Le président de la Fondation pour la recherche médicale (Forem), le Pr Mostefa Khiati condamne énergiquement l’agression contre des enseignantes à Bordj Badji Mokhtar et à Biskra. Il en appelle à des sanctions immédiates et exemplaires contre les coupables.
Quel est votre avis suite à la lâche agression d’institutrices à Bordj-Badji-Mokhtar ?
D’abord je considère que c’est un incident d’une extrême gravité, ce sont des enseignantes qui se sont portées volontaires pour aller travailler à l’extrême sud, à 2.400 kilomètres d’Alger.
Cela veut dire que ce sont des enseignantes volontaires qui sont animées d’une foi de participation au développement national. Elles ont fait preuve d’un grand sacrifice en acceptant d’aller vivre dans des conditions très difficiles.
Elles se sont éloignées de leurs parents, et de leur milieu naturel, pour aller travailler dans l’extrême sud. Le fait de les agresser traduit un acte hautement répréhensible qui mériterait une réaction immédiate et exemplaire.
Les institutrices agressées avaient tiré la sonnette d’alarme déjà à quatre reprises sur des agressions qu’elles ont subies, témoignent leurs collègues. Leur appel n’a pas été entendu …
Absolument. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des cas similaires. Ce qui est important c’est que les services de sécurité devraient prendre en considération les plaintes qui sont exprimées.
Lorsqu’il y a des cas qui sont signalés, il faudra qu’il y ait un renforcement de la surveillance. Bordj-Badji-Mokhtar ce n’est qu’un petit bourg, en un quart d’heure on fait le tour de la ville, je connais la région pour y avoir été à deux reprises. Par conséquent, tout le monde connaît tout le monde.
Ce qui veut dire que les personnes qui ont un comportement anormal sont vite repérées et signalées. Que ces agresseurs aient fait ce qu’ils ont fait, malgré les appels au secours, sans qu’il y ait une réaction immédiate des services de sécurité, montre qu’il y a un certain laxisme.
C’est pourquoi il faut un renforcement de la sécurisation des citoyens sinon ils n’iront pas travailler (dans des régions). En tout cas (cette agression) est un très mauvais exemple pour la femme algérienne pour se porter volontaire et d’aller travailler ailleurs.
Est-ce que c’est la femme qui est visée ?
Le fait que ces femmes se soient portées volontaires pour aller à BBM est à saluer. Je considère que travailler dans cette région -même en ayant un double salaire ce qui n’est pas suffisant – dénote un engagement et un dévouement tout à fait exceptionnels, et j’allais dire un sacrifice de ces femmes.
Normalement, elles devaient être au contraire très bien accueillies et accompagnées, leur fournir le maximum de sécurité et ainsi encourager d’autres femmes à venir travailler.
Malheureusement, cet élan vient d’être brisé par le comportement de quelques voyous qui étaient connus mais qu’on a laissé faire.
Que répondez-vous aux personnes qui voyaient d’un mauvais œil la présence de femmes enseignantes ?
En l’absence d’infrastructures et de logements, la direction de l’Éducation a bien fait de les regrouper dans un ensemble de petits appartements. Elles vivaient ensemble entre elles, elles formaient ainsi une communauté.
On ne peut pas dire que ce comportement-là pouvait porter atteinte aux mœurs bien au contraire, puisqu’elles étaient toutes seules.
Il y a eu une sauvegarde des mœurs locales et il n’y avait donc pas de problème particulier. Certains voyous ont agi comme dans une jungle où il n’y a pas de justice ni de droit.
Quelle est la réponse qu’il faut à cet acte ?
Il est impératif que la justice réagisse rapidement et de façon exemplaire. Il y va du développement des régions du Sud et de la participation de la femme à cet effort.
L’agression de BBM est un très mauvais exemple pour la poursuite de cet effort-là, sachant qu’aujourd’hui la majorité du corps enseignant est composée de femmes.
Créer ces problèmes c’est courir le risque de voir demain ces régions privées d’enseignants et d’enseignantes.
C’est pour cela que je considère que cette agression est un coup prémédité destiné à saper le développement des régions du Sud. C’est comme cela qu’il faut le voir.
Beaucoup de voix considèrent que ces enseignantes ont été agressées parce qu’elles étaient des femmes, que c’est un acte qui est dirigé contre les femmes. Est-ce qu’ils ont raison ?
C’est clair. On sait que dans notre société ce sont les maillons faibles qui sont attaqués car sans protection. Pourquoi y a-t-il des enlèvements d’enfants qui sont abusés et tués ? C’est parce qu’ils sont des maillons faibles.
Dans cette affaire de Bordj Badji Mokhtar, la femme représentait le maillon faible. Les gens asociaux s’attaquent en priorité aux chaînons les plus faibles.
Au-delà du cercle des enseignants, on n’a pas enregistré de réaction ferme contre l’agression des enseignantes. Comment expliquez-vous ce silence ?
Il y a eu quand même une forte réaction du Conseil national des droits de l’Homme, c’est important qu’il ait réagi de cette façon en demandant des sanctions exemplaires. C’est ce qu’on demande aujourd’hui.
Qu’en est-il de la classe politique ?
Les partis politiques devraient dénoncer vigoureusement ce qu’il s’est passé à Bordj Badji Mokhtar, il y va de la crédibilité et de l’éthique de cette classe politique.
Et au-delà de cette classe politique, la voix officielle s’est-elle fait suffisamment entendre selon vous ?
Disons qu’elle a manqué de vigueur, elle était présente mais elle a manqué de vigueur. On a entendu le procureur local. Normalement le ministre de la Justice devrait monter au créneau pour dénoncer ces agresseurs parce que ce qu’il s’est passé c’est quand même extrêmement grave.
C’est inadmissible de voir de telles choses dans l’Algérie de 2021. La première chose à faire c’est une réaction rapide de la part des services de sécurité et de la justice pour appliquer des sanctions exemplaires contre les coupables et de faire en sorte qu’à l’avenir ce genre d’agression ne puisse plus avoir lieu.
