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Exil des médecins et ingénieurs : une perte inestimable pour l’Algérie

Exil des médecins et ingénieurs : une perte inestimable pour l’Algérie

Un chiffre est sur toutes les lèvres en Algérie en ce début de semaine : 1200 médecins algériens, formés en Algérie, ont réussi le test d’équivalence qui leur ouvre les portes de l’exercice de leur métier en France.

Internautes, médias, spécialistes et politiques y sont allés de leurs commentaires, fustigeant le système de santé algérien et la gouvernance du pays, et même dans une certaine proportion, les médecins eux-mêmes qui ont donc « choisi » de servir ailleurs que dans le pays qui les a formés.

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Une telle saignée ne peut en effet laisser indifférent. Dans sa réaction, le ministre de la Santé a indiqué que l’Algérie n’était pas le seul pays à connaître une telle situation et qu’il n’était pas facile d’embaucher tous les médecins diplômés.

Cela n’explique qu’en partie le problème et surtout, n’excuse pas que l’on soit arrivé à brader la matière grise nationale. Abderrahmane Benbouziid rejoint en quelque sorte le constat fait il y a quelques jours par le président du Conseil de l’ordre de la profession, à savoir que « l’Algérie forme trop de médecins ».

« Former des médecins, c’est bien. Donner une chance aux futurs bacheliers, c’est bien. Mais dans la mesure où il n’y a pas de postes de travail, comment faire ? », s’est interrogé Dr Bekkat Berkani.

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Ni le ministre ni le président du Conseil de l’ordre n’avancent cependant de chiffres précis sur le nombre de médecins formés chaque année et les capacités des hôpitaux algériens. On sait en revanche que certaines régions du pays manquent de médecins, notamment de spécialistes et il se trouve que ces derniers sont ceux qui partent le plus à l’étranger. Le manque d’opportunités d’emploi est une réalité, mais il n’explique pas tout.

Le départ des élites algériennes est un phénomène qui n’épargne aucune filière et il n’est pas toujours dû au chômage. La preuve, parmi les contingents de ceux qui partent, beaucoup démissionnent des hôpitaux algériens. Précarité sociale, pouvoir d’achat en baisse, manque de considération et de moyens de travail et absence de perspectives sont autant de facteurs qui poussent les élites à l’exil.

Au moment même où était rapporté ce chiffre de 1200 médecins s’apprêtant à exercer en France, le personnel médical d’un hôpital du sud du pays a fait grève pour dénoncer l’agression d’un médecin par un agent de sécurité. Il y a quelques années, un mouvement national des médecins résidents qui réclamait la réforme du service civil était réprimé sans ménagement.

Tous ces cadres sont placés « en situation de précarité sociale et politique » , et livrés « à un système qui, lui, accorde facilement des visas aux ingénieurs et aux médecins », résumait il y a une année dans un entretien à TSA, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer.

Une véritable saignée

Quelques données chiffrées sont  livrées çà et là et permettent de saisir l’ampleur de la saignée. Le chiffre de 1200 médecin qui viennent de réussir le test d’équivalence est même en recul par rapport à celui de ces dernières années.

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Selon le docteur M’hamed Yousfi, président du syndicat des praticiens spécialistes, 20 000 spécialistes ont quitté l’Algérie ces 20 dernières années. Sans compter donc les généralistes et les autres personnels de la santé.

Des estimations concordantes avancent régulièrement le chiffre de 15 000 médecins algériens qui feraient fonctionner les structures hospitalières françaises. Là aussi, il faudra compter ceux qui sont dans d’autres pays, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, dans les États du Golfe…

Au vu de ces quelques données, le nombre de médecins algériens qui font le bonheur de pays qui n’ont pas déboursé un sou pour leur formation doit dépasser l’entendement.

On peut les considérer comme « des chômeurs en moins » si l’on admet que le pays ne peut pas leur offrir du travail, mais derrière les chiffres, se cache une véritable saignée. Car il n’y a pas que les médecins qui partent. On en parle peu, mais les ingénieurs de toutes spécialités sont aussi au moins aussi nombreux à quitter le pays chaque année. Il s’agit d’un pillage en règle de la véritable richesse du pays.

« Le pillage, ce n’est pas seulement l’exploitation du sous-sol, c’est surtout l’exploitation de la vraie richesse qu’est la ressource humaine », expliquait Abderrahmane Hadj Nacer, indiquant qu’ « un médecin, c’est un million de dollars de formation et ça rapporte 500 000 euros par an en termes de revenus », et que « c’est aussi le cas d’un informaticien, d’un polytechnicien… ».

A-t-on seulement fait le calcul de ce que perd l’Algérie et gagnent chaque année les pays d’accueil de ce « pillage par consentement mutuel », pour reprendre la formule de M. Hadj Nacer.

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