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En France, la diaspora s’organise pour contribuer au développement économique de l’Algérie

En France, la diaspora s’organise pour contribuer au développement économique de l’Algérie

« Les Algériens ont les compétences, ce sont des cerveaux. C’est nous qui voulons revenir en Algérie, avoir un travail, un ‘grade’ : en France, on est moins considérés. » Mehdi Sahraoui, jeune binational originaire du sud de l’Algérie, est ravi d’assister au forum africain des diasporas qui vient de se tenir à Montrouge, près de Paris.

Investi au Sénégal dans l’associatif, la coopération et l’agriculture durable, pour lui les choses sont claires : « L’Algérie est africaine. C’est en Afrique que les Algériens sont attendus : nous sommes reconnus, nous avons une réputation. Je suis content que l’Algérie s’interroge sur son identité. »

Au Forum des diasporas africaines, on rencontre des Africains de tous pays et de tous secteurs. L’an dernier, la première édition du forum, inaugurée par le président français Emmanuel Macron, a reçu environ 3.000 visiteurs. Pour sa deuxième édition, le forum économique s’est donné pour objectif de « promouvoir le potentiel créatif et entrepreneurial de la jeunesse d’origine africaine en France et en Europe » et d’« encourager et accompagner tous ceux qui souhaitent développer un projet en lien avec l’Afrique ».

Les organisateurs estiment la diaspora africaine à 36 millions de personnes, dont 3,6 millions en France.

Parmi les participants au forum, des Algériens nés en France et bien motivés à contribuer au développement économique de l’Algérie. Certains se connaissent ou font connaissance autour d’un café. Parmi eux, Linda Younga, créatrice de la Alger Fashion Week lancée en 2015, Farid Arab et Fadhila Brahimi, actifs dans le secteur du numérique depuis plusieurs années, mais aussi de nouveaux venus algériens ou franco-algériens.

Appartenir à un réseau

« Il faut que l’Algérie soit présente sur ce genre d’événement », estime Karim Idir, membre du conseil d’orientation du forum depuis la première édition. « Les membres de la diaspora ont besoin de se connaître, d’appartenir à un collectif, à un réseau. Nous voulons voir comment la dynamique algérienne peut s’inscrire dans un spectre plus large de programmes et projets entre la Méditerranée et l’Afrique. »

Lui-même est un algérien de la diaspora. Après avoir travaillé pour l’insertion professionnelle de personnes en difficulté en France, il s’active à présent avec YBL, fonds d’investissement du footballeur et star des Verts Yacine Brahimi, aux côtés de startuppers et de sportifs de haut niveau.

« Nous voulons inciter des membres de la diaspora à s’intéresser à leur pays d’origine, valoriser les initiatives des Algériens dans un contexte africain, et en particulier les sensibiliser au sport comme levier de développement économique et social, à travers un partage d’expérience, » affirme-t-il.

Parmi les intervenants algériens du forum, Mohamed Bouchentouf, ingénieur agronome, insiste sur le rôle de la responsabilité sociale des entreprises dans la mise en place de partenariats au service de l’agriculture de proximité. Il ne faut pas pour autant rêver à des réussites miraculeuses, prévient-il : « C’est par des actions à petite échelle que nous pourrons avancer ensemble sur des projets concrets et réussir. Si une solution marche à l’échelle micro, alors on passe à l’échelle macro. Or souvent, nous allons directement à l’échelle macro, et à la première sécheresse, tout est perdu ! »

Les trois piliers de la réussite

M. Bouchentouf dirige une ferme écologique et innovante dans le sud de l’Algérie, qui produit dattes, fruits divers, cultures maraîchères… Objectif : l’auto-production pour l’auto-alimentation.

« Les trois piliers pour réussir, c’est la recherche, la formation et la vulgarisation, » estime-t-il. « Nous avons un capital humain et de l’investissement, mais il y a un problème de perfectionnement et de stimulation pour améliorer les compétences. »

Un problème qui se pose en Algérie mais aussi sur le continent africain en général, explique-t-il, insistant au passage sur l’appartenance de l’Algérie à l’Afrique. « Lors de réunions avec des agriculteurs au Tchad ou au Mali, on disait que je venais de Paris, » se souvient-il avec un sourire. « Je répondais : non, c’est un algérien africain qui vous parle, alors profitez-en ! »

Autre session dédiée à l’Algérie : un atelier « pays » organisé par la Chambre algérienne de commerce et d’industrie en France, qui évalue entre autres les attentes de la diaspora. Une session « bien algérienne », où les idées et opinions fusent plus ou moins dans l’ordre, s’amuse un jeune franco-algérien présent sur place. Il se réjouit que la question de la coopération sud-sud du pays ait été abordée : « Trop souvent, le sud de l’Algérie est délaissé, » déplore-t-il.

Une participante africaine à l’atelier, Bianda Perrin, est venue pour « prendre le pouls du continent : quand on parle de l’Algérie, on parle de toute l’Afrique, » estime-t-elle. Elle travaille dans le secteur associatif et milite pour l’accès au droit en Centrafrique et en Côte d’Ivoire. Pour elle, « il n’est pas possible de donner une dynamique tant qu’on n’a pas de repères, d’origines. » L’atelier l’a agréablement surprise. « J’ai été étonnée que l’Algérie investisse dans les pays d’Afrique noire, c’est le signe d’une intelligence de cœur, qui accueille tout le monde ».

