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ENTRETIEN – Soufiane Djilali : « Personne n’a le droit ni l’autorité pour m’interdire de parler du Hirak »

ENTRETIEN – Soufiane Djilali : « Personne n’a le droit ni l’autorité pour m’interdire de parler du Hirak »

Beaucoup d’observateurs et de commentateurs ont considéré l’attitude favorable au dialogue de certains partis politiques, dont le votre, comme une offre de service. Qu’avez-vous à répondre ?

Soufiane Djilali, président de Jil Jadid. S’il y avait offre de service, je n’aurais pas commencé par dire qu’on n’accepte aucun poste quel qu’il soit, ni gouvernemental ni autre, en dehors d’une élection libre qui pourrait nous donner un mandat. A ceux qui crient et nous accusent d’offre de service, je rappelle que pour beaucoup, ils ont un pied à l’intérieur des institutions. Depuis dix mois ils n’ont pas voulu démissionner et aujourd’hui ils veulent donner des leçons de jusqu’au-boutisme. Qu’ils commencent par sortir des institutions de Bouteflika, qu’ils nous expliquent leur situation, et ensuite ils pourront accuser ceux qui n’ont ni subventions, ni siège ni postes. Comment ceux-là peuvent-ils faire des offres de service et les autres non ?

En acceptant cette offre de dialogue, du moins sur le principe, comptez-vous y aller seuls ou dans un espace plus global ?

La direction de Jil Jadid ne représente que les militants du parti et ceux qui ont confiance en lui. Personne ne peut dire qu’il peut parler au nom du Hirak. Nous faisons partie de ce Hirak, et nous avons été dès le début et même avant le 22 février dans la rue, nous sommes donc en droit de défendre nos idées. Et chacun dans le Hirak a compris ce que veut le peuple. Il veut un vrai changement, il veut non seulement le départ de tous ceux qui ont dirigé le pays mais il veut aussi un changement de structure de gouvernance.

Si on peut y parvenir par un dialogue normal et dans la paix, je ne vois pas qui pourrait le refuser. J’ai toujours dit qu’il faut aider le pouvoir à s’en aller et non pas à rester. Il reste maintenant qu’accepter de parler ne signifie pas accepter à priori les résultats du dialogue ou de la négociation. Si le dialogue devait être un paravent pour renouveler le pouvoir, n’ayez aucun doute que je me retirerais. Si on doit parler, je parlerai au nom de Jil Jadid, et s’il doit y avoir un dialogue il ne pourra être que pour aller vers un changement fondamental des hommes et des structures.

En acceptant d’aller au dialogue, n’êtes-vous pas en train de consacrer justement une situation de fait accompli comme le pensent de nombreux observateurs ?

Ceux qui critiquent notre position doivent nous expliquer pourquoi ils ont accepté un président de fait depuis plusieurs mandats. M. Bouteflika n’a jamais été élu, comment se fait-il que ceux qui reprochent aujourd’hui d’avoir un président de fait, ont-ils travaillé dans les institutions de M. Bouteflika qui, non seulement a été un président de fait, mais qui était le chef de la corruption du pays. Aussi, quel est le choix pour un homme politique à faire maintenant ?

Soit refuser tout dialogue et à ce moment-là s’organiser en dehors de l’Etat, et donc aller vers la désobéissance civile et ainsi vers la révolution. S’ils se sentent capables de faire cette révolution, on applaudira. Sinon il reste deux autres options : abandonner et se taire ou alors commencer dès maintenant à travailler pour organiser les forces plurielles du Hirak en organisations plurielles qui peuvent remplacer le vide dans le pays.

Le score rachitique du FLN et du RND donne pour la première fois la dimension véritable de ces instruments de corruption, ce sont aujourd’hui eux les partis microscopiques. Il est évident qu’ils n’ont plus aucun crédit populaire, et que la majorité actuelle à l’Assemblée est fictive et n’a aucun sens. Et c’est aux Algériens d’apporter un projet de société, de s’organiser sérieusement et avoir des partis politiques forts afin de s’imposer dans les institutions de droit. Il nous appartient de construire cet Etat de droit. Mon problème n’est pas comment être contre un Etat pour le faire tomber, mais comment récupérer cet Etat par des voies démocratiques et des élections libres et transparentes.

Le fait de vous engager en tant que classe politique dans ce processus de dialogue ne serait-il pas une remise en cause du Hirak populaire dont l’offre est rejetée même avec les conditions ?

Le Hirak n’a ni direction ni quelqu’un pour donner des instructions. Je suis en droit de porter des revendications, que j’ai toujours portées, pour les défendre. Je ne parle pas au nom du Hirak en tant tel et personne n’en pas le droit. Aussi, personne n’a le droit ni l’autorité pour m’interdire pour parler du Hirak. Il n’existe pas de porte-parole du Hirak. Il y a des citoyens algériens qui ont des idées et qui peuvent être contradictoires.

Je suis en droit de réfléchir et surtout d’apporter de vraies réponses politiques à une crise politique. Si quelqu’un pense qu’il peut identifier à lui seul le Hirak et donner des leçons, traiter et classer les autres comme des traitres, cela est inadmissible.

C’est au contraire l’esprit du pouvoir qui a régné jusqu’à présent pour pouvoir régenter les autres selon ses propres humeurs.

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