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Entretien avec Sami Agli, président du FCE

Entretien avec Sami Agli, président du FCE

Sami Agli, président du Forum des chefs d’entreprise.

Dans l’interview qu’il a donnée à TSA, le président du Forum des chefs d’entreprise, Sami Agli, souligne la situation de crise que connaissent actuellement beaucoup d’entreprises. En même temps, il s’affirme confiant dans les potentialités de l’économie nationale à condition que la confiance soit rétablie grâce à une large concertation avec les opérateurs économiques.

TSA : Le Forum a tiré la sonnette d’alarme sur la situation des entreprises algériennes à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Quel est votre constat dans ce  domaine et quelles sont les informations en provenance de vos adhérents ?

Sami Agli : Nous avons constaté avec inquiétude, comme tout le monde commence à le faire, la dégradation de la situation des entreprises nationales à la fois publiques et privées et exprimé notre préoccupation quant à leur avenir et celui de leurs employés. Dans certains cas qui ont été rapporté par les médias nationaux, on est passé à des solutions extrêmes comme le licenciement ou la mise en chômage technique de milliers de travailleurs. Il s’agit d’une situation qui nous interpelle non seulement en tant qu’organisation patronale mais également en tant que simple citoyen.

Pour notre part nous avons utilisé dès le mois de septembre dernier l’expression « il y a le feu à la maison » pour souligner l’urgence et la gravité de la situation. Le temps malheureusement nous a donné raison.  Tous les jours nous perdons des entreprises et des emplois et on constate aujourd’hui que de grandes entreprises familiales qui sont à la 2e ou à la 3e génération d’entrepreneurs pensent désormais à fermer. Au lieu d’investir et de recruter, la plupart des chefs d’entreprise algériens sont en train de se demander « comment je vais maintenir l’activité et comment je vais continuer à produire ?»

TSA : Quels sont les secteurs économiques qui sont, selon vous, les plus affectés par la crise actuelle ?

Sami Agli : La crise a démarré d’abord dans le BTP. La principale association du secteur alerte depuis plusieurs mois sur une situation dramatique. Elle évoquait récemment la perte de 700 000 à 1 million d’emplois directs et indirects. Elle s’est étendue plus récemment aux industries du montage de l’électroménager et de l’électronique qui connaissent également une situation très inquiétante. Il s’agit d’un secteur ou la dégradation s’est accentuée au cours des derniers jours selon les déclarations des entreprises à l’instar de Eniem, Condor, IRIS, Sacomi-Thomson, Bya Electronics, Brandt, Starlight, Géant,…etc.

Au moins deux fleurons de l’industrie électronique et de l’électroménager, en l’occurrence Condor et Eniem, ont annoncé la libération de plusieurs milliers de travailleurs et la préparation de plans sociaux pour mettre d’autres travailleurs au chômage technique.

En ce qui concerne ce dernier secteur, je rappelle que le Forum avait alerté en novembre et en décembre 2019 sur des risques d’arrêt de plusieurs unités de production. En plus de l’arrêt des différentes usines et la mise au chômage de milliers d’employés, le Forum avait souligné d’autres risques comme l’augmentation de la facture d’importation, la pénurie des produits et son impact certain sur l’inflation et les prix ; ce qui commence à se
manifester sur le marché grand public.

Le Forum estime que plus de 20% des employés de la filière ont été mis au chômage et ce taux est appelé à augmenter dans le cas où des mesures urgentes ne sont pas prises par les pouvoirs publics, au moins, pour stopper la dégradation de la situation en attendant de redynamiser le secteur productif dans le cadre d’un plan de redressement économique ambitieux et réaliste.

TSA : Quelles sont à votre avis les principales causes de cette situation ?

Sami Agli : Les causes sont multiples mais il s’agit d’une façon générale de la conséquence d’une mauvaise gestion des affaires économiques du pays. Nous avons toujours une économie excessivement dépendante des hydrocarbures qui souffre depuis 2014 de la réduction des revenus pétroliers. Notre tissu économique reste très peu développé et diversifié par rapport à des pays similaires et par ailleurs l’acte d’importation a été tellement facilité au détriment de la production que la plupart des opérateurs se sont précipités dans cette activité.