Parmi les intervenants du forum, Mehdi Omarouayache est le CEO de la start-up Cooffa et président du cluster numérique algérien. Sa mobilisation a permis à plusieurs start-ups algériennes de participer au célèbre forum Vivatech à Paris en mai dernier.

A ses côtés, la modératrice Fadhila Brahimi, elle aussi pionnière des réseaux sociaux et du numérique en Algérie. Avec leur compère Farid Arab, ils forment la « Founder Family », ou famille fondatrice, surnom affectueux que se donne un groupe de pionniers du numérique algérien.

A la fin des années 2000, la Founder Family a lancé de vastes formations au numérique qui ont remporté l’enthousiasme de milliers de jeunes en Algérie, racontent-ils. Plusieurs de ces éclaireurs font eux aussi partie de la diaspora. Une richesse, estime Fadhila Brahimi : « Pour nous membres de la diaspora, il est plus facile d’impliquer des personnes de différentes origines, puisqu’on les côtoie en Occident, en France notamment, » note-t-elle. Et dans le numérique, l’ouverture est sine qua non, affirme-t-elle : « Les règles de ce secteur obligent à travailler avec les autres, à partager. Si on reste dans son coin, on ne peut pas innover et progresser. »

Manque d’infrastructures numériques

Mais si le secteur du numérique ne manque pas d’aficionados en Algérie, il rencontre un obstacle de taille : le manque d’infrastructures, déplore-t-elle. « Même avec les meilleures idées au monde, le secteur peine. C’est l’arrivée enfin de la 3G qui a donné lieu à un boom des applications. Quand les Algériens auront le reste des infrastructures, comme le paiement en ligne, ils pourront passer à la vitesse supérieure ».

Autre terrain fertile pour l’investissement en Algérie : le sport, à l’honneur dans la cérémonie de clôture du forum autour du thème « le sport comme levier d’intégration économique et sociale ». Juste avant le lancement de la CAN, la session est pilotée par Karim Idir et Zohra Younsi, maman du footballeur Yacine Brahimi, qui affirme son soutien via visioconférence. Zohra Younsi est aussi présidente de YBL, le fonds d’investissement créée autour de Yacine. Mère et fils sont eux-mêmes membres de la diaspora. Aujourd’hui, YBL accompagne aussi d’autres sportifs de haut niveau et les aide à investir dans des start-ups prometteuses, telle que Cooffa. Objectif : viser l’excellence pour contribuer au développement économique de l’Algérie.

« La ressource la plus importante des pays africains, c’est leur jeunesse, » estime Zohra Younsi. Et les sportifs de haut niveau en particulier sont un atout appréciable pour leur pays d’origine, souligne-t-elle : « Les joueurs savent d’où ils viennent, et ils évoluent dans un environnement international : ils sont déjà dans une logique de mondialisation. Le sport a 10 ans d’avance sur la société ».

Un autre intervenant, Bams M’Bouillé Cissé, remarque le potentiel de la banlieue française, malgré la mauvaise réputation dont elle souffre : « C’est essentiellement la banlieue qui donne des joueurs de l’équipe de France. Et aujourd’hui, les binationaux embêtent, » ironise-t-il. « Avant, c’était les seconds couteaux qui allaient jouer en Afrique. Plus maintenant. » Travaillant entre la France et le Mali, il dirige Sat’Elites, organisation qui aide des jeunes qui n’ont pas pu faire carrière dans le sport, à s’insérer professionnellement dans des domaines comme la médecine ou le droit du sport.

Sur scène, plusieurs Africains d’horizons divers : anciens sportifs de haut niveau, organisateurs de rallyes dans le sud de l’Algérie, concepteurs de la pelouse du stade du 5 juillet, acteurs associatifs pour l’insertion professionnelle, ainsi que le ministre de la Jeunesse de Guinée. Tous sont unanimes : il faut créer les conditions nécessaires pour valoriser les sportifs africains.

Mais dans le sport aussi, le manque d’infrastructures de qualité se fait sentir : « Les sportifs africains s’entraînent en Europe parce que les infrastructures sont mauvaises en Afrique, » déplore Bams Cissé. Mohamed El Ghouti, ancien sportif, interroge : « Pourquoi attendre que les étrangers s’occupent de développer le sport chez nous ? Pourquoi ne pas le faire nous-mêmes ? ». Lui-même organise des rallyes dans le sud de l’Algérie, un domaine dans lequel « il y a de quoi faire », assure-t-il.

Karim Idir est catégorique, le potentiel de la diaspora mérite d’être exploité. « Les membres de la diaspora sont d’excellents ambassadeurs de la coopération entre l’Europe et l’Afrique : ils ont une bienveillance innée à l’égard des deux territoires et une capacité à comprendre les différences entre les deux, » estime-t-il. Une dynamique dans laquelle il espère voir s’investir de plus en plus d’Algériens de tous horizons.

 


 

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