Selon lui, la Chine encourage la dépendance des États en s’appuyant sur « des contrats opaques, des pratiques de prêt prédatrices et des accords corrompus », qui poussent les nations à s’embourber dans l’endettement et « qui nuisent à leur souveraineté ».

« Les investissements chinois ont le potentiel de combler le déficit en infrastructures de l’Afrique, mais leur approche a conduit à une dette croissante et n’a créé que très peu d’emplois dans la plupart des pays. Associée à des pressions politiques et fiscales, cette approche met en péril les ressources naturelles de l’Afrique et sa stabilité économique et politique à long terme », a-t-il accusé.

La tournée africaine de Rex Tillerson est clairement orientée contre la Chine qui avance à grand pas dans le domaine économique.

Selon un rapport du Financial Times, publié en août 2017, la Chine est le premier investisseur étranger en Afrique avec l’engagement, en 2016, de 36 milliards de dollars, 15 fois plus qu’en 2015 et 10 plus que les États-Unis.

En 2017, la valeur des échanges commerciaux entre la Chine, qui a plus d’habitants que l’Afrique (1,2 milliards d’africains fin 2017), et le continent était de 170 milliards de dollars, un record historique !

Le choix de l’Éthiopie, comme étape du secrétaire d’Etat américain, n’a pas été fait par hasard. Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique après le Nigéria, avec 100 millions d’habitants, l’Éthiopie attire une grosse partie des investissements et des prêts chinois, plus de 12 milliards de dollars en 15 ans seulement. La position géographique stratégique de l’Éthiopie intéresse Pékin.

Washington veut que les Africains fassent pression sur la Corée du Nord

Sur le plan diplomatique, Rex Tillerson demandera, au cours de sa tournée, aux Africains de faire pression sur la Corée du Nord (et probablement sur l’Iran) en raison de leurs programmes nucléaires.

Il avait formulé la même demande lors de son déplacement en Amérique du Sud. « De même que bon nombre de pays africains assument plus de responsabilités pour prendre en charge leurs besoins au niveau national. Les États-Unis ont également besoin que leurs partenaires jouent un rôle actif sur la scène internationale. Un des domaines dans lesquels nous recherchons davantage de coopération est notre campagne de pression pacifique visant à amener la Corée du Nord à la table des négociations », a déclaré le chef de la diplomatie américaine lors du discours de l’université George Mason.

La Corée du Nord menace, selon lui, la communauté internationale toute entière par « le biais de ses programmes nucléaires et balistiques illégaux et de ses activités de prolifération y compris ses exportations d’armes vers l’Afrique ».

Pyongyang a toujours accusé les États-Unis d’utiliser l’aide au développement pour faire « du chantage » aux pays africains. La Corée du Nord, qui compte une vingtaine d’ambassades en Afrique, construit, dans certains pays africains, des usines d’armements et infrastructures militaires à la technologie sophistiquée. Ce qui inquiète évidemment les États-Unis et ses partenaires de l’OTAN.

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