Plus récemment le pouvoir politique en place n’avait pas été capable de distinguer le bon grain de l’ivraie et s’est entouré d’une clique dont les pratiques ont nui aussi bien à la santé de notre économie qu’à l’image du patronat national.

De façon plus conjoncturelle, les difficultés actuelles de beaucoup d’entreprises nationales sont dues à des mesures inappropriées prises par l’ancienne gouvernance.

À titre d’exemple, la plupart des difficultés actuelles de la filière électronique- électroménager sont la conséquence des dispositions de la note de l’ABEF du 30 septembre 2019 qui a imposé, en réalité à l’instigation directe du ministère des Finances, l’obligation du différé de paiement. Les entreprises du secteur souffrent également du blocage des autorisations d’approvisionnements en Kits. À quoi il faut ajouter les homologations des produits par les autorités de régulation.

Le Forum s’est interrogé sur le champ d’application de cette note qui a imposé de nouvelles exigences en matière d’importation des inputs et qui a ciblé les producteurs et exclu les importateurs des produits finis. Ce paradoxe encourage l’importation des produits au dépend de la production locale,
ainsi que le renforcement de l’informel qui pèse déjà sur notre économie et sa compétitivité.

TSA : Quelles sont les propositions du Forum pour sortir de cette situation de crise ?

Nous estimons qu’une situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles .En tant qu’organisation patronale, nous sommes dans l’action et pas uniquement dans les déclarations. Le Forum a formulé au cours des derniers mois une série de propositions qui ont été soumises aux pouvoirs
publics.

Nous avons en particulier attiré l’attention des autorités du pays sur le fait que la plupart de nos entreprises sont devenues très fragiles sur le plan financier. Dans le but de traiter l’endettement des entreprises et leur situation de trésorerie qui est actuellement très délicate pour beaucoup d’entres elles, nous avons proposé la réactivation du dispositif du  rééchelonnement des dettes fiscales et parafiscales des entreprises déjà mis en œuvre en
2012.

Les entreprises nous disent par ailleurs « les banques ne nous accompagnent plus et nous rencontrons des difficultés croissantes pour rembourser nos emprunts ». Le Forum souhaite donc la mise en place de mesures d’urgence en matière d’endettement bancaire.

Plus spécifiquement et à propos de la filière électronique – électroménager , il y a lieu à notre avis de surseoir à la note de l’ABEF dans sa disposition relative au différé de paiement, et de libérer les autorisations d’importations des kits CKD/SKD en attendant la mise en place d’un nouveau dispositif pertinent, mieux réfléchi, adapté à la situation de chaque activité et incitatif de manière différenciée en fonction des efforts de chaque entreprise dans le progrès d’amélioration du taux d’intégration.

TSA : Est-ce que vous considérez que le nouveau Gouvernement fait preuve de  suffisamment de réactivité face à la situation actuelle de notre économie ?

Sami Agli : Au Forum, nous sommes conscients que notre pays vit actuellement des moments très forts et une période cruciale avec l’arrivée de nouvelles équipes dirigeantes qui tentent de mettre en place une nouvelle politique économique. Il faut certainement leur laisser le temps de définir cette nouvelle démarche. En tant qu’organisation patronale, nous attendons des orientations stratégiques qui rétablissent la liberté d’investir en
réduisant le rôle de l’administration et l’emprise de la bureaucratie.

Mais en même temps beaucoup de signaux indiquent que la machine économique nationale est à l’arrêt .Nous attendons le programme du gouvernement mais nous sommes également persuadés que notre pays regorge d’un potentiel qui n’attend qu’à être libéré. Pour cela il faut avant tout rétablir la confiance qui viendra d’abord d’une large concertation et du dialogue avec les opérateurs économiques et leurs représentants.

Dans cette perspective, le Forum se tient à la disposition des pouvoirs publics et des opérateurs économiques pour trouver les solutions appropriées les plus urgentes mais également pour engager une réflexion globale sur la situation des entreprises pour un redressement de l’économie nationale dans les mois et les années à venir.

 

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