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Encore des inondations meurtrières : crimes sans châtiment

Encore des inondations meurtrières : crimes sans châtiment

On croyait la leçon retenue après la catastrophe de Bab El Oued, il n’en fut finalement rien. Depuis les crues meurtrières qui s’étaient déversées sur le quartier mythique d’Alger en novembre 2001, emportant plus d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants, beaucoup d’autres régions du pays ont connu des inondations similaires, certes de moindre intensité, mais meurtrières pour certaines.

Comme ce fut le cas ces derniers jours dans les Hauts-Plateaux de l’Ouest, à Tiaret, Tissemsilt et El Bayadh précisément. Les images diffusées sur les réseaux sociaux par les témoins directs sont impressionnantes. Les habitants de ces régions ont vécu des scènes apocalyptiques. Voitures coincées dans les eaux, hommes et femmes agitant les bras au milieu des crues, trémies et ponts submergés, places publiques, rues, rez-de-chaussée d’habitations et commerces complètement inondés. Des morts et des disparus sont à déplorer.

À croire que le ciel s’est fendu et a subitement lâché toute son eau. Pourtant, le bulletin spécial émis par Météo Algérie annonçait des cumuls de pluie de 40 millimètres. Une broutille à l’échelle des précipitations mondiales, mais pas pour un pays condamné par l’incurie de ses responsables à entrevoir l’apocalypse à chaque caprice de la nature, fut-il anodin.

Pour que quatre centimètres de pluie fassent autant de dégâts, il faut plus que de l’incompétence. Cette vulnérabilité chronique des villes et campagnes du pays aux aléas du climat est le résultat d’une absence totale de stratégie et de visibilité, d’un laisser-aller, de négligences, bref, d’une succession de failles à tous les niveaux de responsabilité.

Même les perturbations de faible intensité sont maintenant annoncées via des BMS (bulletin météo spécial), tant on est habitués à voir des régions entières bloquées par quelques centimètres de neige, des oueds sortir de leur lit et des places publiques se transformer en lacs à la moindre pluie, des pylônes électriques arrachés comme des pieux par des vents qui n’ont rien d’ouragans ou de tornades. Il suffit d’un rien pour que la vie s’arrête dans cette Algérie qui dépense pourtant sans compter dans les travaux publics et les infrastructures routières.

Mais il semble qu’entre dépenser et investir, il y a une différence que nos responsables n’arrivent toujours pas à cerner. Construire des ouvrages d’art sans un suivi sérieux et rigoureux des travaux ou réaliser des avaloirs et des réseaux d’évacuation sans un entretien régulier et méthodique, relèvent de la mauvaise gestion, de la dilapidation de fonds publics.

Une semaine avant ces inondations à l’ouest du pays, une autre crue, du côté de Blida, a emporté un pont construit au prix fort. En 2007, sur la route reliant Staouéli à Aïn Benian, sur la côte ouest d’Alger, un pont construit six ans auparavant (2001) n’a pas résisté à la crue de l’oued qu’il enjambait, contrairement à l’ouvrage de pierre qu’il était censé remplacer car vieux d’un siècle et demi, et qui a tenu bon.

Les failles sont à tous les niveaux. Dans l’élaboration des plans d’occupation du sol, le contrôle et le suivi des travaux, l’entretien des voiries et réseaux d’évacuation. Au vu et au su des autorités, on continue à construire dans les lits d’oueds aux périphéries des grandes villes et dans les campagnes. Et quand advient l’irréparable on fait mine, sur le coup, de s’indigner, on crie « plus jamais ça », puis on reconstruit et on oublie. Mais jamais de châtiment. Même les responsables de la mort d’un millier d’Algériens à Bab El Oued n’ont pas rendu de comptes à ce jour, pas plus qu’on a inquiété ceux qui ont érigé des bâtiments de pacotille qui se sont effondrés sur leurs habitants lors du séisme de Boumerdès en 2003.

Il est peut-être temps d’arrêter de s’en prendre à la nature. Les coupables sont dans les administrations, locales ou centrales, élus ou fonctionnaires, et tant qu’ils continueront à être assurés de l’impunité, ils causeront d’autres drames.

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